[À Rebrousse-poil] Ousmane Sonko, Macky Sall et les “neutres” (Par Adama NDIAYE)
“Honni soit le neutre”. Cela pourrait aisément être le slogan de certains cercles plutôt proches de PASTEF sur les réseaux sociaux. Neutre est le mot utilisé par beaucoup de ces trolls anonymes pour conspuer ceux qui, jugent-ils, se mettent à équidistance entre Macky Sall et PROS.
Cette expression connaît désormais un formidable succès puisqu’elle a quitté la toile pour investir le champ politique. “Moi, je ne suis pas neutre. Je suis contre l’injustice.Sil y a de l’injustice, je dénonce. Si je suis neutre par rapport à l’injustice, je me dis que c’est de la fumisterie. C’est mon adn”, déclarait Alioune Tine, lors d’une interview sur I-Radio.
Après la prière de Korité, vendredi dernier, Ousmane Sonko a fait un laïus pourfendant la tentation de la neutralité : “ Dans le monde où nous vivons, il y a toujours eu des conflits, entre couples, frères, parents enfants, ou collègues. Les conflits sont inévitables, mais les gens ne doivent pas être de simples spectateurs, ils doivent prendre parti (…). Il faut arrêter de se mettre dans une position neutre et aller voir la personne qui a tort et pour lui dire que c’est elle qui tort (…) Mais lorsque vous décidez d’être neutre, vous êtes complice, vous êtes complice avec la personne qui a tort.
Dans le langage guerrier de M. Sonko, neutre sonne donc comme “collabo”, “munichois”, expression en vogue dans le jargon de la seconde guerre mondiale, voire lâche et hypocrite. Être neutre n’est plus s’abstenir de prendre parti, comme le dit le dictionnaire, mais être complice de…, faire le jeu de…En l’occurrence au Sénégal du Président de la République, Macky Sall.
On peut concéder qu’en temps de conflit et de trouble, la neutralité est une option condamnable moralement, surtout si elle confine à l’indifférence. “Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants, mais l’indifférence des bons”, disait avec raison Martin Luther King.
Néanmoins au Sénégal, le mot neutre sonne comme un chantage agité contre tous ceux qui refusent d’être entraînés dans la fatalité d’un duel Ousmane Sonko-Macky Sall. Ceux qui cherchent désespérément une alternative à cette tenaille funeste. Ceux qui rêvent d’une troisième voie, pour le moment très incertaine.
L’usage du mot neutre condamne, par ailleurs, tous ceux qui essaient de faire preuve de nuance et d’équilibre dans un débat public devenu hystérique. Car on peut bel et bien s’indigner, d’un côté,de voir un homme qui prétend diriger le Sénégal “menacer de mort le président, appeler à un coup d’État, insulter les magistrats, et déclarer « se foutre des institutions »”, comme le rappelait si justement Marwan Ben Yahmed. Et d’un autre côté condamner l’impunité contre la corruption, les dérives autoritaires, les arrestations arbitraires, et le deux poids deux mesures sur le terrain judiciaire, du régime du Président Macky Sall.
Mais cette musique est insupportable aux oreilles des zélateurs de M. Sonko. Persuadés d’être dans le camp du bien, de détenir la vérité révélée, le pastéfien ordinaire perçoit toute critique, toute réserve, toute contradiction, comme un blasphème contre le leader vénéré.
Le “neutre” tel qu’il est présenté par ces hordes militants apparaît, paradoxalement, comme un résistant, qui refuse de hurler avec loups et conserve une certaine indépendance d’esprit.
Qualité insupportable aux tenants de la pensée unique ainsi qu’aux adeptes du terrorisme intellectuel.
Source – seneweb