La presse allemande peu tendre avec Emmanuel Macron
Les déclarations d’Emmanuel Macron sur la nécessité d’une autonomie stratégique de l’Europe face aux États-Unis, notamment sur la Chine et Taïwan, continuent de susciter de nombreuses réactions. En Allemagne, allié traditionnel de Washington, les réactions dans la presse et la classe politique sont virulentes.
Avec notre correspondant à Berlin, Pascal Thibault
« Le dangereux agenouillement de Macron devant la Chine ». Le quotidien populaire Bild Zeitung comme beaucoup d’autres n’est pas tendre avec les déclarations du président français. Pour le journal conservateur Die Welt, Macron fait le jeu de la Chine en nourrissant les espoirs de la Chine de diviser l’Occident. Le Tagesspiegel de Berlin dénonce « la folie des grandeurs du président français » et s’interroge : « Macron croit-il vraiment qu’il peut parler d’égal à égal avec Xi? Qu’a-t-il atteint pour la France et pour l’Europe en Chine ? Et pour l’Ukraine ? Quelle est la contrepartie chinoise pour les flatteries de Macron à l’égard de Pékin ? »
Dans la classe politique, on n’est pas plus tendre. Norbert Röttgen, chrétien-démocrate spécialiste des questions internationales, déclare : « Macron semble avoir perdu la tête. Il divise et affaiblit l’Europe avec sa rhétorique naïve et dangereuse. A-t-il perdu en politique étrangère comme dans son pays le contact avec la réalité ? »
Un responsable social-démocrate parle d’une « grave erreur ». « Si Macron veut prendre ses distances avec les États-Unis en flirtant avec Pékin, cela n’a aucune chance d’aboutir. Nous avons besoin d’une relation critique avec les États autoritaires comme la Chine et pas d’un flirt naïf. »
Outre-Atlantique, la sortie du chef de l’État français a également fait réagir. Le coordinateur américain des communications stratégiques pour les questions de sécurité nationale, John Kirby, parle de sa confiance, mais il s’attend tout de même à des éclaircissements : « Je laisserai l’Élysée s’exprimer sur les déclarations du président Macron. Nous sommes à l’aise et confiants sur la formidable relation bilatérale que nous avons avec la France et sur la relation que le président a avec le président Macron et sur le fait que nous travaillons ensemble sur tellement de sujets différents. Et les Français s’engagent dans l’Indo-Pacifique. Ils conduisent des opérations navales dans l’Indo-Pacifique au moment même où nous parlons, tout en continuant à participer à un effort concerté avec nous tous, cette vaste alliance, ce réseau d’alliances et de partenariat que nous avons, pour continuer à s’assurer que nous défendions la stabilité, la sécurité, la prospérité et un Indo-Pacifique libre et ouvert. »
« Un troisième pôle »
Dans un entretien accordé aux Échos publié dimanche 10 avril, le président français a mis en garde contre le risque de suivisme au sujet de Taïwan, l’un des principaux points de tensions entre les États-Unis et la Chine. « La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise », a déclaré le chef de l’État.
L’Europe n’a aucun intérêt à une accélération de la crise autour de Taïwan et devait poursuivre une stratégie d’autonomie stratégique par rapport aux États-Unis et à la Chine pour devenir un « troisième pôle », a déclaré Emmanuel Macron.
Pékin a poursuivi ses exercices militaires ce dimanche autour de l’île – qu’elle considère comme partie intégrante de son territoire – à la suite d’une rencontre entre la présidente taïwanaise et le président de la Chambre des représentants américaine.
Emmanuel Macron, qui s’est rendu en Chine pour une visite d’État de trois jours, a souligné que la priorité des Européens n’était pas de s’adapter à l’agenda des autres puissances mondiales. « Le piège pour l’Europe serait qu’au moment où elle parvient à une clarification de sa position stratégique, où elle est plus autonome stratégiquement qu’avant le Covid-19, elle soit prise dans un dérèglement du monde et des crises qui ne seraient pas les nôtres », a-t-il dit.
« S’il y a une accélération de l’embrasement du duopole, nous n’aurons pas le temps ni les moyens de financer notre autonomie stratégique et deviendrons des vassaux alors que nous pouvons être le troisième pôle si nous avons quelques années pour le bâtir », a poursuivi le président. Emmanuel Macron a ajouté que pour accroître son indépendance vis-à-vis des États-Unis, l’Europe devait renforcer son industrie de défense, dans le nucléaire et les énergies renouvelables.