COP16 – désertification: de l’Espagne à l’Italie en passant par la France

La COP16 réunit les pays du monde entier pour lutter contre la désertification des sols. Le phénomène menace 40% des terres émergées de la planète et l’Europe n’est pas épargnée.

« On pense que le désert, c’est loin. C’est totalement faux. » Depuis la COP16 sur la lutte contre la désertification, qui se tient à Riyad (Arabie saoudite) du 2 au 13 décembre, Jean-Luc Chotte, le président du Comité scientifique français sur la désertification, met en avant l’ampleur du problème. La dégradation des sols, due notamment au changement climatique et à l’intensification de mauvais usages des terres, n’épargne en effet aucun continent et touche aussi la France.

La lutte contre la désertification est aussi un enjeu sur le continent européen, et ce même si l’Amérique du Sud, l’Asie et l’Afrique sont davantage frappées par le phénomène et que « le contexte de vulnérabilité est beaucoup plus faible [en Europe] qu’en Afrique par exemple » et « la capacité à s’y adapter plus forte », précise le physicien Mehrez Zribi, directeur de recherche au CNRS.

« 8% de l’UE présentent un risque très élevé »

Des zones désertifiées apparaissent notamment autour du bassin méditerranéen. « Séville, Cordoue… Tout l’intérieur de l’Espagne est concerné », décrit Jean-Luc Chotte. Selon les données rapportées par le pays (Nouvelle fenêtre) à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD), organisatrice de la COP, 5,56 millions d’hectares des terres étaient dégradées en 2019, soit 11,06% de la superficie du pays. En Italie, c’est 12,46% des terres qui sont concernées et au Portugal 6,13%, selon la même source (Nouvelle fenêtre).

Cette désertification sur le Vieux continent est provoquée notamment par « le développement de l’irrigation et l’empiètement des cultures sur les pâturages, causés par la croissance démographique, les politiques agricoles et les marchés », cite le Giec dans un rapport spécial sur les terres(Nouvelle fenêtre) publié en 2019.

Les experts poursuivent : « Quatorze millions d’hectares, soit 8% du territoire de l’Union européenne (principalement en Bulgarie, à Chypre, en Grèce, en Italie, en Roumanie, en Espagne et au Portugal), présentent une ‘sensibilité très élevée’ et ‘élevée’ à la désertification. » « Ce chiffre passe à 40 millions d’hectares (23% du territoire de l’UE) si l’on inclut les zones ‘modérément’ sensibles », conclut le Giec dans son rapport. Et les projections futures sont alarmantes.

« Des expansions majeures des zones arides sont observées dans les régions d’Amérique du Nord, le nord de l’Afrique, la Méditerranée, l’Afrique australe, les régions côtières de l’Australie, du Moyen-Orient et de l’Asie centrale et l’Amérique du Sud », notent encore les chercheurs européens (Nouvelle fenêtre). Si le monde atteint un réchauffement de 2°C, c’est ainsi 9% de la population européenne qui serait exposée à des pénuries d’eau, traduit le Giec dans son sixième rapport. 

« Nous sommes au bord du précipice »

Quant à la France, « l’indice d’aridité a aussi évolué dans certaines régions et on tend vers des zones plus arides », signale Jean-Luc Chotte. Sur les cartes des régions à risque, le Sud-Est est particulièrement concerné. L’atlas du centre de recherches de la Commission européenne montre ainsi que, dans un scénario où les émissions de gaz à effet de serre seraient élevées, les Pyrénées-orientales, déjà frappées par la sécheresse, la Corse ainsi qu’une large bande côtière allant environ de Nîmes à Saint-Tropez deviendraient « semi-arides ».

Face à cette expansion, les pays négocient à Riyad pour accélérer la restauration des terres dégradées et lutter contre les sécheresses. « On a besoin de produire mieux et de meilleure qualité, avec un impact environnemental réduit », défend Jean-Luc Chotte. Après les échecs des récentes négociations aux conférences sur le climat et la biodiversité, « nous sommes au bord du précipice », préviennent le secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, Ibrahim Thiaw, et le chercheur Johan Rockström dans un nouveau rapport (Nouvelle fenêtre).

Dans ce document, ils mettent en évidence le lourd fardeau que l’agriculture intensive et la déforestation font peser sur la planète. Et l’ambition des pays du monde entier n’est pas au rendez-vous : selon le site de la COP (Nouvelle fenêtre), seuls 78 Etats ont communiqué des objectifs de lutte contre la dégradation des terres. La majeure partie des pays européens et la France ne font pas partie de ces rares bons élèves.

Article rédigé par Camille Adaoust

France Télévisions

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