La dette des États, un échec systémique selon secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres
La planète se noie dans un océan de dettes, alertent les Nations unies dans un nouveau rapport sur l’endettement des États. Une situation qui entraîne les plus faibles vers le fond à cause d’un système financier injuste, accuse le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. L’Afrique est le continent qui en souffre le plus.
Au total, la dette des États pèse aujourd’hui cinq fois plus lourd qu’en l’an 2000. 70% a été émis par les pays riches. Les dettes des États-Unis, du Japon ou de plusieurs pays européens sont colossales au regard de leur PIB. 200% pour le Japon ou l’Italie.
Mais le fardeau demeure léger dans l’hémisphère nord car les taux d’intérêts consentis par les marchés, avec la bénédiction des agences de notation, restent très supportables : à peine plus de 3% en moyenne aux États-Unis en 2022, tandis que dans les pays en développement, le coût de la dette est accablant. C’est particulièrement vrai en Afrique, où l’argent prêté est le plus cher.
Taux d’intérêt moyen supérieur à 11%
Ce grand écart entre le Nord et le Sud n’est pas seulement le reflet des économies concernées. Mais une distorsion injuste propulsée par les « dynamiques coloniales de l’époque où l’architecture financière internationale a été créée », poursuit le secrétaire général des Nations unies.
Aujourd’hui, les États en développement, moins puissants, moins connectés que les pays développés, ne présentent pas de risque systémique, c’est-à-dire de risque de contagion à l’ensemble de la planète en cas de défaut. Ce n’est plus le risque qui est systémique, dénonce Antonio Guterres mais l’échec de cette architecture devenue obsolète.
Des pays asphyxiés par la dette
Avec les taux d’intérêt les plus élevés au monde, de plus en plus de pays africains sont asphyxiés par le coût de leur dette. Le poids du service de la dette a augmenté de 130% en dix ans en Afrique, deux fois plus que dans l’ensemble des pays en développement. Pendant la même période, les dépenses de santé n’ont augmenté que de 6% sur le continent, les investissements de 7%, et le budget de l’éducation a baissé.
Le service de la dette dévore le reste du budget. Dans plus d’un pays africain sur deux, l’État débourse plus d’argent pour rembourser ces emprunts que pour l’école et la santé. Avec le Covid, l’endettement a empiré. De plus en plus de pays sont acculés à la faillite. En témoigne la situation de la Zambie, du Tchad, du Ghana, trois pays qui se débattent aujourd’hui avec leurs créanciers pour restructurer leur dette, pour alléger un fardeau écrasant.
Inégalités face à l’endettement
Ce constat a déjà été fait maintes fois ces dernières années sans que les choses bougent réellement. Effectivement, la prise de conscience ne suffit pas à renverser la table. C’est pour ça qu’il faut sans cesse rappeler l’ampleur des inégalités face à l’endettement. C’est seulement au plus fort de la crise du Covid, en 2021, que le G20 a suspendu le service de la dette pour les pays les plus pauvres.
Les pays riches ont aussi pris l’engagement de céder une partie de leurs Droits de tirage spéciaux (DTS) émis par le Fonds monétaire international (FMI), aux États les plus pauvres. Mais les 100 milliards de dollars réalloués n’ont toujours pas été décaissés. En piqûre de rappel, Antonio Guterres a demandé à ce que cet argent soit enfin rendu disponible. L’autre volet pour sortir de cette crise rampante de la dette passe par la recapitalisation des banques de développement. Des sujets qui seront à nouveau abordés au G20 présidé par l’Inde en septembre.