Relance industrielle: Kaolack refile du coton

L’industrie textile au Sénégal est aussi vieille que la première presse à huile de tourteaux. Déjà en 1951 avec les industries cotonnières africaines -Icotaf-  à Rufisque, initiées par  les industriels alsaciens et marocains en consortium, et plus tard une fusion avec la Sotiba pour cibler le marché africain des tissus à travers des filiales ouest-africaines  que les industriels français vont créer dans tout l’espace de l’Aof avec pour base les implantations d’Icotaf-Sotiba du Sénégal.

La stratégie d’industrialisation au sein de l’empire colonial  à travers la transformation des matières premières agricoles des colonies jeta les bases d’une activité extrêmement prospère et génératrice de richesse, avec bien sûr l’appui et les cautions de l’autorité coloniale qui accompagnent la  croissance urbaine et la forte demande des populations indigènes  en donnant des opportunités aux industriels métropolitains dans les colonies.

Le pari : semer les graines sur place et les transformer sur place afin d’exporter vers la métropole avec les coûts de production et de transformation presque infimes permis par une  main-d’œuvre locale très bon marché.

L’extension de la base de production et distribution per­mit la mise en place d’un tour de table d’actionnaires avec  Sotexka Domitexka dans la région centre. Kaolack offre l’avantage de sa position géographique, de sa relative prospérité avec l’arachide et les usines de trituration, et surtout de sa proximité avec les zones de culture de coton du sud et sud-est, tout l’axe Kaolack-Tambacounda-Sédhiou-Kolda. Et le succès de l’unité industrielle est presque immédiat. 20 hectares de site industriel, 30 000 m² de hangars et entrepôts, 20 milliards de F Cfa de machines et équipements avec une production prévisionnelle de 20 millions de mètres de tissus pour plus de 5000 t de coton traitées.

Malheureusement dans les années 80, la sécheresse  et surtout la montée en puissance du coton synthétique d’Asie ont complètement grignoté les parts de marché de tout le textile en Afrique, en l’absence d’un mécanisme de protection effectif avec la Douane, les accords de libre-échange auxquels nos Etats ont naïvement signé n’ont pas facilité les mutations du secteur du textile en Afrique, sans oublier les nouvelles modes et tendances dans l’habillement. Le déclin est presque inévitable faute d’un management qui puisse positionner toute une industrie, surtout face aux tigres asiatiques dont les géants chinois et indien.
C’est le pari aujourd’hui avec la relance de Domitexka à Kaolack, après une autre relance presque dans le statu quo, celle de la Nsts de Thiès. Le maire de la ville de Kaolack, industriel pragmatique,  mérite le coup de pouce de l’Allemagne qui a permis de financer en partie les activités de l’usine. Cependant  l’Etat a un rôle crucial à jouer pour protéger le marché local avec les importations venant d’Asie. Même le textile européen, avec l’Ia et la robotique, n’arrive pas à tenir face aux Chinois, Indiens et Coréens, etc., en qualité comme en quantité.

Uniwax en Côte d’Ivoire, avec 40 milliards de chiffre d’affaires, est un fleuron industriel africain  qui a redonné au tissu wax son label sur tous les continents avec une qualité irréprochable. C’est une société de la Brvm.

Peut-être bien que c’est la nouvelle démarche à imprimer à la Nsts et Sotexka-Domitexka pour assurer leur survie. Miser sur la demande africaine avec une qualité de l’output et un peu d’innovation locale, pour ne pas dire authenticité.


Dans tous les cas, le gouvernement de rupture donne un signal très positif dans sa volonté de réindustrialiser le pays avec les patrons du Sénégal autour des hubs historiques qui faisaient notre tissu industriel si dense et épais jadis. C’est ça la première victoire, et c’est très encourageant.

Moustapha DIAKHATE
Ex-Conseiller Spécial PM
Expert en Infrastructure et  Politique Energie

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