Les câbles sous-marins au cœur des tensions entre la Chine et Taïwan
Les eaux qui séparent Taïwan de la Chine continentale se sont agitées cette semaine. Ce mercredi 26 février, l’armée de Pékin a lancé des exercices de tirs à munitions réelles au sud de l’île selon Taipei. En réponse, les autorités taïwanaises ont déployé des forces au large. La veille, elles avaient arrêté un cargo lié à la Chine, soupçonné d’être impliqué dans la rupture d’un câble de communication sous-marin.
Des exercices en tirs réels à 74 km de Taïwan, 45 aéronefs chinois détectés autour de l’île en moins de 24h et un câble sous-marin coupé dans le détroit, la semaine a été agitée entre Taipei et Pékin. Alors que la Chine perçoit Lai Ching-te, Président démocrate arrivé au pouvoir en mai dernier, comme un « dangereux séparatiste », les épisodes de tensions se font plus fréquents. Les manœuvres militaires de l’Armée populaire de libération, tout comme les incursions dans la zone d’identification aérienne (ADIZ) par les chasseurs chinois font presque partie du quotidien des habitants des deux rives du détroit, mais la rupture des câbles sous-marins s’est multiplié ces dernières semaines.
99% de la connexion internet
Ce sont eux qui relient Taïwan et ses archipels au reste du monde. Ces fibres optiques sous-marines sont une infrastructure critique pour Taipei. « Plus de 99% des connexions externes de Taïwan dépendent de ces câbles sous-marins » affirmait Chiueh Her-ming vice-ministre de l’économie numérique en janvier. L’île et ses multiples îlots comptent quatorze câbles internationaux et dix nationaux. Un réseau particulièrement sensible. Les différents scénarios d’invasion chinoise comprennent un blocus numérique, ou la coupure de Taïwan du reste du monde.
La nouvelle rupture d’un câble sous-marin ce mardi a donc rapidement alerté les autorités de Formose, d’autant que les circonstances autour de l’incident sont particulièrement troubles. Le Hong Tai 58, battant pavillon togolais, a été détecté le 22 février, très proche du câble reliant l’île principale aux Pescadores (archipel de Penghu), à une quarantaine de kilomètres de la ville de Tainan dans le détroit. Vers 2h30 du matin les garde-côtes se rendent sur place après avoir détecté que le cargo avait jeté l’ancre. Le navire ne répond pas aux communications et commence à se déplacer au nord-ouest. Une demi-heure plus tard, les autorités taïwanaises détectent que le câble est coupé. Lorsque le cargo est intercepté, les huit chinois qui composent l’équipage ont été emmenés vers l’île. Pour les gardes côtes, impossible d’ « exclure qu’il s’agisse d’une opération d’intrusion (…) de la part de la Chine », qui précise que le navire « sous pavillon de complaisance », bénéficiait de financement chinois.
« Manipulation »
Pékin accuse le gouvernement démocrate de Lai Ching-te de « manipulation » et a répondu aux différentes accusations sur les ruptures de câbles sous-marins par des navires chinois en soulignant qu’il s’agissait « d’accidents maritimes communs ». Une réalité, alors que l’usure, les séismes ou des coupures causés accidentellement par ces navires sont légion. Les autorités taïwanaises restent prudentes, et malgré les nombreux éléments, attendent d’avoir des preuves avant d’accuser Pékin de sabotage.
Mais ces coupures à répétition exposent la fragilité de Taïwan face à la flotte nettement supérieure de l’Armée Populaire de Libération comme des gardes-côtes chinois, sans compter les navires « non officiels ». Le gouvernement de l’île a pris conscience du problème et cherche des solutions. Des discussions ont débuté avec Amazon, qui a lancé le projet Kuiper. Une constellation de 3 000 satellites qui pourraient offrir des garanties solides à Taipei. Mais les lancements ont débuté en janvier et l’intégralité des satellites doit être pleinement opérationnelle en 2029 selon le calendrier de l’opération. En attendant, le gouvernement développe des ballons à haute altitude pour pouvoir s’offrir une alternative en cas de crise. Dans le même temps, le Président Lai booste ses capacités de défense qui dépendent grandement des États-Unis. Le budget militaire doit atteindre prochainement les 3% du PIB a promis Taipei qui développe ses capacités indigènes. Hai Kun, le premier sous-marin indigène de l’île doit passer ses derniers essais au mois d’avril. Avec les équipements en système de combat fourni par Lockheed Martin (entreprise d’armement américaine), les huit futurs sous-marins taïwanais prévus à la livraison d’ici 2035 pourraient représenter une force de dissuasion, ou du moins compliquer l’encerclement de l’île par l’armée chinoise. À moins qu’elle ne décide d’attaquer d’ici-là.