LEGS DU PÈRE DE L’INDÉPENDANCE – Mamadou Dia ressuscité à Douta Seck 

Dans le cadre du lancement des Grandes conférences de Douta Seck, un panel intitulé ‘’Mamadou Dia, un engagement pour l’indépendance et le développement du Sénégal’’ a été organisé pour rendre hommage à cette grande figure de la politique sénégalaise. Haute représentante du président de la République Diomaye Faye, Mimi Touré a démontré l’importance de l’héritage de M. Dia pour le développement du pays. Pour sa part, le coordonnateur national du Mouvement pour le socialisme et l’unité (MSU), créé par le père de l’indépendance, considère que les nouvelles générations politiques se sont approprié le legs de Mamadou Dia.

‘’Mamadou Dia, un engagement pour l’indépendance et le développement du Sénégal’’. C’est le thème du panel organisé ce samedi par la directrice de la maison de la culture Douta Seck, Aby Faye, rendant hommage à celui qu’on appelle le ‘’père de l’indépendance’’, décédé le 25 janvier 2009. À cette occasion, la Haute représentante du président de la République Diomaye Faye, Aminata Touré, a évoqué ce qu’il faut apprendre du président du Conseil du Sénégal.

‘’J’ai parlé du souverainisme, d’un Sénégal juste, souverain et prospère. C’est aussi la pensée de Mamadou Dia. En parlant de justice, il considérait que le monde rural, très en retard, doit être au centre des préoccupations. D’abord, c’est là où vit et travaille l’essentiel de nos compatriotes. Et aujourd’hui, en 2025, vous avez encore des contrées qui n’ont ni eau, ni électricité, ni poste de santé, etc. Ça, c’était sa préoccupation. Et si on a une leçon à apprendre, en tout cas, moi, je considère que nous devons vraiment réinventer le développement communautaire à la base, dans les quartiers et dans les villages’’, a déclaré l’ancienne Première ministre.

Ainsi, en termes d’accès à la santé, à l’éducation, à la formation et à l’entrepreneuriat, elle note que l’État doit pouvoir mettre en place des mécanismes, non seulement d’investissement direct dans la communauté, mais également des mécanismes de contrôle. ‘’Ça me paraît être la voie pour émanciper nos populations de l’extrême pauvreté dans laquelle certains se trouvent toujours. Et pas seulement dans le rural, mais aussi dans nos grandes banlieues. Il faut que nos économies de quartier revivent. Il faut que les formations descendent dans les quartiers. Il faut que la culture descende dans les quartiers. En tout cas, moi, je suis toujours une grande militante de la pensée rurale parce que les gens vivent dans des communautés. Vous avez des communes où vous avez 80 quartiers’’, a ajouté Mimi Touré.

Elle souligne aussi l’importance de mobiliser davantage l’engagement populaire. ‘’On a besoin d’engagement populaire. L’État ne peut pas tout faire. Il faut regarder les expériences dans les autres pays. En 1970, la production nationale brute du Nigeria était supérieure à celle de la Corée du Sud. Regardez aujourd’hui la Corée du Sud. C’est vrai qu’il y a eu des dirigeants avant-gardistes, mais surtout, la population a été mise au travail. Mais pour avoir la volonté de se mettre au travail, il faut que vous voyiez les résultats dans votre quartier et dans votre village’’, a-t-elle soutenu.

Parlant de la coopérative paysanne, Mme Touré souligne que c’est la somme du travail individuel de chacun. ‘’Les paysans, pris individuellement, n’ont pas suffisamment de force pour aller louer un tracteur, accéder aux semences ou aux engrais. Donc, en mettant leurs forces ensemble, on peut développer et moderniser davantage notre agriculture, et c’est de ça sa pensée en réalité’’, a indiqué Mimi Touré.

‘’Sa pensée devrait être enseignée…’’

Par rapport à l’importance de laisser un legs comme l’a fait Mamadou Dia, elle déclare : ‘’Il faut un partage des connaissances et de l’engagement intergénérationnel, parce que le Sénégal est éternel. On parlera de nous dans les mêmes termes dans 50, 60 ans…’’

D’ailleurs, Mimi demande qu’on enseigne la pensée de Mamadou Dia. ‘’Il faudrait que sa pensée soit réhabilitée, qu’elle soit enseignée et que les jeunes comprennent aussi que c’est le travail et la pensée cumulative de plusieurs générations qui pourront avancer le Sénégal’’, a-t-elle invité. Elle considère que sa pensée devrait être enseignée beaucoup plus dans des institutions comme l’ESEA, dont il est aussi le concepteur. Pour elle, il faut également revoir ses théories sur les coopératives et analyser pourquoi il y a eu des échecs afin d’éviter de reproduire les mêmes erreurs.

Par ailleurs, Mimi Touré a renseigné qu’elle est une ancienne militante de Mamadou Dia, soulignant qu’elle a été militante du Mouvement pour le socialisme et l’unité (MSU). ‘’Très jeune, j’ai connu le président Mamadou Dia et j’ai bénéficié de son expérience, de sa formation. Donc, je peux dire que je suis aussi quelque part un produit du président Mamadou Dia, qui est évidemment un grand homme qui a consacré sa vie à l’émancipation du Sénégal dans le contexte qui était le sien. Mais je considère qu’on peut le reconnaître comme un très grand patriote’’, a-t-elle ajouté.

Poursuivant, elle a révélé avoir une relation un peu personnelle avec lui. ‘’Mon père, qui était médecin-chef de la région de Tambacounda, a été son médecin pendant qu’il était en prison à Kédougou et moi, j’étais bien sûr assez jeune. Donc, je suis venue avec beaucoup d’émotions pour me rappeler de ce grand Maodo’’.

A signaler que d’éminents historiens, anthropologues, anciens ambassadeurs et personnalités politiques ont animé ce panel consacré à la personnalité de Mamadou Dia : l’historien Dr Adama Baytir Diop, Dr Ibrahima Dème, chargé d’études, et le député Alla Kane.

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ALLA KANE SUR MAMADOU DIA ET L’UNION PROGRESSISTE SÉNÉGALAISE

‘’Comment Senghor a fini par l’emporter’’

Revenant sur la divergence entre Mamadou Dia et Senghor, le député Alla Kane a indiqué que l’erreur du père de l’indépendance a été de ne pas avoir fondé un parti. Alla Kane fait partie de ceux qui ont animé le panel ayant pour thème ‘’Mamadou Dia, un engagement pour l’indépendance et le développement du Sénégal’’, organisé par la maison de la culture Douta Seck.

‘’La vérité est que l’Union progressiste sénégalaise n’était pas un parti de Mamadou Dia. Il s’y était égaré. Son manque d’initiative l’a également empêché de penser à la création d’un parti national fort, capable d’engager la lutte pour l’indépendance dans l’intérêt de la bourgeoisie nationale’’, a soutenu le député Alla Kane lors du panel sur le thème ‘’Mamadou Dia, un engagement pour l’indépendance et le développement du Sénégal’’.

‘’L’UPS était le parti de la bourgeoisie installée, soutenu par la France pour défendre ses intérêts, sous la pression de Léopold Sédar Senghor, qui présentait toutes les garanties. Il a donc été le premier homme et Senghor était investi de la mission de défendre les intérêts de la France en Afrique, en général, et au Sénégal, en particulier’’, a poursuivi le membre du Bureau exécutif national du mouvement Magi Pastef, soutenant que Mamadou Dia incarnait les intérêts de la bourgeoisie nationale.

D’après Alla Kane, Mamadou Dia était investi de la notion historique et politique d’organiser et de conduire la lutte de ses classes pour une indépendance réelle et la constitution d’un État démocratique. Monsieur Kane démontre ainsi les limites du duo Dia-Senghor. ‘’Leur compagnonnage avait donc nécessairement une limite. Et Senghor a fini par l’emporter, aidé en cela par la France et l’État néocolonial nouvellement installé’’.

Alors que Mamadou Dia voulait un État démocratique, ‘’ni l’UPS ni le gouvernement néocolonial n’avaient pour objectif la réalisation de la révolution démocratique’’, selon Kane.

Mais pourquoi parle-t-il d’échec de Mamadou Dia ? ‘’Ce qui a malheureusement manqué à Mamadou Dia et ce sur quoi il n’a pas eu le temps de réfléchir à cause de la lourde responsabilité qui était la sienne, c’est la création d’un parti politique répondant à la nature de sa mission’’, a dit Alla Kane. Une absence d’un parti bien organisé, avec un programme clair, des dirigeants et des cadres conscients des enjeux et déterminés à se battre pour la réalisation de ce programme.

À l’en croire, c’est pour empêcher la création de ce parti que Mamadou Dia a été pendant longtemps emprisonné. ‘’Ces situations expliquent, dans tous leurs aspects, la longueur de sa détention à Kédougou. S’il avait laissé, après son arrestation, un parti de cette nature, celui-ci aurait pu engager, en alliance avec d’autres forces politiques et démocratiques, la bataille de mobilisation des masses capables, par de puissantes manifestations. Les manifestations populaires sont, nous le savons, les seules capables de renverser les dictateurs’’, a expliqué l’ancien enseignant.

Aujourd’hui, d’après lui, le combat qui s’est incarné est d’origine politique. Il convient de continuer le combat de Mamadou Dia, en tenant haut le flambeau et en allant à l’assaut des forces qui bloquent la marche en avant.

Alla Kane invite ainsi ses concitoyens à tenir le flambeau, ne comptant que sur les propres forces du pays. ‘’Le Sénégal ne sera développé ni par la Banque mondiale, ni par l’Union européenne, ni par le Sud, ni par le Brésil, ni par la Chine, ni par l’Inde, ni par le Japon, ni par la Russie, mais par nous-mêmes’’.

Mamadou Diop Decroix : ‘’Le président Mamadou Dia était pour l’indépendance du pays.’’

Accompagné d’une délégation à la maison de la Culture Douta Seck, Mamadou Diop Decroix a également tenu à participer à la commémoration de l’anniversaire de décès de Mamadou Dia. Il a partagé l’avis d’Alla Kane. ‘’C’est quand je me suis intéressé à la politique que j’ai compris quelle était la différence entre le président Senghor et le président Mamadou Dia. Le président Mamadou Dia était pour l’indépendance du pays. Il était pour l’émancipation du peuple. Les Français n’étaient pas de cet avis’’, a-t-il dit, soutenant que c’est ce qui est à la base de leur divorce.

L’une des qualités de Mamadou Dia qu’il a citées est sa capacité à pardonner. ‘’Dia était une valeur à retenir. Il était constant dans ses convictions. Il avait une conception assez humaniste de la politique, parce que Senghor l’a réprimé, Senghor l’a frappé, mais il n’a jamais retenu cela contre Senghor. Quand il est sorti, il a dit qu’il laissait tout tomber. Il n’a pas tenu rigueur à Senghor de ce qui s’est passé. Ça aussi, c’est de la grandeur’’, a souligné Mamadou Diop Decroix.

Il soutient avoir connu Mamadou Dia à l’âge de 10 ans. Il décrit un rapport assez particulier. ‘’Il venait chez mon grand-père, qui était chef de canton et qui soutenait Senghor et Dia. J’étais à l’école primaire. Quelques années après, quand j’ai eu l’entrée en sixième, je suis venu au lycée (actuel lycée Lamine Guèye). Et en 1962, quand les militaires sont venus à l’Assemblée nationale pour arrêter les députés, moi, j’étais dans la rue. J’étais devant l’Assemblée, au milieu des militaires… J’avais 12 ans’’.

BABACAR SY SEYE

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