Le droit de voir et d’entendre mieux

«La vie de pervers, le malheur du repli sur soi, l’isolement dans la tourmente, l’abandon des grands principes, la pauvreté des idées (surtout nak), l’insubordination, l’insolence du geste et du verbe, tout comme l’indiscipline notoire et caractérisée, sont des champs de bataille qui ont leurs héros ; héros obscurs plus grands parfois que les héros illustres.»

Le contenu du débat politique devient de plus en plus lamentable.
C’est comme si nos acteurs politiques (Astaghfirulah ! boucaniers politiques, je devrais dire) naviguent dans les eaux dramatiques, fangeuses et obscures de la médiocrité idéologique et de la cécité intellectuelle. Aidés, ils sont, en cela, par des professeurs d’université déficients, des journalistes-chroniqueurs manipulateurs, des Tiktokeurs insulteurs schizophrènes et tant d’autres parmi les forces vives (dont la flamme s’estropie de jour en jour) de la Nation.
Les débats à l’An de ce lundi passé heurtent les consciences les plus endurcies. Députés du pouvoir (minoritaires) comme ceux de l’opposition (majoritaires) y ont fait vraiment pitié : mbete sabaru dof !

En paraphrasant Montes-quieu, j’affirme que la meilleure manière de faire partager au Peuple l’effet des richesses de son pays, c’est de mettre de l’ambition dans tous les cœurs. Et pour y faire demeurer à jamais l’effet de la pauvreté, c’est de faire naître au sein de ce même Peuple, le désespoir. La première option s’installe par le travail, la résilience et la recherche effrénée de la concorde nationale ; l’autre se consolide par la veulerie, l’indigence de l’esprit, l’insolence, la vulgarité des opinions même contradictoires et la désinence des ego surdimensionnés.

Parce que justement l’ignorance, l’insolence, la vulgarité et la pauvreté des idées ont les mêmes effets que la richesse, la moralité, l’apaisement des cœurs et des esprits (tappe xol yi nous disait toujours le vénérable Dabaax Malick), le patriotisme et le civisme sur le Peuple. Il (le Peuple) grandit dans le meilleur des cas ou il s’affaisse dans le cas contraire. N’avez-vous pas vu et entendu cette troupe de sacripants (organisée en soutien du projet) qui perturbait les débats et qu’il a fallu faire déguerpir au plus vite des gradins de l’An ?

Si la simple richesse ou la prolifération des idées (sic…) ne nourrit pas notre Peuple (théorisation d’un projet qui tarde véhément), alors ni aujourd’hui ni jamais le grossier dans le raisonnement ne pourrait faire l’affaire. En termes plus clairs, il ne s’agit pas de faire l’intellectuel hors normes, mais plutôt de cogiter à l’échelle humaine et de décliner des positions dont la teneur englobe les germes d’une semence nourricière pour la bonne marche des affaires de la Nation, de l’Etat et du Peuple. L’arrogance, l’incivisme et la vulgarité n’ont jamais payé : c’est aussi clair que l’eau de roche ! Oui, la pauvreté de l’esprit s’encombre rarement (sinon jamais) de principes novateurs et encore moins de contingences fondatrices.

La classe politique (ah, les barbares !) s’entretue et chaque entité (pouvoir comme opposition) pense parler ou agir de manière égoïste au nom du Peuple et pour le Peuple. Que nenni !

Je renvoie tout ce beau monde à la fameuse assertion moins humoristique que pertinente de Driss Chraïbi, caricaturant la conduite des affaires sous nos tropiques : Le bœuf (nos navrants politiciens) traîne la charrue (l’intérêt national) et le paysan (le Peuple) suit la charrue. Mettons maintenant l’ignorance, la suffisance et la vulgarité à la place du bœuf et nous trouverons derrière la misère, l’indigence et la pauvreté chronique chez le Peuple désabusé. A écouter le léger discours de nos boucaniers politiques sur l’amour qu’ils portent au Peuple, l’on se tordrait de rire : car, me semble-t-il, ils ne saisissent pas que le vocabulaire de l’amour (dans ce cas précis) étonne trop souvent par sa pauvreté hilarante et par sa fausseté manifeste.

Le monde politique est en pleine mutation : hier on se disputait la richesse des idéologies ; aujourd’hui on s’arrache la pauvreté des idées et leur prosaïsme que charrie dans un brouillard écumeux, le populisme. Ce populisme qui n’est en vérité et surtout rien d’autre que la rusticité d’éparses idées fumeuses, l’inélégance du langage et la pauvreté de la réflexion pour apporter des solutions viables aux problèmes de la cité. Ce bazar horrible prime aujourd’hui sévèrement sur la beauté de l’âme de l’homo-sénégaliens° qui faisait jadis la fierté du pays de la Teranga. Oh, mon Dieu ! Ne comprennent-ils pas que ce pays est ce qu’il est jusqu’ici grâce au dialogue et aux concertations sur les problèmes de l’heure ?

Chaque Nation (démocratique) confie le pouvoir à des hommes en qui elle a fait confiance pour un laps de temps déterminé.

L’exercice du pouvoir n’est pas du folklore et ne peut se résumer à de la vile propagande où chaque acte posé (dans la gouvernance des affaires de la cité) passe pour une arnaque et ou un calcul politico-politicien afin de fidéliser, de satisfaire les partisans zélés et irréductibles ou de conquérir le reste de l’électorat encore hésitant. Pourtant, notre pays est plus grand que ça : il doit être au dessus de ces simples considérations partisanes. Donc, il faut aller plus loin ; la citoyenneté responsable et notre perception strictement républicaine des choses l’exigent. Ceux qui ne sont pas fous amoureux du parti au pouvoir ne sont pas des ennemis qu’il faut brimer, exclure ou violenter (physiquement ou verbalement). Ces autres là, ce sont les groupes légalement constitués et reconnus comme opposants. Ils méritent le respect car ayant un rôle républicain à tenir et qui ne doit s’arrêter, qui ne doit s’arrimer à de la simple subversion et à de la déraison fantasmagorique.

Le langage populaire et ordurier de la politique politicienne, avec son radotage obsessionnel, sa pauvreté de vocabulaire, sa manie fastidieuse d’énumérer des détails superflus et attentatoires, sa dépendance de l’événementiel burlesque et patibulaire, tue en nous toute fibre patriotique et entrepreneuriale. Nous sommes devenus des loups les uns pour les autres. Musulmans comme chrétiens, nous tous, nous nous éloignons de plus en plus des enseignements de Jésus l’Ecarlate parmi les plus Illustres (Psl) : le gatsa-gatsa est passé par là. On rend le soufflet sur la joue gauche de celui qui nous l’eût donné sur la joue droite.

Pourtant, cette Nation est appelée à faire progresser la raison du monde. Son devoir est donc de décliner clairement sa part dans le messianisme de l’intelligence, du culte du travail et du don de soi pour la Patrie. Et à ce titre, notre pays abhorre maintenant les farceurs et autres sorciers politiciens qui font vrombir les moulins à vent au mépris du plus grand génie rationnel et philosophique, c’est-à-dire la démocratie.

Peut-on se permettre sans aucune gêne de résumer la vie sociopolitique du Peuple et de la Nation à des ressources évasives comme le pyrrhonisme abyssal d’un gatsa-gatsa° sans issue ?

Le Sénégal de l’avant-garde du cerveau démocratique de l’Afrique peut-il se taire face à la centralité des coups bas dans sa vie sociopolitique ? Une majorité à l’An et quoi encore ? La future bataille pour une majorité à l’An doit-elle ressembler à la conquête de Jérusalem la Sainte par les croisés ? Voudrait-on nous ramener à l’âge de l’homme des cavernes ?

Du respect pour notre Peuple waay° ! Nous sommes suffisamment mûrs et en avance sur vous (politiciens du dimanche) pour choisir librement notre voie.
Une fois de plus, il ne faut proposer à un Peuple que l’on veut réellement forger et abreuver dans les sources nourricières de la citoyenneté responsable que le génie politique avec lequel le monde a assimilé les leçons qui mènent à l’émergence. On sait que, depuis nos trois alternances démocratiques, celles-ci ont fini de sacraliser la liberté de choix du citoyen, puis lui retirent l’un après l’autre ses facultés de «subir la pensée unique», de souffrir la crétinisation* due à un verbe stérile. Du coup, le politique doit impérativement se soustraire purement et simplement des actes et autres débats dont l’utilité d’ordre citoyen n’a aucune valeur ajoutée. Dans les affaires de l’Etat et de la République, le mot «vengeance» ne trouve pas sa place.

Absolument, la politique n’est viable que lorsqu’elle est «politique de vérité» ; et cette vérité n’a besoin ni d’amis, ni de parents, encore moins d’assentiments (hé le duo !). Je sais seulement qu’il est préférable de guérir l’offense plutôt que d’essayer de la venger. La vengeance prend beaucoup de temps, elle expose à bien des offenses. Et le duo pourrait l’apprendre à ses dépens.


Amadou FALL
IEE à Guinguineo
[email protected]

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