Droits de douane américains: Algérie, Maroc, Madagascar… Qui sont les gagnants et les perdants en Afrique?

Les pays africains voient l’entrée en vigueur de nouveaux droits de douane américains décidés par le président Trump ce jeudi 7 août. L’accès au marché américain fait l’objet de taxes plus ou moins lourdes selon les pays du continent.

Par – Philippe Randrianarimanana

Comme le reste du monde, les économies africaines entrent, ce 7 août, dans une nouvelle phase de leurs relations commerciales avec les États-Unis. De nouveaux droits de douane entrent en vigueur conformément au décret du président américain Donald Trump du 31 juillet 2025. 

Ce décret modifie les premières dispositions tarifaires américaines annoncées 4 mois auparavant, en avril, qui ont changé radicalement les règles du jeu du commerce avec les États-Unis. Le monde découvrait avec stupeur une liste de pays frappés de taxes douanières allant de 11 à 49%. 

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C’est aujourd’hui que les droits de douane américains de Donald Trump sont officiellement entrés en vigueur. Ces surtaxes se situent dans une fourchette comprise entre 15% et 41%. Qu’en est-il des pays du continent africain ?

Considérant la dette américaine et le déficit commercial comme une menace pour la sécurité nationale de son pays, le président américain veut redresser la barre de gré ou de force avec son arme favorite, les taxes douanières. Dans cette offensive américaine, l’Afrique n’est pas épargnée.

Sur les quelque 70 pays concernés par le nouveau décret américain, dont l’Union européenne, 22 pays africains affichent de nouveaux taux qui s’étalent de 15 à 30%. Les pays qui ne sont pas cités dans le décret sont taxés au taux minimal de 10% introduits en avril dernier. 

Carte droits de douane

Les nouvelles taxes sur les produits entrant aux États-Unis. 

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(Re)lire Droits de douane : quelles sont les conséquences pour les pays africains concernés par les surtaxes voulues par Donald Trump

Par ailleurs, les avantages commerciaux consentis à certains pays africains dans le cadre d’accords multilatéraux comme l’AGOA (African Growth and Opportunity Act) pourraient faire long feu. Créé en 2000 pour permettre l’accès au marché américain sans taxe à certains produits venus de pays en développement, l’AGOA expire en septembre 2025.  

Algérie, Libye et Afrique du Sud sont les plus taxés

Avec 30% d’imposition pour exporter sur le marché américain, l’Algérie, la Libye et l’Afrique du Sud sont deux fois plus taxés que la plupart des pays du continent concernés par le nouveau décret.

Première puissance économique du continent, l’Afrique du Sud n’a pas réussi à négocier une amélioration de son sort et conserve un taux de 30%. Le maintien de tarifs aussi élevés constitue une forme de sanction pour ce pays. En recevant son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa en mai, le président Trump l’avait vertement tancé en accusant, contre toute évidence, l’Afrique du Sud de génocide contre les blancs. 

Pour Prétoria, premier partenaire commercial africain des États-Unis hors hydrocarbures, l’impact économique des taxes se fait ressentir dans l’économie sud-africaine à l’instar du secteur des agrumes particulièrement menacé. Exemptée jusque-là de droits de douane dans le cadre de l’AGOA, l’industrie automobile sud-africaine va également subir de plein fouet la taxe de 30%. Lire la vidéo

En Afrique du Nord, Algérie et Libye font tout deux figures de « mauvais » partenaires commerciaux vus de Washington qui maintient le niveau élevé de taxation des biens provenant de ces deux pays. Cela dit, les hydrocarbures sont exemptés par les taxes. Pour l’Algérie, le pétrole et gaz constituent plus de 90% des exportations vers les États-Unis. De même pour la Libye, déchirée par la guerre, qui n’a elle que son pétrole à échanger.

La Tunisie est à peine mieux lotie que ses deux voisins avec un taux de 25% contre 28% initialement. Selon le media tunisien Kapitalis, seuls 3% des exportations de la Tunisie vont vers les États-Unis, dont principalement l’huile d’olive. 

Au nord du continent africain, seul le Maroc a pu tirer son épingle du jeu avec un taux de taxation minimal de 10%, une aubaine pour le royaume chérifien, cinquième puissance économique africaine selon le FMI. 

Un nivellement des taxes pour le reste du continent africain

Dans le reste du continent, 18 pays africains sont alignés à hauteur de 15% de taxes douanières à l’entrée de leurs exportations les États-Unis, avec une série d’exemptions détaillées dans l’annexe II du décret de Donald Trump. Il s’agit de l’Angola, du Botswana, du Cameroun, du Tchad, de la Côte d’Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de la Guinée Équatoriale, du Ghana, du Lesotho, de Madagascar, du Malawi, de l’île Maurice, du Mozambique, de la Namibie, du Nigeria, de l’Ouganda, de la Zambie et du Zimbabwe. Ce nivellement pour 18 pays africains tranche avec les taux personnalisés et disparates attribués lors du premier décret. 

La liste des pays africains taxés à 15% regroupe un ensemble hétéroclite d’économies de différentes régions d’Afrique subsaharienne, de l’est à l’ouest, de l’Afrique centrale comme l’Afrique australe, mais aussi de taille variée, du poids lourd nigérian (232 millions d’habitants) au modeste Lesotho (2,3 millions d’habitants).

Ce qui distingue aussi c’est les écarts de taxation, à la hausse ou la baisse, par rapport au premier décret. De ce point de vue, le Lesotho fait figure de grand gagnant avec une réduction de 35 points. Le petit pays enclavé avait même déclaré au début du mois de juillet « l’état de catastrophe national » à cause des 50% de taxes douanières qui frapperaient très lourdement son secteur textile, le plus gros employeur avec près de 35.000 personnes. À cet égard, le Lesotho est fortement dépendant de l’AGOA pour exporter ses produits aux États-Unis qui s’élèvent à 237 millions de dollars en 2024.

Avec 32 points de taxes en moins, Madagascar peut souffler

Un autre pays, francophone celui-ci, fait presque aussi bien que le Lesotho, il s’agit de Madagascar. La Grande Île peuplée de plus de 30 millions d’habitants voit son taux de taxation de ses exportations réduire de 32 points. 

Les exportateurs malgaches peuvent désormais souffler en voyant s’éloigner les 47% de taxes annoncées en avril. Les États-Unis sont le 2e marché d’exportation pour Madagascar avec notamment le secteur de l’habillement et la vanille, mais aussi le titane, le nickel et le cobalt. 

Les exportations malgaches ont augmenté de 1,7% en 2024 pour atteindre 733,2 millions de dollars alors que le déficit commercial des États-Unis avec Madagascar a augmenté de 3,1% pour atteindre 679,8 millions de dollars selon l’ambassade des États-Unis. Reste que l’île rouge risque elle aussi de déchanter avec la fin de l’AGOA dont elle profite depuis 2000. 

Maurice (40%) et le Botswana (37%) peuvent eux aussi se féliciter d’une forte réduction des taxes américaines par rapport au mois d’avril, tout comme dans une moindre mesure l’Angola (32%). La Côte d’Ivoire et la Namibie voient également leur fardeau s’alléger sensiblement passant de 21 à 15% de taxes.

Des changements limités pour certains pays africains

La deuxième économie d’Afrique qu’est le Nigeria a vu son taux se détériorer d’un point. Le pays exporte vers les États-Unis des hydrocarbures à hauteur de 90%. En 2024, le Nigeria exporte 5,7 milliards de dollars de produits vers les États-Unis, alors que les échanges totaux de biens et services entre les deux pays s’élèvent à 13 milliards de dollars.

À l’instar du Nigeria, plusieurs autres pays ont une situation tarifaire qui évolue faiblement, à hauteur de moins de cinq points, que ce soit à la hausse pour le Cameroun (11%), le Tchad (13%), la RDC (11%) et la Guinée Équatoriale (13%) ou bien à la baisse pour le Malawi (17%), le Mozambique (16%), la Zambie (17%) et le Zimbabwe (18%).

Reste à savoir si, avec le choc des taxes américaines et le spectre de la fin de l’AGOA, les pays africains sauront développer des alternatives et encourager le libre-échange entre eux pour promouvoir leur croissance économique.

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