La Russie et l’Ukraine en compétition pour nourrir l’Afrique

Aujourd’hui le blé ukrainien ne sort plus qu’au compte-goutte via le corridor de la mer noire. Les cargaisons destinées à l’Afrique et aux autres clients de l’Ukraine s’entassent dans les pays d’Europe de l’est où elles dépriment les marchés et pénalisent donc les producteurs locaux. Ce paradoxe fait partie désormais du paysage indique une note publiée par la fondation Farm. D’après cette note, le blé ukrainien destiné au Maghreb sort depuis le port roumain de Constanta et le port bulgare de Varna. Et celui qui est destiné à l’Afrique subsaharienne est expédié depuis la Pologne.

Mais les capacités logistiques sont insuffisantes pour traiter les quantités destinées au continent

Avant la guerre, l’Ukraine exportait environ 8 millions de tonnes par an vers l’Afrique. Depuis le premier août 2022, seulement 3 millions de tonnes de grain ukrainien ont pu être livrés, dont un million de tonnes via le Programme alimentaire mondial. Tandis que la Russie continue à livrer sans entraves ses clients africains. Moscou est l’un des tout premiers fournisseurs du continent, surtout dans les pays du Maghreb. Vladimir Poutine a souligné la semaine dernière que son pays a expédié 12 millions de tonnes en Afrique. À l’avenir, les produits agricoles exportés par la Russie vers l’Afrique pourraient même être gratuits a promis le chef du Kremlin. La Russie qui fournit également gracieusement des engrais. Le Malawi a récemment bénéficié de ces largesses. La Russie a donc une bonne longueur d’avance dans cette guerre du blé que les deux belligérants se livrent pour desservir les marchés africains. Son avantage pourrait cependant s’éroder.

Cargill, l’un des principaux négociants en blé, a annoncé hier qu’il cesserait à l’avenir toutes ces opérations depuis les ports russes de la mer noire

Vitera, un autre négociant très actif sur le marché russe pourrait lui aussi se retirer. Le ministère russe de l’Agriculture affirme que le blé continuera à sortir, même sans ces opérateurs. Il le faut, car pour Moscou comme pour Kiev, les exportations de blé sont vitales pour faire rentrer des devises. Et sur le continent africain, elles sont devenues un levier pour monnayer des soutiens aux Nations unies. Les pénuries qu’on redoutait quand les hostilités ont été déclenchées ne se sont pas matérialisées, grâce à tous les efforts des autres pays exportateurs pour satisfaire les besoins et garantir au mieux la sécurité alimentaire. L’Union européenne a largement compensé les défaillances de l’Ukraine. L’Ukraine contrainte cette année de restreindre un peu plus ses semis à cause des combats tandis que du côté russe, la prochaine récolte s’annonce prometteuse.

À moins d’une avanie climatique, il y aura a priori suffisamment de blé pour l’Afrique

C’est ce qu’indique la fondation Farm. Avec des bémols. Si le blé stocké en Europe peine toujours à sortir, les prix pourraient se tendre et la facture s’envoler. Moscou fait monter les enchères et exige que des facilités soient rétablies en faveur de sa banque chargée des opérations de paiements internationaux et que les importations de matériel agricole lui sont à nouveau autorisées. Sans quoi elle refusera de renouveler l’accord sur la mer Noire qui court jusqu’au 19 mai. Suspense donc jusqu’à cette date. Pendant ce temps l’Ukraine densifie son réseau de distribution. Elle envisage de faire transiter son blé par Oman pour mieux desservir l’Afrique de l’est. L’Égypte est également prête à accueillir un hub pour le blé ukrainien.

SOURCE RFI

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