Bassins de rétention et espaces horticoles de Mbour : entre Ngol, Mbodiène, Pointe-Sarène et Nianing, des acteurs aux fortunes diverses

Dans la zone de Mbour, entre zones rurales et fronts urbains en expansion, les bassins de rétention et les espaces horticoles incarnent à la fois un espoir de résilience climatique, une source de revenus pour les communautés locales et un enjeu d’aménagement du territoire. De Ngol à Mbodiène, en passant par Pointe-Sarène et Nianing, ces dispositifs témoignent de dynamiques contrastées. Derrière les chiffres des projets et des hectares exploités, se cachent des fortunes diverses, soumises aux aléas climatiques, aux problèmes des appuis techniques et le manque  d’eau.

Des poches de résilience face aux défis climatiques

Les bassins de rétention ont été initialement conçus pour réguler les eaux pluviales, prévenir les inondations et réduire l’érosion n. Rapidement, ils ont été réappropriés par les populations, notamment les femmes regroupées en GIE ou en coopératives, pour développer des cultures maraîchères irriguées. À Ngol dans la commune de Fissel ,des espoirs nourris de voir  des jardins de gombo, d’oignons, de tomates et d’aubergines sont ternis et fonfus comme beurre au soleil. Le site lancé à grande pompe par les autorités étatiques lors de la première alternance politique et malgré des moyens consistants a fait long feu.Il est devenu pae la suite un grand espace d’abreuvement du bétail. Les autres sites dans les communes de Ngueniene et de Malicounda ont connu des moments de gloire et de prospérité avec de bonnes récoltes d’oignon et de pomme avec des opérateurs privés souvent organisés en groupements. Des investissements en pompes sol, filets coupe-vent et bassins secondaires ont permis à ces groupements de renforcer leur autonomie. Ces réussites locales illustrent la capacité des communautés à tirer parti des ressources hydriques temporaires.

La grande faiblesse : le tarissement en saison sèche

Mais cette résilience reste fragile. Un problème majeur persiste : le tarissement quasi total des bassins durant la saison sèche, notamment entre mars et juin. L’eau de ruissellement, si précieuse durant l’hivernage, s’épuise progressivement, faute d’apports complémentaires et de systèmes de stockage durable. À Mbodiène et Pointe-Sarène, des périmètres initialement fertiles sont aujourd’hui à l’abandon, les cultures ne tenant que quelques mois après la saison des pluies.Des cris de cœur et appels sont lancés à l’endroit des autorités locales et étatiques pour demander un branchement au réseau de la société de distribution de l’eau car la canalisation centrale desservant Joal-Fadiouth traverse ces périmètres horticoles.

Ce phénomène touche même les zones les mieux organisées. À Nianing, plusieurs GIE féminins doivent réduire considérablement leurs activités dès février, faute d’eau suffisante. Le cycle de production est alors rompu, les revenus chutent, et les femmes se tournent vers d’autres activités, souvent moins rémunératrices.

Des réponses alternatives émergent

Face à ce tarissement cyclique, plusieurs alternatives sont expérimentées à petite échelle :

  • La construction de mini-forages équipés de pompes manuelles ou solaires, afin de réalimenter les bassins ou irriguer directement les cultures ;
  • L’introduction de techniques  d’agroécologie pour limiter l’évaporation de l’eau et améliorer la rétention dans les sols ;
  • La récupération des eaux grises domestiques traitées (eaux de vaisselle ou de lavage) dans certains projets pilotes est souhaitée et envisagée par les acteurs fait son chemin.
  • L’aménagement de bassins à double fond, permettant de capter l’infiltration lente et de prolonger la disponibilité de l’eau jusqu’à mai-juin.

À Nianing, un projet financé par une ONG  a permis d’installer un système de goutte-à-goutte solaire connecté à un puits, réduisant ainsi la dépendance aux bassins. Les résultats sont prometteurs : rendement stable, meilleure qualité des légumes, et réduction du temps de travail.

L’inégalité dans l’accès et la gouvernance

Malgré ces efforts, les inégalités persistent. À Pointe-Sarène, l’absence de planification foncière, les conflits autour de la propriété des terres et la spéculation liée à la proximité de la zone touristique freinent tout développement structuré. Des bassins financés par des projets publics sont laissés à l’abandon, faute de consensus sur leur gestion. À Mbodiène, des collectifs dénoncent la privatisation rampante de terres initialement prévues pour l’usage collectif.

La gouvernance, souvent défaillante, joue un rôle déterminant. Là où les collectivités locales collaborent étroitement avec les organisations paysannes, comme à Ngol ou Nianing, les avancées sont notables. Là où l’opacité et les intérêts privés prédominent, les infrastructures se détériorent.

Une planification territoriale concertée est urgente

La zone de Mbour est confrontée à un défi majeur : comment articuler urbanisation, tourisme, agriculture, et gestion durable des ressources hydriques ? Une cartographie exhaustive des bassins existants, de leur état, de leur niveau d’utilisation et de leur potentiel agricole est indispensable. Il faut aussi associer les agriculteurs, les femmes, les jeunes, les chefs de village, les ingénieurs et les élus locaux dans une vision à long terme.

Des programmes ou les fonds de résilience climatique pourraient être mobilisés pour financer des ouvrages de recharge artificielle des nappes, des systèmes de stockage souterrains ou des barrages collinaires.

Vers une souveraineté alimentaire locale  ?

Le développement des bassins de rétention et des périmètres horticoles à Mbour n’est pas qu’un enjeu agricole. Il touche à la souveraineté alimentaire, à l’autonomisation des femmes, à la gestion foncière, et à la lutte contre la pauvreté. En s’appuyant sur les réussites locales, en multipliant les alternatives techniques adaptées, et en renforçant la gouvernance communautaire, Mbour pourrait devenir un modèle de résilience écologique et de développement rural équilibré.

Mais pour cela, il faut sortir de la logique des projets ponctuels, des annonces sans suivi, et miser sur une stratégie cohérente, inclusive et durable.

Par SAMBA Niébé BA 

REACTIONS DES ACTEURS :

Paroles d’agriculteurs : l’espoir et les limites des bassins de rétention à Mbour

M.Sarr, membre d’un GIE à Nianing :

« Nos mamans ont commencé sur un petit périmètre. Aujourd’hui, on vend à Saly et Mbour. Mais le vrai problème, c’est que le bassin ne tient pas jusqu’à la saison des pluies suivante. Avec un forage, on doublerait notre production. »

 F.Camara, membre d’un groupement à Mbodiène :

« Le bassin a été construit, puis oublié. Il est envahi par les herbes. Sans accompagnement, il ne sert à rien. On a besoin de formations, d’un appui pour le pompage, et d’un cadre clair pour l’accès à la terre. »

E.H. Ndiaye, producteur à Pointe-Sarène :

« Le terrain ici attire les investisseurs. Certains veulent transformer les périmètres agricoles en zones touristiques. Nous, on demande juste qu’on nous laisse cultiver, avec de l’eau et un peu d’encadrement. »

Propos recueillis par Samba Niébé BA
SUDQUOTIDIEN

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