Présidentielle au Cameroun: Maurice Kamto, l’opposant qui veut tenter une nouvelle fois de faire tomber Paul Biya

Maurice Kamto a déposé, ce dimanche 20 juillet, sa candidature à la présidentielle au Cameroun qui doit se dérouler en octobre prochain. Si elle est validée, elle se fera sous une nouvelle bannière: celle du Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie (Manidem). Ancien ministre sous l’actuel président Paul Biya, il est devenu son adversaire politique direct. Mais tout est encore à prouver pour celui qui avait revendiqué la victoire de l’élection présidentielle de 2018. 

Par Nina Soyez

31 mai 2025, place de la République à Paris. Maurice Kamto est en meeting devant des milliers de ressortissants. Devant la foule, il clame: « Je suis prêt!« , faisant allusion aux élections présidentielles prochaines d’octobre au Cameroun. L’homme politique a pris l’avion pour une tournée européenne visant à rassembler les voix de la diaspora, dont les votes vont majoritairement à l’opposition.

Souvent présenté comme le rival politique numéro un du président Paul Biya, Maurice Kamto incarne, parmi d’autres, comme Joshua Osih du Social Democratic Front (SDF) ou Cabral Libii du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN), une opposition qui tente de se faire entendre dans un pays à la parole muselée par un chef d’État au pouvoir depuis près de 43 ans.

« 2018, c’était il y a sept ans »

Depuis sa deuxième place à l’élection présidentielle en 2018, il cherche à poursuivre la dynamique. Mais le contexte est-il le même qu’il y a sept ans? « 2018, c’était il y a sept ans et sept ans c’est long! », explique à TV5MONDE l’analyste politique pour la Fondation Paul Ango Ela, Stéphane Ako

« Le PCRN de Cabra Ribbi, par exemple, a engrangé des scores relativement intéressants à l’élection de 2018. Et en 2020, ils ont réussi à avoir des députés et des mairies. Si Maurice Kamto réussit à se présenter, si on on ne l’empêche pas pour des raisons juridiques en arrivant à trouver un petit truc qui ne va pas dans son dossier, je peux très difficilement dire qu’il réussira à faire aussi bien qu’en 2018. Même si, la colère générale est grande et l’envie de voir Paul Biya partir est grande« .

« Il est perçu comme quasi parfait pour le job »

Originaire de la ville de Bafoussam, Maurice Kamto est issu de l’ethnie des Bamilékés, peuple situé à l’ouest du Cameroun. C’est l’une des ethnies les plus importantes parmi les 200 à 250 que compte le pays. Avec presque autant de formations politiques au Cameroun, Maurice Kamto souhaite rassembler.

En 2004, il est nommé ministre délégué à la Justice et le restera jusqu’en 2011. Sa démission marquera le début de son engagement politique. Le 13 août 2012, il lance le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) qui regroupe plusieurs organisations de la société civile, partis et personnalités. 

S’il plaide pour un « tournant décisif » pour le Cameroun et parle de « déliquescence » de son pays, il s’inscrit dans une démarche pacifique. « Notre conviction étant qu’un changement de régime ne s’opère pas nécessairement dans la violence« , déclarait-il à Jeune Afrique en 2012. 

Cet ancien agrégé des facultés de Droit et doyen de la faculté de Droit de Yaoundé est notamment connu pour avoir négocié avec succès le contentieux territorial avec le Nigeria de la presqu’île de Bakassi en 2002. Le Cameroun réclamait sa souveraineté sur cette zone marécageuse de 1000 km2 qui délimite la frontière maritime dans une zone riche en poisson et en pétrole offshore.

Avec sa « caravane de la Renaissance » et ses partisans, il parcourt le pays à partir de 2015 et ce pendant plusieurs années. Une initiative lancée après avoir fait le constat suivant: Paul Biya est au pouvoir depuis près de 30 ans, beaucoup de Camerounais sont éloignés du débat politique et pour la présidentielle de 2011, seulement 4,9 millions d’entre eux ont voté, sur un total de 22 millions d’habitants. 

Aussi, les relations avec les régions anglophones sont au plus mal. L’armée est déployée dans les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où des séparatistes armés réclament l’indépendance. Des soldats sont aussi présents à l’extrême-Nord, où elle combat les djihadistes de Boko Haram qui constituent une réelle menace sécuritaire sur le territoire.

« Yaoundé a franchi un nouveau cap dans la restriction des libertés publiques »

Malgré une coalition de dernière minute entre Maurice Kamto et le candidat Akere Muna, Paul Biya remporte l’élection présidentielle de 2018 largement avec 71,28%. Des irrégularités sont notifiées pendant le scrutin, notamment la présence de « faux » observateurs électoraux, ce qui pousse Maurice Kamto a demandé l’annulation du vote dans sept des dix régions du pays.

Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, il appelle « la communauté internationale à prendre ses responsabilités pour que la volonté du peuple camerounais souverain (…) soit restituée conformément à la volonté des urnes« . Sa demande est rejetée par tous les membres du Conseil constitutionnel « à l’unanimité » mais la contestation du MRC de la rue ne faiblira pas.

Le parti d’opposition organise des marches blanches pacifiques en contestation au résultat, même si celles-ci sont interdites par les autorités. Maurice Kamto ainsi que 145 autres militants sont interpellés pour « incitation à l’insurrection« .

« Yaoundé a franchi un nouveau cap dans la restriction des libertés publiques et semble dorénavant réagir essentiellement par à-coups et instinct de survie. Même pour un pouvoir structurellement autoritaire comme celui-là, jamais sur les dix dernières années le principal leader de l’opposition n’a été arrêté avec toute son équipe et autant de militants, sans que le pouvoir ait entre ses mains des arguments juridiques valables, » analysait Hans de Marie Heungoup, du centre de réflexion International Crisis Group (ICG) à l’époque.

Maurice Kamto restera huit mois en prison. Il retrouvera sa liberté quelques mois avant les élections municipales et législatives de février 2020. Avec son parti, il décide de les boycotter. « Le MRC appelle les Camerounais à ne pas aller voter et à rester chez eux le 9 février 2020 afin de ne pas cautionner les élections qui ne ramèneront pas la paix dans notre pays », déclare-t-il.

Voir aussi : Cameroun : pléthore de candidatures pour la présidentielle d’octobre

Un pari risqué sachant que le code électoral qui exige des partis souhaitant participer à l’élection présidentielle de disposer d’élus au parlement ou dans les conseils municipaux. Maurice Kamto sera tout de même réélu à la tête de son parti le Mouvement pour la renaissance du Cameroun en 2023, mais le parti ne bénéficie plus de la même unité qu’auparavant. 

Des rumeurs de contestation en interne se répandent. Tant et si bien que Maurice Kamto décide le 18 juillet 2025 de quitter le MRC et de déposer sa candidature à la présidentielle sous la bannière du Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie (Manidem), un parti d’opposition à la fibre panafricaniste fondé dans les années 1990. Un coup politique qui ne garantit en rien une reproduction du scénario de 2018 pour l’opposant. Lire la vidéo

Le 21 juillet, près de 80 candidatures ont été enregistrées pour la présidentielle qui aura lieu en octobre prochain. Parmi eux, le président sortant Paul Biya pour un huitième mandat consécutif mais aussi Joshua Osih(SDF), Cabral Libii (PCRN), Bello Bouba (UNDP), Tomaïno Ndam Njoya, (UDC) ou encore Léon Tyler Onana, militant du parti présidentiel.

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