Venezuela: l’opposition continue à se mobiliser à Caracas. malgré la répression qui a fait une douzaine de morts

La cheffe de file de l’opposition a appelé mardi 30 juillet à un grand rassemblement pacifique et plusieurs milliers de Vénézuéliens ont répondu présent à Caracas. Cela pour proclamer celui qu’ils considèrent comme le vainqueur de la présidentielle, Edmundo Gonzalez, et interpeller l’armée et le pouvoir de Nicolas Maduro. Tout s’est d’abord déroulé dans le calme, mais après le rassemblement, des échauffourées ont éclaté avec les forces de l’ordre. Les tensions et violences ont mené à la mort d’une douzaine de personnes et des arrestations massives.

Aux cris de « Liberté, liberté! », des sympathisants du candidat Edmundo Gonzalez Urrutia et de la cheffe de l’opposition Maria Corina Machado se sont rassemblés à Caracas et dans d’autres villes du pays pour contester la réélection annoncée de Nicolas Maduro pour un troisième mandat. Cela après l’hymne national, avec lequel le rassemblement de l’opposition a démarré dans le quartier de Los Palos Grandes, dans l’est de Caracas, rapporte notre correspondante à Caracas, Alice Campaignolle.

Les manifestants, des zones cossues de la ville, se sont réunis dans le calme, l’heure était à l’apaisement après les tensions de la veille, comme une manifestante : « Nous voulons un changement, mais un changement pacifique, et de cette dictature, nous allons en sortir par le vote ! Ceci est une démonstration civique. »

Maria Corina Machado est parvenue à mobiliser, des milliers de manifestants ont répondu présent, conscients que ce rassemblement n’était certainement que le premier d’une longue série.

Le candidat Edmundo Gonzalez Urrutia, un diplomate discret de 74 ans qui a remplacé comme candidat Maria Corina Machado déclarée inéligible, a interpellé directement les forces armées. « Il n’y a aucune raison de réprimer le peuple du Venezuela », a-t-il lancé devant ses sympathisants dans la capitale.

« Cela bouge beaucoup en ce moment, et c’est une très bonne nouvelle car c’est de cela dont nous avions besoin, même s’il nous reste du chemin à parcourir, se réjouit un manifestant. Mais on ne perd pas l’espoir, on ira jusqu’au bout ! »

À la fin du meeting des tensions ont éclaté avec les forces de l’ordre. Et dans certains quartiers populaires les milices pro gouvernement ont intimidé les habitants en imposant un couvre-feu. La ville s’est éteinte à la tombée de la nuit.

Un opposant raconte les rassemblementsAlice Campaignolle

Maduro accuse l’opposition d’être « responsable de la violence criminelle »

Nicolas Maduro a accusé l’opposition d’être « responsable de la violence criminelle », lors d’une réunion regroupant les plus hautes instances dirigeantes. « La justice passera contre les diables et les démons », a-t-il averti devant plusieurs centaines de personnes qui ont marché jusqu’au palais présidentiel pour lui apporter leur soutien. Il a tonné contre « le fascisme » et ciblé son rival, le traitant de « Monsieur le lâche ».

Le président de l’Assemblée nationale, Jorge Rodriguez, a lui estimé que « Maria Corina et Edmundo doivent être arrêtés. On ne négocie pas avec le fascisme, on applique toute la rigueur des lois de la République ».

Au moins 11 morts, la fondation Carter qui a observé le scrutin dénonce un scrutin qui ne pouvait « être considéré comme démocratique »

Depuis lundi, le bilan des manifestations est d’au moins 11 civils tués, dont deux mineurs, selon quatre ONG de défense des droits humains. Alfredo Romero, responsable de l’ONG Forum pénal, s’est inquiété de « l’usage d’armes à feu ». Le procureur général Tarek William Saab a fait état d’une 12e victime, un militaire tué par balle. L’Enquête nationale sur les hôpitaux, une ONG, a dénombré 84 blessés civils, tandis que le ministère de la Défense a enregistré 23 militaires blessés.

Le parquet a fait savoir que « 749 délinquants » avaient été arrêtés dans le cadre des manifestations, certains pour « terrorisme ».

Dans ce contexte, l’opposition dénonce une « escalade de la répression » et a annoncé l’arrestation d’un de ses cadres, Freddy Superlano.

Washington a jugé mardi « inacceptable » la répression et le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, s’est dit « extrêmement inquiet ». La fondation Carter, dont les observateurs ont suivi le scrutin, a déclaré que la présidentielle vénézuélienne ne pouvait « être considérée comme démocratique ».

Le chef de la diplomatie de l’Union européenneJosep Borrell, a réclamé « le plein respect » du droit de manifester.

Caracas rompt ses relations avec le Pérou et retire son personnel diplomatique de sept pays

En Amérique latine, c’est une onde de choc. L’Organisation des États américains (OEA) a dénoncé « une manipulation aberrante » lors du scrutin. Puis neuf pays d’Amérique latine (ArgentineCosta Rica, Equateur, Guatemala, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Uruguay) ont appelé dans une déclaration commune à un « réexamen complet avec la présence d’observateurs électoraux indépendants ».

En représailles, Caracas a retiré son personnel diplomatique de sept pays latino-américains et rompu ses relations avec le Pérou qui a reconnu le candidat d’opposition comme président « légitime ».

Le Costa Rica a offert l’asile politique à Edmundo Gonzalez Urrutia, comme à l’opposante en chef Maria Corina Machado.

Le Panama va pour sa part suspendre ses vols à destination du Venezuela, en réponse à une mesure similaire prise la veille par Caracas.

Le président mexicain de gauche Andrés Manuel Lopez Obrador, de son côté, a demandé de « ne pas se mêler » des affaires du Venezuela, tout en plaidant pour la transparence sur les résultats.

L’Argentine dénonce un harcèlement contre son personnel diplomatique à Caracas

L’Argentine, elle, a dénoncé mardi 30 juillet le harcèlement contre son personnel diplomatique, après que le gouvernement de Nicolas Maduro a donné lundi 72h aux diplomates de 7 pays latino-américains dont l’Argentine pour quitter le Venezuela. L’ambassade argentine abrite six membres de l’opposition vénézuélienne, tous proches de Maria Corina Machado.

Avec Théo Conscience correspondant RFI à Buenos Aires, 

Dans un communiqué publié mardi, le ministère argentin des Affaires étrangères a dénoncé la coupure de courant qui a touché son ambassade à Caracas. Buenos Aires a mis en garde contre « toute action délibérée mettant en danger la sécurité du personnel diplomatique argentin et des citoyens vénézuéliens sous la protection » de l’ambassade.

Depuis le mois de mars, six membres de l’opposition proches de Maria Corina Machado y sont réfugiés. Lundi, l’un d’entre eux avaient dénoncé que des hommes cagoulés membres des forces de sécurité vénézuéliennes avaient pris position devant l’ambassade avait de se retirer.

Le même jour, Caracas avait donné 72h au personnel diplomatique argentin pour quitter le pays après la décision de Buenos Aires de ne pas reconnaitre les résultats de l’élection présidentielle. Caracas a précisé que les diplomates argentins pourraient quitter le pays en toute sécurité, mais que cette garantie ne s’appliquait pas aux 6 membres de l’opposition vénézuélienne réfugiés à l’ambassade.

Une position dénoncée par la ministre des Affaires étrangères argentine Diano Mondino qui a estimé qu’en vertu de la convention sur l’asile diplomatique, le Venezuela avait l’obligation de les laisser partir. 

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