La Commission ouvre la voie à un euro numérique comme “bon complément logique à l’argent liquide”

La Commission européenne a présenté mercredi un cadre légal permettant à la Banque centrale européenne (BCE) d’émettre un euro numérique.

“Alors que l’Europe évolue vers une véritable économie numérique, il est temps que l’euro reflète l’ère numérique et s’y adapte, afin de suivre l’innovation et les progrès technologiques. Un euro numérique serait un bon complément logique à l’argent liquide”, a déclaré le vice-président de la Commission Valdis Dombrovskis.

Tout comme les billets de banque et les pièces de monnaie, l’euro digital serait émis par la BCE, ce qui doit garantir la stabilité et la sécurité. Il coexisterait avec les moyens de paiement privés nationaux et internationaux existants, tels que les cartes ou les applications. Il fonctionnerait comme un portefeuille numérique. Il pourrait être utilisé par les citoyens et les entreprises pour leurs paiements à tout moment et dans toute la zone euro. La Commission souligne par ailleurs qu’un “degré élevé “de protection de la vie privée des consommateurs serait garanti.

Utilité?

Des questions persistent cependant sur l’utilité d’une monnaie numérique alors que l’argent dématérialisé est déjà couramment utilisé à travers les cartes de crédit ou les applications mobiles de paiement.

“Pour l’instant, l’euro numérique semble être une solution qui cherche un problème” à résoudre, ironise l’eurodéputé allemand Markus Ferber. La Commission et la Banque centrale européenne (BCE) “doivent encore expliquer de manière convaincante pourquoi nous en avons besoin”.

Concurrence avec les cryptomonnaies

Pour la BCE, la dématérialisation croissante des paiements, notamment avec l’essor du e-commerce, nécessite la création d’un euro électronique, au risque de voir la monnaie unique de plus en plus concurrencée par les cryptomonnaies ou des versions numériques de devises étrangères.

“Nous ne serions pas les premiers à passer à une monnaie numérique”, a souligné le commissaire Dombrovskis. “Étant donné que l’euro est la deuxième monnaie la plus échangée au monde, ce n’est pas un domaine où l’on peut se permettre de rester à la traîne.”

La Chine teste déjà à grande échelle le yuan numérique. Les États-Unis et le Royaume-Uni envisagent aussi une version électronique de leur devise.

Pas avant 2028

La proposition de la Commission doit encore être approuvée par les États membres et le Parlement européen. Ensuite, ce sera à la BCE de se positionner. Quoi qu’il en soit, l’euro numérique ne sera pas émis avant 2028.

L’euro numérique aurait cours légal dans les 20 pays ayant adopté l’euro.

Inquiétudes

L’euro numérique suscite avant tout des inquiétudes alimentées par des campagnes de désinformation. Des internautes affirment sur les réseaux sociaux qu’il viserait à supprimer l’argent liquide pour permettre une surveillance généralisée des citoyens, à travers le contrôle de leurs achats et transactions financières.

Il “ne remplacera pas le cash” et les citoyens européens seront “libres” de l’utiliser ou non, a martelé la semaine dernière François Villeroy de Galhau, membre du Conseil des gouverneurs de la BCE.

De leur côté, les banques s’inquiètent de possibles pertes de revenus et des risques pour la stabilité financière si les particuliers retiraient massivement les dépôts de leurs comptes courants pour les stocker en euros numériques. Comme les pièces et billets, ils ne seront pas inscrits dans leur bilan.

Montant plafond

Pour rassurer les établissements financiers, le texte de la Commission prévoit que la BCE “développera des instruments pour limiter l’utilisation de l’euro numérique comme réserve de valeur”. En clair, elle imposera à chaque particulier un montant plafond d’euros détenus sous cette forme. Il pourrait atteindre 3.000 euros, a suggéré en mai un responsable de la BCE.

Ses partisans soulignent que l’euro électronique assurera un service universel et gratuit, bénéficiant de la garantie publique. Il sera accessible aux quatre millions d’Européens actuellement privés de compte en banque alors que le paiement en ligne devient un besoin fondamental. Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) y est d’ailleurs “très favorable”.

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