Ucad – Cérémonie de remise de diplôme par le Cesti : ERA, marraine «des sans peur»
Le Cesti a fêté sa 51ème promotion. Les désormais journalistes s’apprêtent à entrer dans un univers qui n’est pas sans leur présenter des défis. Mais, leur marraine, Eugénie Rokhaya Aw, n’avait pas peur du difficile. Eux, non plus…
Par Moussa SECK – C’était un 1er juin de l’an 2023. Fumée et flammes ont visité un bon nombre de coins de l’université. C’était un 1er juin 2023, et la lumière de la sagesse s’est vue étouffée dans les ténèbres de la colère. La raison s’est évanouie, le temps d’une manifestation dans le temple du savoir. Le couloir de la mort n’y a pas échappé. N’y ont pas échappé les bâtiments du Centre d’études des sciences et techniques de l’information. Le Cesti a pourtant ramé dans les ténèbres et, avec lui, ses étudiants.
C’est un 16 mai, ce 16 mai 2024, que la barque de la 51ème promotion finit officiellement de ramer. Pas de fumée, pas de flammes. De la lumière dessus les têtes et de la sérénité plaquée sur les visages. Ce, dans cette salle de conférence de l’Ucad 2 qui a vu des centaines de faces s’illuminer, des mains recevant le parchemin qui fait des étudiants d’hier, aujourd’hui, des journalistes. Ce, dans cette salle qui affiche une Eugénie Rokhaya Aw, absente de chair et présente d’esprit. Les élus du jour ont, à travers la diffusion de films respectivement sur leurs talents, exprimé leur part de génie pour rendre hommage à la marraine de la promotion.
Diatou Cissé, qui en connaît assez sur celle qu’on surnommait ERA, elle aussi, venue dire sa «part d’Eugénie», salue la mémoire d’une femme forte qui a déblayé le terrain.
C’était un 1er juin, le difficile fut, qui s’en alla petit à petit, mais qui demeure. Ses traces se lisent au Cesti. «L’amphithéâtre d’une capacité de 150 personnes a été incendiée par des jets de cocktails Molotov depuis l’extérieur. La Case Foyer que tous les Cestiens connaissent, a été brûlée par le même procédé.» Le Cesti se remémore, par la voix de son directeur. Bus, pickup neuf et «des centaines de chaises et de tables sont réduites en cendre», ainsi que des caméras, du matériel de visioconférence, un tableau électrique, une partie du bureau du directeur. Touché mais pas coulé, «le Cesti est resté debout», s’est réjoui M. Mamadou Ndiaye. Debout, grâce au Recteur Ahmadou Aly Mbaye. Debout, grâce aux anciens de l’école. Debout, grâce à d’autres anonymes. «Qui, d’un geste spontané, se sont mis à cotiser pour la reconstruction de l’école.» M. Ndiaye dira, devant le ministre El Hadji Abdourahmane Diouf : «Nous avons réussi à réhabiliter le bâtiment principal, mais les deux salles de classe de ce bâtiment ne peuvent pas contenir six formations et 330 étudiants. Nous sommes à l’étroit et le bâtiment est devenu vétuste.» Etre à l’étroit, chose que ne connaissait le Cesti, qu’il connaît, du fait d’«ennemis de la liberté». M. le directeur de poursuivre son discours : «L’année dernière, j’avais annoncé ici un projet d’un nouveau Cesti qui coûterait environ 2 milliards et demi. Nous comptons sur l’Etat du Sénégal, monsieur le ministre, sur l’accompagnement institutionnel du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et sur les diplômés pour y arriver.» C’était alors un 1er juin…
Ethique de responsabilité et conditions du métier
…Et, c’est un 16 mai, ce 16 mai 2024, que le Sénégal, via son gouvernement et via son Mesri, assure le Cesti de sa main tendue.
«Nous sommes à vos côtés par rapport à tous les événements malheureux que vous avez vécus l’année dernière. Et je peux vous dire, à l’entame de mon propos, que le gouvernement du Sénégal et le ministre de l’Enseignement supérieur ne vous abandonneront pas», a dit El Hadji. Abdourahmane Diouf a en outre dit, cette fois aux enseignants de l’école formatrice des hommes de médias : «Nous savons que vous êtes très compétents, mais pas assez nombreux. Nous ferons aussi l’effort de recrutement pour que les étudiants aient un taux d’encadrement beaucoup plus satisfaisant.» Pour sa première en tant qu’autorité présidant une telle cérémonie, le Mesri est revenu sur les principes premiers du métier de journaliste. Mille et une choses seront évoquées dans son discours et une en particulier, à savoir l’éthique de responsabilité.
«A titre de jeunes journalistes, il vous faudra donc mettre en application cette éthique de responsabilité d’abord dans la sélection des informations. En effet, à être obnubilé par l’accidentel et l’insolite, à assimiler l’évènement au désordre social, l’absence d’une éthique de responsabilité peut engendrer un traitement biaisé de l’information.» Ladite éthique doit être un crédo. Car, «dans un système informationnel souvent soumis à la dictature de l’urgence qui est devenue quasi instantanée, peu de journalistes disposent du temps nécessaire pour faire consciencieusement leur métier».
C’était un 1er juin, et, toute une période. Funeste période, pour le journalisme sénégalais. «Au cours de notre formation, nous avons assisté à la détérioration de la liberté de la presse à travers des suspensions de signaux de télévision, des restrictions d’internet, des agressions, des brutalisations, des arrestations de journalistes dans l’exercice de leurs fonctions.» C’est Ndèye Astou Samb qui parle ainsi, au nom des 32 de la 51ème. C’est le 16 mai, ce 16 mai 2024, et l’apparente difficulté de leur désormais métier ne les effraie point. Le difficile allait à ERA. Il va à ses Linguères et à ses Jambaars. Prêts sont-ils, mais pas pour autant prêts à se taire sur les conditions, surtout salariales, qui caractérisent le monde qu’ils s’apprêtent à pénétrer. «Le plus important, ce n’est pas de trouver un travail, mais le travail décent gage de stabilité, de liberté.» Salaire certes, mais les 32 parlent déjà d’«opportunités entrepreunariales», ainsi que rapporté par leur voix du jour…
SOURCE LEQUOTIDIEN