Au sommet de l’Union africaine, qui succédera à Moussa Faki Mahamat à la tête de la Commission?
Qui pour succéder au Tchadien Moussa Faki Mahamat au poste de président de la Commission de l’Union africaine ? C’est l’un des enjeux du sommet annuel des chefs d’État de l’organisation continentale, qui a lieu les samedi 15 et dimanche 16 février à Addis-Abeba. Trois candidats sont en lice : le Kényan Raila Odinga, le Malgache Richard Randriamandrato et le Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf. À la veille du vote, prévu samedi, les trois candidats continuent de battre campagne.
De notre envoyée spéciale à Addis-Abeba,
« Rien n’est encore joué » : voilà ce qui se dit à la veille du vote dans les couloirs de l’Union africaine. Ces dernières semaines, la bataille semblait se jouer entre deux candidats à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA), avec deux personnalités très différentes. D’un côté, un diplomate de carrière, ministre des Affaires étrangères de Djibouti depuis 20 ans et fin connaisseur des arcanes de l’Union africaine. Discret mais réputé compétent, Mahamoud Ali Youssouf est trilingue (français, arabe, anglais) et relativement jeune : 59 ans.
De l’autre, l’opposant historique kényan, cinq fois candidat malheureux à la présidentielle. Âgé de 80 ans, Raila Odinga est toutefois porté par une campagne offensive de son président, William Ruto. Résultat : plusieurs chefs d’État lui ont publiquement apporté leur soutien.
Mais à Addis-Abeba, beaucoup rappellent que le vote se déroule à bulletin secret, ce qui peut réserver des surprises. Il y a deux semaines, par exemple, la Guinée-Bissau avait déclaré soutenir la candidature kényane, mais jeudi 13 février, son ministre des Affaires étrangères Carlos Pinto Pereira s’est montré moins catégorique, dans une interview par Catarina Falcão, envoyée spéciale de RFI lusophone à Addis-Abeba :
« Il est vrai que la Guinée-Bissau a exprimé une certaine préférence récemment. Mais sur de tels sujets, nous attendons toujours le dernier moment pour nous décider. Parce qu’en réalité, les deux candidats qui se détachent ont des qualités et d’excellents atouts pour diriger la Commission de l’Union africaine. Donc, nous nous réservons le droit de faire notre choix lors de la phase finale du vote. »
Car pour être élu, un candidat doit remporter les deux tiers des voix des 49 pays membres de l’UA. Si aucun candidat ne l’emporte avec 28 voix dès le premier tour, tout peut arriver dans les tours suivants.
Madagascar revient dans le jeu
Jeudi soir, le candidat malgache, Richard Randriamandrato, que l’on disait en mauvaise posture, est revenu dans le jeu. L’ancien ministre malgache des Affaires étrangères a reçu le soutien du secrétaire général de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Dans un courrier daté du 12 février circulé par la présidence malgache, le secrétaire général de l’organisation locale appelle la totalité de ses membres à voter pour le candidat malgache. Une consigne qui n’est pas contraignante.
Les autres blocs régionaux n’ont pas donné de directives, mais cela pourrait rebattre les cartes et limiter les chances d’un vote écrasant au premier tour.
L’expérience de Raila Odinga « pourrait se retourner contre lui »
Très discret depuis deux semaines, Raila Odinga, pourrait également pâtir de son âge. Son état de santé suscite des interrogations à Addis-Abeba. S’il se prévaut d’une carrure politique plus imposante que ses adversaires, cet avantage pourrait aussi se révéler être un inconvénient, explique Paul-Simon Handy, directeur du bureau Union africaine et Afrique de l’Est de l’Institut d’études de sécurité (ISS) : « Il a un certain réseau, il peut parler d’égal à égal aux chefs d’État et peut-être leur soutirer telle ou telle décision. Mais cela pourrait aussi se retourner contre lui. L’histoire récente nous montre que les chefs d’État ne veulent pas à ce poste quelqu’un qui a été chef de l’État. Raila Odinga ne l’a jamais été, mais il se comporte comme tel. C’est un profil que les chefs d’État du continent n’aiment pas. »
La bataille s’annonce donc serrée pour succéder à Moussa Faki Mahamat. Lors de sa première élection, il y a huit ans, l’ancien ministre tchadien des Affaires étrangères ne figurait pas parmi les favoris, mais l’avait emporté à la faveur des reports de voix après plusieurs tours de scrutin.