Pourquoi l’Iran se refuse à réellement frapper Israël
Une vengeance théâtrale, voilà comment on pourrait résumer la pluie de missiles iraniens qui s’est abattue mardi soir sur Israël. Comme en avril dernier, la riposte menée par Téhéran contre l’État hébreu était littéralement téléphonée. Le but des ayatollahs étant d’envoyer un message à leurs partisans et soutiens, sans faire trop de dégâts aux Israéliens. Mais pourquoi l’Iran se refuse-t-il à frapper réellement son ennemi numéro un? Tentative de réponse.
“Nous n’utiliserons pas de drones cette fois-ci, mais des missiles balistiques. Ceux-ci viseront trois camps de l’armée et un quartier général des services de renseignement au nord de Tel-Aviv. Après une heure de tirs, L’opération sera terminée. Merci et au revoir.” Tel est peut-être le genre de message envoyé par l’Iran à Israël mardi après-midi, quelques heures avant une “vengeance” qui aurait donc été annoncée.
La chaîne américaine CNN avait évoqué les moyens utilisés par les forces iraniennes près de deux heures et demie avant l’attaque. Presque simultanément, le New York Times dressait quant à lui la liste des cibles israéliennes, lesquelles avaient déjà été évacuées. Par ailleurs, le fait que l’armée israélienne ait soudainement annoncé, une heure après le début de l’attaque, que la côte était à nouveau sûre, en dit long. Comment pouvait-elle le savoir avec certitude si tout cela n’avait pas été convenu au préalable?
L’Iran avait procédé plus ou moins de la même manière en avril dernier lorsque Téhéran avait, pour la première fois de son histoire, frappé directement Israël en lançant de nombreux drones, mais également des missiles, sur l’État hébreu. Une opération présentée à l’époque comme une réponse au bombardement de son consulat de Damas par Israël le 1er avril, qui avait causé la mort, entre autres, du général Mohammad Reza Zahedi. En bombardant Israël mardi soir, le régime iranien entendait venger la récente mort du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah ainsi que l’assassinat du chef du Hamas, Ismail Haniya, en août.
Un Palestinien comme unique victime
Sans surprise, la première frappe a été signalée juste au nord de Tel-Aviv mardi soir, et un nombre impressionnant de projectiles ont également volé en direction de Nevatim. Cette ville, située dans le désert du Néguev, abrite une base militaire qui avait déjà été prise pour cible par l’Iran en avril dernier. Et, comme la dernière fois, il n’y a eu pratiquement aucune victime, si ce n’est un Palestinien mort écrasé par des débris de missile près de Jéricho, en Cisjordanie.
La version officielle soulignera que seule l’intervention d’Israël et de ses alliés, États-Unis en tête, a permis d’éviter un terrible massacre. Une version destinée à faire croire que l’Iran avait réellement l’intention de faire mal aux Israéliens. Pourtant, la république islamique s’y refuse jusqu’à présent. Mais pourquoi?
Deux hypothèses: la patience ou la paix?
La première hypothèse, peut-être la plus crédible, veut que l’Iran, plus proche que jamais de détenir l’arme nucléaire, ne souhaite pas donner l’occasion aux Israéliens (et aux Américains) de détruire ses installations nucléaires alors qu’il touche au but. Dans ce cas de figure, pour Téhéran, la vengeance est un plat qui se mange froid.
Mais il est également possible que l’Iran veuille la paix, ou quelque chose qui y ressemble. Conscient de ses faiblesses, le régime iranien privilégierait alors une voie moins conflictuelle avec Israël et ses alliés occidentaux. C’est en tout cas ce que le nouveau président iranien Masoud Pezeshkian a laissé entendre lorsqu’il s’est adressé à l’Assemblée générale des Nations Unies la semaine dernière. À New York, Il a notamment appelé à une reprise de l’accord nucléaire en échange d’un allègement des sanctions contre son pays.
Les Iraniens ont déclaré à plusieurs reprises que cet accord – qui prévoit que le pays s’engagerait à ne plus chercher à se doter de l’arme nucléaire – pourrait être le début d’un nouveau dégel des relations avec les Occidentaux. D’ailleurs, le président Pezeshkian avait fait campagne sur la promesse de la désescalade des tensions. Une stratégie forcément validée par le guide suprême Ali Khamenei, le véritable chef du pays.
Guerre totale
Cependant, certains courants au sein du régime iranien poussent à la guerre totale. Ils appellent notamment les Houthis yéménites à attaquer les installations pétrolières de l’Arabie saoudite afin d’embraser toute la région, au propre comme au figuré. La question essentielle n’est donc pas tant de savoir si l’Iran est vraiment sérieux dans son apparente volonté de dégel, mais plutôt de savoir combien de temps cela pourra durer. Selon le magazine Foreign Policy, il serait sage de prendre cette aspiration très au sérieux. Reste à savoir ce qu’Israël fera de ce conseil.