Visite de Ben Gvir sur l’esplanade des Mosquées: quelle réaction du monde arabe?
Le nouveau ministre de la Sécurité nationale israélien, figure de l’extrême droite, s’est rendu mardi sur le troisième lieu saint de l’islam. Un geste dénoncé comme une « provocation » par les Palestiniens. Paris, Washington et l’ONU ont fait part de leur préoccupation. Les Émirats arabes unis, membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, réclament une réunion à ce sujet.
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Colère dans le monde arabe et musulman à la suite de la visite d’Itamar Ben Gvir sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem-est, partie de la ville annexée par l’État hébreu. L’Autorité palestinienne, basée en Cisjordanie occupée, a affirmé vouloir en référer à l’ONU. Des responsables ont fustigé une « provocation sans précédent ».
Dans la bande de Gaza, le mouvement islamiste Hamas au pouvoir, qui a livré par le passé quatre guerres à Israël, avait déjà affirmé qu’une telle visite était une « ligne rouge ». À Gaza, les bureaux politique et militaire du Hamas et des factions palestiniennes armées ont tenu des réunions mardi pour décider d’une réaction « proportionnelle » à « l’assaut » du ministre, ont indiqué à l’AFP des sources dans le mouvement.
Dans la nuit, une roquette a été lancée vers Israël depuis l’enclave sous blocus israélien, mais elle s’est échouée dans le territoire palestinien. Un seul tir, non revendiqué.
Tous les pays du Golfe, dont les Émirats arabes unis ayant normalisé leurs relations avec l’État hébreu, la Jordanie et l’Égypte ont vivement condamné la visite. Il y a quelques semaines, à l’occasion de leur fête nationale, les Émirats arabes unis, ont accueilli Itamar Ben Gvir dans leur ambassade à Tel Aviv, rappelle notre correspondant à Jérusalem,Sami Boukhelifa.
Mais Abu Dhabi, qui a normalisé ses relations diplomatiques avec l’État hébreu en 2020, monte au désormais créneau, tout comme la Jordanie et le Maroc, qui entretiennent également des liens avec Israël. Le message est clair : les lieux saints musulmans sont une ligne rouge.
L’esplanade des Mosquées, Mont du Temple dans le judaïsme, sacré également pour les juifs, fait l’objet d’un statu quo depuis 1967, et la conquête par Israël de Jérusalem-est.
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Un « pyromane »
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En vertu de cette entente internationale, le lieu est sous souveraineté jordanienne. Seuls les musulmans ont le droit d’y prier. Les fidèles juifs ont un simple droit de visite.
Pourtant, en se rendant sur l’esplanade, Itamar Ben Gvir dit en substance : « On est chez nous. On fait ce qu’on veut ». Une remise en question dangereuse du statu quo.
Dans la presse israélienne, Itamar Ben Gvir est qualifié de « pyromane, prêt à tout pour glaner quelques votes auprès des électeurs de l’extrême droite. » Pour le quotidien Haaretz, la « première échéance sensible sera la prière de ce vendredi » sur l’esplanade, réunissant chaque semaine des dizaines de milliers de fidèles et menant parfois à des heurts avec la police israélienne qui en garde les accès. « Un autre problème est que l’expérience passée montre que des incidents largement publicisés sur le Mont du Temple tendent à encourager des loups solitaires (palestiniens) à mener des attaques », poursuit le quotidien de gauche.
Selon l’ONU, le bilan des Palestiniens tués dans des opérations ou des heurts avec les forces israéliennes en 2022 est le plus élevé depuis des années.
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L’esplanade des Mosquées, un lieu ultra-sensible dans la Vieille ville de Jérusalem
L’esplanade s’étend sur 14 hectares en surplomb de la Vieille ville de Jérusalem. Elle est située dans le secteur palestinien de la ville, occupé par Israël depuis 1967 puis annexé, et dont les Palestiniens veulent faire la capitale de l’État auquel ils aspirent. Appelé Al-Haram al-Charif ou simplement Al-Aqsa par les musulmans, le site abrite le Dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa où, selon la tradition musulmane, le prophète Mahomet s’est rendu. Le Dôme du Rocher se dresse sur la pierre d’où il serait monté aux cieux sur sa jument ailée. L’esplanade est le troisième lieu saint de l’islam.
Sa construction a débuté au VIIe siècle, après la prise de Jérusalem par le calife Omar. Elle est bâtie sur le site du Temple juif détruit par les Romains en l’an 70 et dont le plus important vestige connu, le Mur des Lamentations, est situé en contrebas. Appelée par les juifs Har HaBayit (Mont du Temple), l’esplanade est le site le plus sacré du judaïsme.
Israël assure ne pas vouloir modifier le statu quo hérité du conflit de 1967. Les règles autorisent les musulmans à monter à toute heure du jour et de la nuit sur l’esplanade et les non-musulmans à y pénétrer à certaines heures mais sans y prier. Ces dernières années, le nombre de juifs visitant l’esplanade a augmenté et des ultranationalistes juifs y prient parfois subrepticement après y être montés en simples visiteurs. Cela crée fréquemment des tensions avec les fidèles musulmans qui craignent que l’État hébreu ne tente de modifier les règles qui régissent l’accès à l’esplanade des Mosquées, administrée par la Jordanie mais dont l’accès est contrôlé par les forces de sécurité israéliennes.
Le site est un foyer de tensions régulières : plus de 80 morts en trois jours en 1996, heurts sanglants entre Palestiniens et policiers israéliens en 2000 après la visite d’Ariel Sharon, marquant le début de la seconde Intifada ; une semaine de violences provoquées par l’imposition de nouvelles mesures de sécurité à l’entrée de l’esplanade en 2017 ; dizaines de blessés lors d’affrontements entre policiers israéliens et fidèles en 2019. En 2021, des manifestations nocturnes à Jérusalem-Est et des heurts jusque sur l’esplanade se sont mués en 11 jours de guerre entre le mouvement islamiste palestinien Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, et Israël. Au printemps 2022, des affrontements ont éclaté à plusieurs reprises, faisant des centaines de blessés palestiniens sur et autour de l’esplanade.
(Avec AFP)