Respect des accords signés: Le Cusems met la pression sur l’État
Aliou Diouf, le Trésorier général national du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen-secondaire (Cusems), a fustigé l’attitude du gouvernement quant à la matérialisation du protocole d’accord signé en 2022. Pour lui, l’absence des autres ministères concernés par la question dans le Comité de suivi des accords n’augure rien de bon. «Pour l’instant les autorités n’accordent pas l’importance qu’il faut à ce comité de suivi parce que tant que les preneurs de décisions ne sont pas présents autour de la table, les choses ne pourront pas évoluer», a-t-il dit dans cet entretien. Et il a évoqué le déficit d’enseignants et la façon dont le gouvernement veut régler la question. Pour Aliou Diouf, si le gouvernement n’est pas réceptif, un «préavis de grève» n’est pas exclu.Où en êtes-vous avec le déficit d’enseignants ?
Aujourd’hui, dans beaucoup de localités, les élèves sont allés en grève pour réclamer des enseignants. Il y a un déficit criard, car beaucoup d’enseignants sont victimes de redéploiement ou sont obligés de faire des compléments horaires pour essayer de combler ce déficit. Le ministère est en train de prendre des chargés de cours, mais toutes ces solutions sont conjoncturelles. L’école a besoin de solutions structurelles, c’est-à-dire le recrutement et la formation d’un nombre suffisant d’enseignants. Prendre les enseignants de l’élémentaire pour les emmener au moyen-secondaire en vue de combler le gap, c’est déshabiller Jean pour habiller Paul, et je ne crois pas que ce soit la meilleure solution.
Le déficit, peut-on savoir s’il est chiffré ?
Lors du Conseil interministériel sur la rentrée, le gouvernement a fait un diagnostic sans complaisance de la situation actuelle de l’école. De ce diagnostic, on peut retenir qu’il il y a un déficit de 4527 enseignants, 48 696 salles de classe, 207 000 tables-bancs, sans compter les abris provisoires qui sont au nombre de 7145.
Qu’est-ce qui s’est passé au Comité de suivi des accords ?
En son point 4, le protocole d’accord de 2022 dit ceci : «Il est mis en place, à compter de la date de signature du présent accord, un comité de suivi chargé de sa mise en œuvre correcte.» Ce comité est composé de représentants de la présidence de la République, du gouvernement, des organisations de la Société civile, des parents d’élèves et des syndicats les plus représentatifs. Depuis son installation, ce comité a du mal à se réunir, malgré les appels incessants de la partie syndicale. Voilà pourquoi, le 26 novembre, quand les syndicats ont été invités à une réunion du comité de suivi, ils y sont allés en se disant enfin notre appel a été entendu. Malheureusement, la montagne a accouché d’une souris, car en dehors du ministre de la Fonction publique, les autres ministres concernés ne sont pas venus. Nous rappelons au nouveau gouvernement que les séances de monitoring étaient dirigées par feu le Premier ministre Boun Abdallah Dionne. Nous lançons donc un appel au Premier ministre Ousmane Sonko et nous lui demandons de mobiliser les ministres concernés et qu’il préside lui-même ces rencontres. C’est la seule façon de faire évoluer les choses rapidement dans le bon sens. Pour l’instant, les autorités n’accordent pas l’importance qu’il faut à ce comité de suivi, parce que tant que les preneurs de décisions ne sont présents autour de la table, les choses ne pourront pas évoluer. L’école attend toujours les changements promis par les autorités de la nouvelle alternance.
Quels sont ces changements ?
Le président de la République a été élu sur la base d’un programme séduisant pour l’école et pour les enseignants. En effet, dans son livre-programme, le président de la République a fait les promesses suivantes aux acteurs de l’éducation : la dématérialisation des procédures administratives pour mettre fin à la lancinante question des lenteurs administratives, la correction du système de rémunération pour le rendre plus juste et plus équitable, l’extinction du corps des décisionnaires et l’harmonisation des pensions de retraite, la fin de la surimposition sur les salaires et rappels des enseignants, La résorption des abris provisoires, le recrutement d’un nombre suffisant d’enseignants pour combler le gap actuel, la révision et l’allègement des programmes scolaires…
Toutes ces promesses entraînent dans leur réalisation, un incident financier sur le budget de l’Etat. On vient d’installer la 15ème Législature qui va voter la Lfi. N’est-il pas un peu précipité pour vous d’exiger un respect des engagements ?
Il ne s’agit pour nous de régler tous ces problèmes ici et maintenant, mais plutôt de s’accorder sur un échéancier clair et précis qui sera consigné sur un protocole d’accord.
Avez-vous un plan d’actions pour faire entendre raison à l’Etat ?
La dernière rencontre du comité de suivi a été boycottée par les syndicats, et c’est un premier acte posé pour manifester notre mécontentement par rapport à l’attitude du gouvernement. Maintenant, nous attendons une réaction positive des autorités, faute de quoi, les syndicats se réservent le droit de passer à la vitesse supérieure. Qui est le dépôt d’un préavis de grève et de se mettre en ordre de bataille.
Propos recueillis par Malick GAYE ([email protected])