Foncier sur le littoral, à Mbour 4 et Thiès ville neuve : entre rebondissements et non-dits

La décision des autorités de suspendre toutes les opérations domaniales sur le littoral de Dakar et plusieurs autres lotissements litigieux à l’intérieur du pays continue de susciter des réactions et appréciations diverses. Le tout sur fond de rebondissements, de «scandales» présumés et de «non-dits» dans le dossier complexe de la gestion du foncier au Sénégal dont celui de Thiès (Mbour 4).

Le Médiateur de la République organise un atelier «d’échanges sur le foncier au Sénégal». La rencontre qui se tient ce mardi 07 et demain mercredi 08 mai 2024, à partir de 09H, à Dakar, «a pour objectif : de faire l’état des lieux de la problématique ; de permettre au Médiateur de mieux documenter ses recommandations et propositions de réformes pour une gestion transparente et juste du foncier au Sénégal en particulier en milieu rural», informe un communiqué. Ce séminaire se tient dans un contexte de rebondissements sur fond de  «scandales» présumés et de «non-dits» dans le dossier complexe de la gestion du foncier au Sénégal notamment les dossiers du littoral et de Thiès (Mbour 4).

«Il est inconcevable, au nom de la justice sociale, et du droit de chaque citoyen à un logement décent, de voir un Thiessois, sans mérite particulier, recevoir 13 hectares (ha), tandis que la Ville n’en dispose que de 3. Il est inacceptable que cette personne se sente à l’aise en regardant ses concitoyens et même en leur demandant leur soutien pour diriger cette ville. Croyez-moi, cela ne restera pas impuni», déclarait le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, lors d’une visite inopinée qu’il a effectué, le mercredi 1er mai 2024, dans la matinée, à Mbour 4, à Thiès, pour s’enquérir de la situation sur place, suite à sa récente décision de faire arrêter les travaux de construction dans certaines zones dont des domaines maritimes.

Alors que des Sénégalais s’interrogent sur l’identité de cet homme politique indexé par le chef de l’Etat, l’on assiste à un rebondissement dans ce dossier. Selon le quotidien Bes-Bi, le président Diomaye Faye faisait référence à Idrissa Seck, détenteur du TFNKM/27, avec une parcelle de 13 hectares dans la zone ZAC (Zone d’aménagement concerté). En effet, contrairement à Thiès Ville Neuve, la Nouvelle Ville de Thiès-Fandène-Notto-Keur Mousseu où c’était le ministère de l’Urbanisme et le Directeur des Domaines qui se chargeaient de la répartition des terres, à Mbour 4, les allocations de terres se faisaient en hectares. Toutefois, partant de l’édition d’hier lundi de ce journal, le mal est plus profond car ces 13 ha ne sont que l’arbre qui cache la forêt des parcelles octroyées à d’autres attributaires notamment des dignitaires politiques, hommes d’affaires, leaders religieux etc.

IDENTITE DE BENEFICIAIRES DE «GROS LOTS» A MBOUR 4

En plus de l’ancien maire de la ville de Thiès et président de Rewmi, Idrissa Seck, dont les 13 ha semblent offusquer plus d’un, Kalidou Wagué a aussi bénéficié de trois titres fonciers (3TF) pour un total de 17 ha. L’artiste et homme d’affaires Youssou Ndour est attributaire du TFNKM/75 dont la superficie est de 05 ha, Antoine Félix Abdoulaye Diome, le ministre de l’Intérieur au moment des faits, en juillet 2023,  et Augustin Tine sont propriétaires des TFNKM/96 avec 05 ha et TFNKM/145 de 05 ha. Mouhamadou Lamine Massaly bénéficie de 40 parcelles, sous le TFNKM/104.

L’ancien ministre Daouda Dia dispose du TFNKM/132 de 01 ha et Arona Dia du TFNKM/98 avec 10 ha. Il y a également les anciens ministres Mor Ngom bénéficiaire du TFNKM/138 avec 01 ha et Doudou Ka 10 ha. Cheikh Oumar Anne détient 3 TF qui font 05 ha. La députée-maire de Gniby, Ami Ndiaye, est attributaire du TFNKM/169 de 01 ha. Jean Paul Diaz a son TFNKM/208 de 05 ha. On retrouve sur la liste des attributaires Pape Diop avec le TFNKM/26, couvrant une superficie de 10 hectares dans la même zone, le député Abdou Mbow, avec à la fois le TFNKM/117 de 01 hectare et le TFNKM/170 d’une superficie de 01 hectare également.

Dressant l’état des lieux des lotissements de Thiès, le journal relève également des parcelles qui reviennent à plusieurs services et organisations. Ainsi, pour ce qui est des différentes collectivités territoriales, la commune de Keur Moussa a obtenu 25 parcelles, la commune Thiès-Nord 50, la Ville de Thiès 120, la commune de Fandène 50, la commune de Thiès-Ouest 65, la commune de Thiès-Est 50, le Conseil départemental de Thiès 50.

En outre, les délégués de quartier ont bénéficié de 47 parcelles, les communicateurs traditionnels 10, la presse 27, la justice 163, la société civile 50, les religieux 100, les personnes handicapées 10 parcelles ou encore les anciens combattants 25. Et la liste est loin d’être exhaustive. Il reste, néanmoins, d’autres attributions non encore répertoriées et qui font l’objet de demandes de parcelles et divers contentieux, au nombre de 636. En attendant, certains justifient ces attributions par une «décision de l’autorité» et son «souci de ne laisser aucune composante» de la population.

SPECTRE D’UNE SITUATION OU L’ETAT SE RETROUVERAIT EN SITUATION DELICTUELLE

Une situation qui a motivé le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, dans sa décision de mettre de l’ordre dans le secteur du foncier, à s’engager «à suspendre toutes les opérations sur les terrains de Mbour 4 et ceux dans le même cas». Tout en dénonçant «de graves distorsions à l’égalité et à l’équité entre les citoyens», sur ce site dont la première partie se trouve dans la commune de Thiès-Ouest, dans la ville de Thiès, tandis que la deuxième partie, plus récente et couvrant plus de 2000 hectares, est située dans la commune de Keur Mousseu.

Cette mesure épouse les décisions prises environ une semaine plus tôt, demandant notamment l’arrêt des travaux sur le littoral et la suspension des procédures et opérations domaniales sur certains lotissements litigieuxA travers une lettre circulaire datée du 29 avril 2024, le ministre des Finances et du Budget a saisi le Directeur général des Impôts et des Domaines (DGID) à qui il est demandé de prendre des mesures concernant la lancinante question du foncier, objet de litiges. Mieux, le document liste les zones et opérations foncières concernées par cette décision d’arrêt de travaux au niveau de plusieurs lotissements notamment à Dakar, Thiès, Mbour et Saint-Louis.

Seulement, cette décision de l’autorité d’arrêter toutes les procédures et travaux notamment sur littoral est considérée comme «sans fondement», par l’avocat Me Doudou Ndoye. L’ancien ministre de la Justice, invité de l’émission Grand Jury sur RFM, est d’avis que «le président n’en a pas le droit. Jusqu’à présent, je n’ai pas entendu ou lu où le président Bassirou Diomaye ordonne l’arrêt de tous les travaux sur le littoral et dans d’autres localités». Seluo lui, «il s’agit et n’existe» qu’une circulaire du ministre compétent. «Une circulaire est un document interne, qu’envoie le ministre à ses collaborateurs domaniaux pour interdire une quelconque collaboration avec ces constructeurs de ces zones. Mais il ne s’agit pas du président de la République. Mais je réaffirme ce que j’ai dit, il n’en a pas le droit de faire ça», a précisé Me Doudou Ndoye qui appelle à situer les responsabilités avant toute décision.

«J’estime que celui qui a ordonné de tout casser et arrêter n’est pas en règle. Il faudra faire des enquêtes avant de décider. Je ne dis pas néanmoins que ceux qui ont construit là-bas sont en règle», a-t-il soutenu. Pour Me Doudou Ndoye, qui a expliqué comment les terrains ont été acquis dans la zone, «sur le littoral, toute personne qui touche à une construction commet un délit». Car, «(…) c’est sur un terrain qu’on a reçu légalement avec un titre foncier donné par l’Etat. Et puis on vous donne une autorisation de construire légalement. Quiconque touche votre construction commet un délit au sens du Code pénal sénégalais», a-t-il dit dans Emedia.

LOTISSEMENT DE MBOUR 4 : UN PROGRAMME AUX OBJECTIFS DEVOYES

Le lotissement de Mbour 4 est réservé, selon l’ancien régime, à la construction de 2051 logements sociaux de Type F3 de 60 m² habitables, destinés aux familles à revenus faibles et irréguliers. Il y est prévu aussi 942 logements économiques de Type F4 de 80 m² habitables qui seront construits pour la diaspora ; histoire de renforcer les liens avec les Sénégalais établis à l’étranger, défendait l’ancien ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique,  Abdoulaye Saydou Sow, lors d’un déplacement sur les lieux, en juillet 2023. En outre, 731 logements de standing de Type F5 de 163 m² habitables y seront érigés pour la classe moyenne, leur offrant un cadre de vie à la hauteur de leurs aspirations.

IBRAHIMA DIALLO

SUDQUOTIDIEN

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