Mahmoud Moradkhani, neveu du guide suprême iranien: «Le régime est très fragile en ce moment»

Mercredi 7 décembre, Badri Hosseini Khameini, la sœur du guide suprême Ali Khamenei, a posté une lettre ouverte sur les réseaux sociaux, critiquant son frère et le régime « despotique » qu’il dirige. Elle y exprime sa solidarité avec le peuple iranien et souhaite la victoire des protestataires dans leur lutte pour la liberté. Son fils, Mahmoud Moradkhani, neveu d’Ali Khamenei, opposant iranien installé en France, explique à RFI le geste de sa mère. 

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RFI : Votre mère, Madame Badri Hosseini Khamenei, la sœur du guide suprême de la République islamique d’Iran, vient de publier une lettre ouverte dans laquelle elle rappelle sa rupture ancienne avec le régime iranien et son frère Ali Khamenei et affirme sa solidarité avec le peuple d’Iran et surtout avec les mères des victimes de la répression. Était-ce important de le faire en ce moment ?

Mahmoud Moradkhani : Oui, je pense que c’était important. Notre famille n’a jamais été dans ce régime, on n’avait aucun rôle, ma mère en particulier, aucun rôle dans ce régime. Et il faudrait rappeler ça, parce que beaucoup d’Iraniens pensent que c’est quelque chose de nouveau. Notre opposition date du début de ce régime, y compris pour ma mère.

Quel est l’objectif de cette lettre ?

Ma mère voulait depuis un certain temps annoncer qu’elle était contre son frère, qu’elle était avec le peuple. C’était une occasion intéressante [de le faire], ça a toujours été un souci pour notre famille. Moi, depuis que je suis en France, j’ai toujours milité contre le régime, et contre mon oncle en particulier, je n’ai pas arrêté de donner mon avis. Donc, je pense que c’était une envie depuis un certain temps, et c’était un bon moment pour le faire.

À votre avis, que pourrait être la portée de cette prise de position ?

Je pense que c’est important. Le régime et certainement Ali Khamenei vont être en colère, quelle que soit leur réaction [publique]. Actuellement, ils sont dans une situation très difficile, ils savent très bien que le régime a été attaqué par le peuple. Ils sont vraiment fragiles. Et une erreur de leur part finira par entraîner leur destruction.

Je pense que pour le peuple iranien aussi, c’est un encouragement, afin qu’il continue la protestation. Cet encouragement était nécessaire.

Dans sa lettre, votre mère n’épargne ni son frère, ni le régime dans son ensemble. Craint-elle des conséquences ?

Ça serait bien ! Au maximum, ils vont la mettre en prison, ça serait très bien. Cela montrera que les dictateurs – bien sûr, Ali Khamenei n’est pas le premier dictateur, ni le dernier – ne respectent personne, qu’ils sont contre tous ceux qui sont contre leur avis, que ce soit la famille, que ce soit les enfants… Donc quelle que soit leur réaction, ça sera à leur encontre.

Il y a quelques jours, votre sœur aussi avait posté une vidéo sur les réseaux sociaux pour dénoncer fortement le régime et soutenir les contestations. Elle est en ce moment en prison. Comment va-t-elle et que risque-t-elle ?

On a des nouvelles. Effectivement, elle est en prison, mais ils ne l’ont pas mise à Evin, la prison où il y a tous les prisonniers politiques. Peut-être parce qu’il n’y avait plus de place. Elle a été placée dans une structure de rééducation, avec des criminels de droit commun, mais elle n’a pas subi pour l’instant de torture, ou d’autres choses… Bien sûr, le régime épargne un petit peu sa famille, mais avec le peuple, il est beaucoup plus violent.

Quel est le fondement de l’opposition de votre mère, de votre sœur, jadis de votre père, disons de votre famille à République islamique ? Pensez-vous que la religion et la politique ne font pas bon ménage ?

Effectivement. C’est la raison principale. Mon père a dit très rapidement et directement à Khomeini [fondateur de la République islamique, NDLR] que la religion ne doit pas gouverner. Les religieux ne doivent pas gouverner. C’était la raison de sa protestation. Il a été emprisonné deux trois ans, pour la première fois au début de la révolution, et pendant dix ans après son retour de l’Irak.

Depuis quelques jours, certaines personnalités proches du régime, comme l’ancien président Mohammad Khatami, ont fait des déclarations assez vagues en saluant par exemple le slogan « femme, vie, liberté ». S’agit-il, à votre avis, d’un ralliement discret ou est-ce que cela relève de l’hypocrisie ?

Non, je pense qu’ils sont contre, au moins, une grande partie de ce qui se passe en République islamique sous la coupe d’Ali Khamenei. Mohammad Khatami n’était pas sur la même ligne qu’Ali Khamenei. Par contre, les réformistes en Iran ont participé à ce régime, ils ont peur de demain et se préparent.

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Après ce régime, il y aura des tribunaux et on demandera aux réformistes ce qu’ils ont fait pendant qu’ils étaient au pouvoir. Ça, c’est sûr… Ils se préparent pour l’après-régime islamique, mais une partie sont contre quand même.

Par ailleurs, il y a dans les réformistes, et je ne pense pas forcément à Khatami, mais dans le clergé chiite, des mollahs et des religieux qui sont également contre ce régime. Mais ils ne le disent pas.

Pourquoi ils ne le disent pas ?

Parce qu’ils ont peur de « l’après ». Je sais et je l’ai entendu : « Si le régime disparait, nous, on disparait avec ce régime. Donc, on est obligé de le maintenir. » Et malheureusement, comme on n’a pas dans l’opposition une bonne organisation, on ne peut pas garantir une certaine liberté pour les religieux après ce régime.

Ils pensent qu’après le régime islamique en Iran, l’islam, les mosquées et les religieux vont être effacés de la société. Bien sûr, l’idée n’est pas ça, nous sommes laïques, c’est-à-dire que nous respectons la religion, nous respectons les religieux. Nous disons juste qu’ils ne doivent pas participer et intervenir dans la vie civile et politique. Mais il faudrait qu’il y ait vraiment une garantie politique de la part de l’opposition qui va prendre le pouvoir après ce régime.

SOURCE RFI

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