L’Allemagne dit au revoir au nucléaire avec la mise à l’arrêt de ses trois derniers réacteurs
Une page d’histoire se tourne demain en Allemagne. Les trois derniers réacteurs nucléaires seront mis à l’arrêt. Une prolongation de trois mois et demi leur avait été accordée à l’automne dernier mais cette fois, le fameux slogan « Atom Nein Danke », « Nucléaire non merci », devient réalité six décennies plus tard.
De notre correspondant à Lingen, RFI
À Lingen, près de la frontière avec les Pays-Bas où se trouve une des trois centrales encore en activité, à J-1, l’indifférence générale règne. La messe est dite, car depuis 2011, il était clair que la centrale d’Emsland, le nom de la région, fermerait fin 2022.
Il s’agit d’une installation récente inaugurée en 1988 qui faisait partie du paysage sans susciter beaucoup de vagues. Des petites manifestations hostiles attiraient pour partie des activistes venus de l’extérieur. Les parents racontaient aux enfants que la tour de refroidissement fabriquait les nuages pour évoquer la vapeur émise. La ville de Lingen a profité du nucléaire avec des recettes fiscales importantes.
Dans cette ville, le tournant a été amorcé, ça n’est pas un couperet qui tombe demain. La centrale devra être surveillée de près et il faudra des années pour la démanteler, ce qui conserve des emplois. Et Lingen veut conserver son savoir-faire énergétique, car on y extrait du gaz et du pétrole. Dorénavant, les parcs éoliens de la mer du Nord proches doivent livrer de l’électricité qui servira à fabriquer de l’hydrogène avec une production à terme supérieure à celle de la centrale nucléaire d’aujourd’hui. Mais malgré cette sérénité, beaucoup, comme ailleurs en Allemagne, pensent qu’on aurait pu laisser tourner le réacteur performant plus longtemps.
L’abandon du nucléaire au profit des énergies renouvelables
L’Allemagne abandonne le nucléaire alors que plusieurs autres pays développent cette source d’énergie. Il faut comprendre que l’opposition au nucléaire a une longue histoire en Allemagne avec d’importants mouvements hostiles. De nombreuses manifestations contre les centrales, les transports de déchets ont marqué l’histoire du pays. Avec l’arrivée au pouvoir du gouvernement de gauche alliant sociaux-démocrates et Verts sous la direction de Gerhard Schröder en 1998, la sortie du nucléaire est négociée avec les industriels.
Le gouvernement Merkel mène au début de la dernière décennie une politique en zigzag. Il prolonge l’utilisation des centrales avant un virage à 180 degrés après la catastrophe de Fukushima en 2011. Plusieurs centrales anciennes doivent fermer rapidement. Pour les autres, un calendrier prévoit des fermetures régulières jusqu’à fin 2022. Trois mois et demi auront donc été rajoutés à l’arrivée.
L’année dernière, le nucléaire a produit 6 % de l’électricité allemande. Les industriels qui ont été indemnisés ont tourné la page et mise dorénavant sur le développement des énergies renouvelables, près de la moitié de l’électricité allemande l’an passé.
Un abandon du nucléaire qui a suscité de nombreux débats
Cet abandon du nucléaire était prévu de longue date. Mais jusqu’au bout, des discussions l’ont accompagné. La guerre en Ukraine et ses conséquences pour la politique énergétique allemande expliquent ces débats. L’arrêt des livraisons de gaz russe a obligé l’Allemagne à s’approvisionner ailleurs, mais aussi à recourir encore plus au charbon, plus polluant pour produire de l’électricité.
Pourquoi ne pas prolonger plus longtemps l’utilisation du nucléaire pour réduire ces émissions nocives pour l’environnement ? C’est ce que demandent les chrétiens-démocrates même si leur ex-chancelière, Angela Merkel, avait accéléré en calendrier. Et même au sein de la coalition au pouvoir, les libéraux regrettent de ne pas avoir pu imposer une prolongation.
Les milieux économiques y étaient aussi favorables craignant une hausse des prix de l’énergie. Et les deux tiers des Allemands soutiennent cette option.