Le Québec ne recrutera plus de personnel infirmier sur le continent africain
Le gouvernement du Québec a récemment annoncé qu’il allait cesser de recruter du personnel infirmier en provenance de l’Afrique, sauf en Tunisie. Il invoque des raisons d’ordre éthique pour justifier cette décision qui est saluée par le Conseil international des infirmières, un organisme basé à Genève.
Un programme mis en place il y a deux ans
Dans la foulée de la pandémie du coronavirus, le Québec a mis en place, en février 2022, un programme pour aller recruter à l’étranger des infirmiers et des infirmières dont on manque cruellement dans le réseau de santé québécois. Ce programme, doté d’un budget de 65 millions de dollars, va se poursuivre mais le Québec va arrêter d’aller recruter en Afrique, sauf en Tunisie.
« Dans le cadre de ses activités de recrutement à l’international, le Québec adhère aux principes de recrutement éthique, dans le respect du marché de l’emploi local et en collaboration avec ses partenaires internationaux. Les activités de recrutement international du gouvernement du Québec respectent les principes directeurs et les normes internationales recommandés par l’Organisation internationale du travail, l’Organisation internationale pour les migrations et l’Organisation mondiale de la santé. Soulignons que certains partenaires gouvernementaux, comme le Royaume du Maroc, nous ont demandé d’exclure les infirmiers d’État de nos activités de recrutement à partir du deuxième trimestre de 2024, consigne que nous avons respectée. D’autres pays d’Afrique ont été exclus par le Québec, puisque ceux-ci font partie des pays où il est recommandé, notamment par l’OMS, de ne pas recruter » précise Emmanuelle Allaire, conseillère aux affaires publiques à la Direction des communications du Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec.
Près de 500 infirmiers travaillent dans le réseau de santé du Québec
Et si la Tunisie reste le seul pays africain où ses opérations de recrutement vont se poursuivre, c’est parce que « nos analyses révèlent que les activités de recrutement du Québec ne présentent pas un risque sanitaire pour la population locale et le gouvernement du pays, notamment leur ministère de la santé, a étudié le projet, a donné des balises pour sa réalisation et collabore avec le Québec dans son opérationnalisation » poursuit la porte-parole.
Le Québec va continuer à recruter en Europe, en Amérique latine et dans plusieurs pays du Golfe. Et cette décision n’aura pas d’impact sur les infirmiers et les infirmières d’origine africaine qui sont déjà en train de suivre le processus d’intégration au Québec. Ils sont déjà près de 500 à travailler dans le réseau de la santé québécois. Ce programme a déjà permis de combler les besoins en 1900 infirmières, sages-femmes et préposées aux bénéficiaires en provenance de 24 pays d’Afrique, d’Europe et d’Amérique latine.
Une décision saluée
Le Maroc a salué la décision du gouvernement québécois par le biais de son ambassadrice au Canada, Souriya Otmani, qui a déclaré à Radio-Canada : « En agissant de la sorte, il me semble que le Québec a véritablement pris une décision réfléchie, juste, éthique et équitable ». L’ambassadrice a fait valoir que « Les infirmiers et les infirmières du Maroc […] quittent leur pays par centaines, voire par milliers chaque année, pour aller au Canada, en Europe ou dans les pays arabes ». Elle ajoute qu’au Maroc, « des dispensaires sont construits, équipés, mais ne peuvent fonctionner parce que le personnel médical et infirmier fait défaut. La vie de milliers de personnes est carrément en jeu ».
Le Conseil international des infirmières, l’organisme qui représente le personnel infirmier sur la scène internationale et qui est basé à Genève, ne cache pas sa satisfaction également à l’endroit de cette décision du gouvernement québécois. En entrevue à TV5MONDE, Howard Catton parle d’un pas positif : « Depuis la pandémie, nous avons vu un recrutement important de personnel infirmier de la part des pays occidentaux, dont le Canada, et ces opérations de recrutement massif dans ces pays du sud ont un impact important sur leurs propres réseaux de santé, cela induit un stress sur le personnel infirmier qui reste sur place et ces pays n’arrivent plus à offrir des soins de santé adéquats à leurs populations. Alors nous encourageons les pays qui mènent ces opérations de recrutement de les cesser dans ces pays où cela a un impact important. Et de faire les efforts nécessaires pour former chez eux le personnel infirmier dont ils manquent », explique Howard Carton, directeur général du Conseil International des Infirmiers/Infirmières.
Howard Catton cite plusieurs pays africains qui se retrouvent dans cette situation, le Nigéria, le Cameroun, le Ghana, la Côte-d’Ivoire. « Il existe une liste rouge, établie par l’Organisation mondiale de la Santé, de 55 pays qui ont le système de santé le plus vulnérable et le nombre le plus bas de personnel infirmier et le recrutement actif de ce personnel dans ces pays est fortement décommandé par l’OMS. Malgré tout, nous constatons que certains de ces pays ont perdu beaucoup d’infirmières au cours des dernières années » précise le responsable.
Un manque criant d’infirmières et d’infirmiers dans le monde
Howard Catton fait remarquer que cela fait des années qu’il y a un manque criant d’infirmiers et d’infirmières dans le monde mais que la pandémie a aggravé le phénomène. Il espère que d’autres pays occidentaux vont emboiter le pas du Québec et cesser leurs opérations de recrutement de personnel infirmier dans les pays qui se trouvent sur cette liste rouge de l’OMS : « Tous les pays doivent investir davantage dans l’éducation et la formation du personnel soignant et offrir à ces travailleurs et travailleuses de la santé des conditions de travail qui vont leur permettre de rester là où ils vivent. C’est ce qu’il faut faire éthiquement » conclut Howard Catton.
Le plus gros hôpital francophone de Montréal que nous avons contacté, le CHUM, n’a pas souhaité commenter cette décision du gouvernement québécois.