La Chine se substitue au FMI pour des pays endettés
La Chine renfloue de plus en plus souvent les États au bord de la faillite. Une mission qui incombait jusqu’alors principalement au Fonds Monétaire International.
La Chine ne supplante pas encore le bailleur universel, mais son poids dans la gestion de la dette est désormais considérable. Elle est devenue le second prêteur en dernier ressort après le fonds. Une montée en puissance très récente et extrêmement discrète. On en découvre l’ampleur grâce à une étude publiée mardi 28 mars par AidData – étude menée par un consortium de chercheurs occidentaux émanant de l’université Harvard, de la Banque mondiale et du Kiel Institute for the World Economy.
Il faut fouiller les comptes publics des pays concernés pour avoir une idée du phénomène, car Pékin ne diffuse aucune donnée sur ses prêts internationaux. Les chercheurs estiment que Pékin a prêté 104 milliards de dollars à des États en détresse entre 2019 et 2021, soit 40% des montants prêtés par le fonds pendant la même période. C’est bien au cours de ces trois années charnières que la Chine est devenue un acteur incontournable des crises de la dette. Les prêts fournis pendant cette période représentent près de la moitié de son engagement depuis 2000.
Pékin renfloue ses partenaires de la Route de la Soie ?
Pékin a commencé par contribuer à l’endettement des pays en développement en leur prêtant de quoi construire des ponts, des routes, des chemins de fer, des ports, toutes les infrastructures qui leur faisaient défaut. Des prêts accordés très rapidement, sur des montants impressionnants. Mais en l’espace de dix ans, la nature de ces prêts internationaux s’est totalement transformée. 60% des prêts chinois servent aujourd’hui à renflouer des États en détresse financière ; il y a douze ans, ce n’était que 5% de l’encours. La Chine a donc troqué sa casquette de bâtisseur et de principal créancier contre celle de pompier. Un pompier en partie pyromane. Ces projets estampillés Route de la Soie sont souvent pharaoniques et mal calibrés, d’un point de vue technique et économique. Résultat : beaucoup de pays aimantés par cette manne inespérée se sont retrouvés étranglés par ces chantiers coûteux et parfois complètement ratés. C’est ce qui est arrivé entre autres au Sri Lanka et au Pakistan.
C’est donc en partie pour réparer ces errements que Pékin intervient de plus en plus souvent.
La Chine veut aider des pays qui sont devenus ses alliés, et surtout soutenir ses propres banques qui sont très exposées dans ces pays. Une aide donc très intéressée, très ciblée. La Chine secourt de préférence les pays à revenus intermédiaires, qui conserveront des capacités de remboursement. Et enfin une aide rentable : le FMI accorde des prêts à 2% tandis que les prêts chinois sont plutôt à 5%, avec des clauses commerciales et politiques qui restent bien sûr secrètes. Cela dit, l’attitude chinoise n’est pas très originale : les États-Unis ont pratiqué des taux aussi élevés quand ils ont renfloué les États d’Amérique latine dans les années 1980. Un rôle que la première puissance mondiale a quasiment cessé de jouer.
Comment s’articule l’aide du FMI avec celle de la Chine ?
Assez mal. Selon cette étude, 22 pays bénéficient à la fois de prêts chinois et de prêts du FMI. Cela va de l’Égypte à l’Argentine en passant par le Suriname, la Biélorussie, le Venezuela, l’Ukraine… Cela ne veut pas dire pour autant qu’il y ait une quelconque concertation entre les institutions de Washington et l’empire du milieu. Pékin privilégie la négociation bilatérale, à l’abri des observateurs externes. Cette opacité explique en partie la lenteur et la complexité des récentes opérations de sauvetage financier.