Pendant la première session parlementaire depuis les élections législatives de juillet 2022, à Dakar, le 12 septembre 2022. CARMEN ABD ALI / AFP

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https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/09/13/bagarres-insultes-et-micro-arrache-au-senegal-une-rentree-parlementaire-mouvementee_6141415_3212.html

C’est en présence des gendarmes, à l’intérieur même de l’hémicycle, que le nouveau président de l’Assemblée nationale sénégalaise, Amadou Mame Diop, a été élu dans la soirée du lundi 12 septembre, jour d’une rentrée parlementaire très mouvementée marquée par des bagarres, des insultes, des cris et un micro arraché. Candidat de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakar (BBY), le député-maire de Richard-Toll, une ville du nord du Sénégal, est peu connu du grand public.

« Je serai votre président, le président de tous les députés. Ensemble pour relever les défis d’une assemblée constructive engagée pour le peuple sénégalais qui attend beaucoup de nous », a-t-il déclaré dans la cacophonie, une fois sa victoire annoncée. Lire aussi : Au Sénégal, une fragile majorité à l’Assemblée nationale pour la coalition présidentielle

Elu avec 83 voix sur 84 votants, sur un total de 165 parlementaires, ce pharmacien de profession, député depuis 2012 et fidèle militant de l’Alliance pour la République (APR), le parti créé par le président Macky Sall, n’est pourtant pas reconnu par le camp de l’opposition, qui a boycotté le scrutin.

« Le vote nous a été imposé par les gendarmes alors que nous contestions la procédure. Nous ne considérons pas Amadou Mame Diop comme le président de l’Assemblée nationale mais comme un président factice », dénonce Abas Fall, député du parti Pastef-Les Patriotes, dirigé par la figure de l’opposition Ousmane Sonko. Alors qu’il n’a pas voté, le parlementaire prévient d’ores et déjà que l’opposition va « utiliser les voies de recours » qui s’offrent à elle pour faire invalider ce vote.

Débats « déplorables »

Deux points de blocage ont crispé les discussions de cette session parlementaire qui s’est ouverte avec plus de quatre heures de retard. D’abord, des désaccords sur la procédure liée aux bulletins de vote pour l’élection du président de l’Assemblée. Mais surtout l’opposition n’a cessé de dénoncer « l’incompatibilité » des postes de ministres et de députés. Les parlementaires se sont succédé au pupitre pour demander que les deux députés qui sont encore en poste au gouvernement ne puissent pas voter puisqu’ils n’ont pas démissionné de leurs responsabilités exécutives.

Mais pour Thierno Alassane Sall, ancien ministre de l’énergie de Macky Sall et à la tête de la coalition Alternative pour une assemblée de rupture (AAR Sénégal) qui se présente comme une troisième voie à ces deux blocs, ces débats « déplorables » ont été lancés par les deux coalitions de l’opposition pour « cacher leur échec à présenter un candidat unique ». Lire aussi : Le Sénégal, une vitrine démocratique en danger

En effet, au lendemain des élections législatives de juillet 2022, l’intercoalition de l’opposition Yewwi Askan Wi-Wallu Sénégal avait fait forces conjointes pour réunir 80 sièges parlementaires, suivant de près la coalition au pouvoir BBY qui avait remporté 82 sièges auxquels s’était rajouté un député indépendant, Pape Diop, lui permettant d’atteindre la majorité absolue, quoique très serrée.

Mais cette intercoalition ne semble pas avoir tenu à l’approche de la rentrée parlementaire, avec trois différents prétendants au perchoir, dont Barthélémy Dias, le maire de Dakar. « L’option de départ était un candidat unique Yewwi-Wallu (…), mais les concertations n’ont pas été suffisantes », constate dans une déclaration à la presse Mamadou Lamine Diallo, député de Wallu Sénégal, la coalition dirigée par l’ancien président Abdoulaye Wade.

« Révélateur de la crise politique »

Cette journée de rentrée « présage des joutes et des blocages qui vont se produire à l’Assemblée nationale dans les jours, semaines voire mois à venir », s’inquiète le député Thierno Alassane Sall, qui s’est abstenu de voter. « Cette crispation entre les deux camps [opposition et pouvoir] s’accompagne d’une radicalisation du discours et de violence », poursuit-il, préoccupé par le fait que cela puisse déstabiliser la démocratie sénégalaise.