Travail des domestiques : Chiffres effarants
Le Centre de recherche d’action sur les droits économiques sociaux et culturels CRADESC, a organisé un atelier de partage des résultats de l’étude sur la documentation des violations des droits des travailleuses domestiques dans 9 pays d’Afrique de l’Ouest? dont le Sénégal. Elle renseigne que 90 % d’entre elles ne sont pas inscrites à la sécurité sociale et n’ont pas de contrat de travail, informe « Rewmi ».
Il ressort de cette rencontre, la mise en place d’un comité de pilotage pour le respect des droits des travailleuses domestiques en commençant par le plaidoyer pour la ratification de la convention 189, pour une meilleure prise en compte des droits des femmes de ce secteur. « L’étude réalisée en 2021 a permis de constater de graves manquements à l’application des règles du travail et des violations des droits et libertés des travailleuses domestiques dont la grande majorité est âgée entre 15-25 ans (57%).
La quasi-totalité (98.52%) de ces femmes et filles interrogées ne dispose pas de contrat écrit. Cette situation d’insécurité juridique débouche sur une absence quasi systématique de protection sociale. En effet, 90 % des travailleuses domestiques n’ont pas été déclarées à la sécurité sociale.
D’ailleurs, 92.59% d’entre elles ignorent ce qu’implique ce mécanisme. Le caractère informel du secteur expose les travailleuses domestiques à des conditions de vie et de travail difficiles au domicile de l’employeur : soumission à des longues heures de travail, absence de congés, manque d’hygiène et de sécurité du lieu de travail, traitements dégradants. Malgré la surcharge de travail, le salaire payé par les employeurs est très en deçà du minimum garanti », a révélé le document.
Des travailleuses domestiques perçoivent moins de 27 000 FCFA
L’étude a démontré que 50.5% des travailleuses domestiques perçoivent moins de 27 000 FCfa. En plus des traitements salariaux insuffisants, les travailleuses domestiques sont quotidiennement victimes de violences de toutes sortes (verbales, physiques, psychologiques, sexuelles…). L’enquête a démontré que 98.10% des travailleuses domestiques interrogées, ont une fois subi des actes de violences chez leurs employeurs. Malgré l’existence des cas de violence, l’enquête a révélé l’absence de recours aux instances judiciaires. Ces filles et femmes victimes de violences préfèrent le plus souvent se tourner vers des amis et confidentes (45.5% des aides domestiques interrogées), les parents (36%). Peu d’entre elles font recours à un conseil juridique (9%) ou bénéficient de l’accompagnement des agences de placement (9%).
Ainsi, la plupart des cas de violences ne se révèlent pas au grand public. Une situation que dénonce Korka Ndiaye, représentante de l’association des travailleuses domestiques basée au Mali. Elle estime qu’ «il faut que les gens sachent que ce que nous faisons est un travail noble et sans nous, les autres travailleurs des autres professions n’iront nulle part parce que c’est nous qui nous occupons de leur maison, de leur famille, donc les femmes domestiques doivent être respectées et considérées comme le stipule le droit du travail ». Ainsi, elle plaide pour une meilleure prise en compte du statut des femmes domestiques.
« Le Sénégal, à l’instar de l’ensemble des pays où nous avons été, a encore un secteur de travail domestique particulièrement préoccupant, en termes de précarité, de conditions de travail, de violence basée sur le genre et nous pensons qu’il est important que des décisions importantes soient prises pour avoir le changement escompté », a fait savoir le docteur Fatimata Diallo, présidente du Gradesc, qui interpelle « l’ensemble des acteurs particulièrement les syndicats, les organisations de la société civile, mais surtout les acteurs institutionnels en vue de la ratification de la 189, la convention de l’OIT adoptée en 2011 pour la protection du droit des travailleurs et des travailleuses à travers le monde ».
Pour l’instant, poursuit-elle, en Afrique francophone, seule la République de Guinée a eu à ratifier la convention. Abondant dans le même sens, Marie Sabelle Diatta de la direction du Travail, qui préside l’activité, a fait remarquer qu’«à part l’arrêté datant de 1965, il n’y a aucun autre texte réglementant l’activité du travail de domestique au Sénégal».
D’où l’intérêt, selon elle, de voir les syndicats en faire «leur cheval de bataille, pour disposer de nouveaux textes juridiques». Profitant des 16 jours d’activisme pour dénoncer les violences faites aux femmes, Penda Seck Diouf, présidente de la Synergie des organisations de la société civile pour l’élimination des violences basées sur le genre, a déploré cette situation que vivent les femmes dans ce milieu de travail. Elle renseigne que la présentation des résultats de cette étude qui a été validée, se concrétise par la mise en place d’un comité de pilotage chargé de travailler pour la reconnaissance, le respect et la protection de ces femmes dans leur milieu de travail.
« L’étude a révélé que les travailleurs domestiques ne bénéficient d’aucune protection sociale et sont parfois victimes de violence. J’attire donc l’attention sur la nécessité de la ratification de la convention C 189, d’autant plus que le gouvernement s’est engagé sur la protection de ces femmes qui sont dans l’informel ».
Ndèye Fatou Kébé
LERAL