Tempête sur les marchés financiers après l’effondrement en Bourse du Crédit Suisse
Après une semaine de fébrilité due à la faillite de la banque américaine SVB, les Bourses ont rechuté mercredi 15 mars avec le retour des craintes liées au secteur bancaire et notamment à Crédit Suisse. La banque a enregistré la pire chute en bourse de son histoire après que le premier actionnaire saoudien a exclu un sauvetage de la banque en difficulté. Jeudi, elle a finalement annoncé un emprunt à court terme de jusqu’à 50 milliards de francs suisses à la banque centrale du pays.
Le répit obtenu mardi n’a pas tenu : Paris a dévissé de 2,97 %, Londres de 2,76 %, Francfort de 2,43 % et Milan de 4,01 % vers 13h43 TU. L’indice du secteur européen des banques a lui plongé de plus de 7 %.
La chute de l’action Crédit Suisse, l’établissement perçu comme le maillon faible du secteur bancaire en Suisse a vu le cours de son action perdre jusqu’à 30 % pour toucher un nouveau plancher historique à 1,55 franc suisse à la mi-journée. Elle a clôturé en baisse de 24,24 % à 1,697 franc suisse, malgré l’intervention de son président pour rassurer.
Dans un effet domino, les valeurs bancaires européennes se sont effondrées, notamment BNP Paribas qui chutait de 10,92 % ou Société Générale de 12,97 % : depuis le début de la semaine, de très nombreuses banques ont perdu plus de 10 % de leur valeur en Bourse, et certaines plus de 15 %.
Lors d’une conférence pour le secteur bancaire en Arabie saoudite, son président Axel Lehmann a assuré que la banque n’a pas besoin d’aide gouvernementale.
Ça n’est « pas un sujet », a-t-il déclaré, soulignant que Credit Suisse s’appuyait sur de « solides ratios financiers », sans toutefois parvenir à rassurer les marchés. Hors ces déclarations publiques, la banque comme les autorités financières et le gouvernement sont restés muets tout au long de la journée.
Du mouvement a eu lieu dans la nuit du mercredi au jeudi 16 mars. Credit Suisse a annoncé un emprunt à court terme de jusqu’à 50 milliards de francs suisses à la banque centrale du pays.
« Ces mesures constituent une action décisive pour renforcer le Credit Suisse alors que nous poursuivons notre transformation stratégique afin d’apporter de la valeur à nos clients et aux autres parties prenantes », a déclaré le directeur général de la banque, Ulrich Körner, cité dans un communiqué.
La banque a parallèlement annoncé une série d’opérations de rachat de dette pour environ 3 milliards de francs suisses.
David Bénamou explique les causes des difficultés du Credit Suisse
Fébrilité qui inquiète outre la Suisse
Les mesures des autorités américaines et les assurances des gouvernements européens sur la solidité du système bancaire à la suite de la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) avaient pu stabiliser un peu les marchés mardi. Mais « les craintes quant à la solidité du secteur », souligne Susannah Streeter, analyste d’Hargreaves Lansdown, expliquant ainsi cette tempête soudaine.
Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz n’a pas exclu d’autres défaillances dans un entretien à l’AFP mercredi.
L’inquiétude dépasse les frontières du pays alpin. La Première ministre française Élisabeth Borne a ainsi demandé aux autorités suisses de régler les problèmes de la banque et indiqué que son ministre des Finances parlerait encore aujourd’hui à son homologue suisse.
Cette chute vertigineuse du titre a commencé après des déclarations du président de la Banque nationale saoudienne, première actionnaire de Credit Suisse. Les Saoudiens ont volé au secours de la banque en entrant à son capital en novembre.
Mais la Saudi National Bank ne compte « absolument pas » injecter davantage d’argent pour « plusieurs raisons », a expliqué Ammar al-Khudairy, son président. La plus simple tient à des questions « règlementaires », a-t-il précisé. La banque nationale saoudienne détient une participation de 9,8 %. Mais au regard du droit suisse, la Finma devrait se prononcer si elle franchissait le seuil des 10 %.
Dans un entretien avec l’agence Reuters, Ammar al-Khudairy s’est pourtant dit « très content » du programme de restructuration de Credit Suisse, évoquant une banque « très solide ».
Fondée en 1856, Credit Suisse est un pilier de la place financière helvétique qui a contribué aussi bien à l’essor du rail dans le pays qu’à l’émergence de géants de l’assurance tels Swiss Life ou au financement de grandes entreprises industrielles, dont l’ancêtre d’ABB.
NewsletterRecevez toute l’actualité internationale directement dans votre boite mailJe m’abonne
Mais Credit Suisse est depuis deux ans dans la tourmente depuis la faillite de la société financière britannique Greensill qui avait marqué le début d’une série de scandales ayant fragilisé la banque. Depuis mars 2021, l’action a perdu plus de 83 % de sa valeur.
« Trop importante pour qu’on la laisse couler »
« La pression sur Credit Suisse a touché un marché déjà nerveux », a réagi Jane Foley, analyste chez Rabobank, auprès de l’AFP. Les déclarations du nouvel actionnaire ont touché une corde sensible alors que les investisseurs s’inquiètent du risque de contagion après la faillite de la banque américaine SVB. « Il semble qu’il y ait des investisseurs de plus en plus inquiets », a souligné Neil Wilson, analyste chez Finalto dans un commentaire de marché.
Mais si le Credit Suisse venait à se trouver face à des « problèmes existentiels », alors « nous serions face à quelque chose d’une toute autre dimension. Elle est vraiment trop importante pour qu’on la laisse couler », a-t-il insisté.
À la différence de SVB, Credit Suisse fait partie des 30 banques au niveau mondial considérées comme trop grosses pour qu’on les laisse faire faillite, ce qui lui impose une réglementation plus stricte pour pouvoir tenir le choc en cas de difficulté.
Larry Flink, le patron de BlackRock, plus important gestionnaire d’actifs au monde, est pessimiste
Si les banques centrales et les politiques se veulent rassurantes, certains se montrent beaucoup plus inquiets. C’est le cas de Larry Fink, le patron de BlackRock. Dans sa lettre annuelle adressée aux grands noms de la finance, il tire la sonnette d’alarme. 20 pages dans lesquelles le patron du plus grand gestionnaire d’actifs au monde dit craindre « d’autres saisies et d’autres fermetures » de banques, « il est encore trop tôt pour connaître l’étendue des dégâts ».
Selon lui, c’est tout le système financier qui paye aujourd’hui le prix de décennies d’argents faciles. Si l’intervention rapide du gouvernement américain sur la Sillicon Valley Bank a limité la casse, Larry Fink prédit tout de même l’instauration d’une crise lente au cœur des banques régionales américaines. Une crise qui pourrait s’accompagner de nouvelles hausses de taux, et d’une inflation persistante, proche des 4%, selon ses prévisions.
Une vision pessimiste, partagée, en susbtance, par le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz. Dans un entretien accordé à l’AFP mercredi soir, lui non plus n’a pas exclu de nouvelles défaillances dans les prochains jours.
(Avec AFP)