En Russie, des milliers de personnes rendent hommage à Alexeï Navalny lors d’obsèques sous haute surveillance

Plusieurs milliers de partisans de l’opposant russe Alexeï Navalny se sont rassemblés, vendredi 1er mars, pour lui rendre un dernier hommage devant une église de Moscou avant ses obsèques, malgré le risque d’arrestation.

Le corbillard transportant le cercueil du principal adversaire de Vladimir Poutine est arrivé vers 13h50 locales (10h50 TU) devant l’église, sous les applaudissements de la foule, certains scandant le nom de l’opposant. Une longue file d’attente de quelques milliers de personnes, sous une étroite surveillance policière, s’était formée depuis la matinée devant l’église de la cérémonie, dans le district de Marino, où habitait l’opposant lorsqu’il était libre. Des soutiens venus de Moscou bien sûr, mais aussi de toute la Russie. 

Des dizaines de membres des forces de l’ordre ont été déployés dans la zone. Les autorités ont aussi délimité avec des barrières métalliques le chemin menant de l’église au cimetière. À l’intérieur de l’église, plusieurs témoins rapportent des annonces précisant que tout enregistrement visuel et sonore est interdit, et dans le quartier de l’église, celui du cimetière et sur les quelques kilomètres les séparant, des caméras ont été installées ces deux derniers jours à chaque lampadaire. Tout le monde a vu aussi de très nombreuses barrières sur les lieux et déjà des voitures banalisées qui, de toute évidence n’appartiennent pas aux pompes funèbres ni à la famille. 

Les ambassadeurs français et allemand se sont rendus sur place, ainsi que trois figures de l’opposition encore en liberté: Evguéni Roïzman, Boris Nadejdine et Ekaterina Dountsova. Selon le rite orthodoxe, le corps a été exposé à cercueil ouvert pour les proches avant la mise en terre.

« Nous avons peur »

Principal opposant du Kremlin, Alexeï Navalny est mort le 16 février à l’âge de 47 ans dans une colonie pénitentiaire russe de l’Arctique dans des circonstances qui restent obscures. D’après les services pénitentiaires, il est mort à la suite d’un soudain malaise « après une promenade ». Ses collaborateurs, sa veuve Ioulia Navalnaïa et les Occidentaux ont accusé Vladimir Poutine d’être responsable de sa mort, ce que le Kremlin nie. Après avoir tardé à remettre la dépouille d’Alexeï Navalny à ses proches, les autorités russes s’y sont finalement résolues le week-end dernier, permettant des funérailles.

Un mot revient souvent chez les personnes présentes aux funérailles : « Nous avons peur, nous avons tous peur d’être venus. Mais nous avons fait ce choix entre la conscience et la peur. C’est lui qui nous a donné l’espoir, c’est lui qui nous a rendu libre. »

« Rien à dire »

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a averti de potentielles sanctions en cas de participation à toute manifestation « non autorisée » à l’occasion de ces funérailles. Lors de sa conférence de presse quotidienne, Dmitri Peskov a aussi affirmé qu’il n’avait « rien à dire » à la famille du défunt. 

Navalny avait été la figure centrale d’une vague de protestations en 2011-2012 pendant laquelle il avait déclaré pouvoir « prendre le Kremlin » ; il avait tenu tête à Sergueï Sobianine le candidat pro-Poutine lors des municipales à Moscou en 2013 (près de 30% des voix) – le seul scrutin auquel il a été autorisé à se présenter – et était parvenu à se créer un réseau de soutien en dehors de la capitale. Il avait surtout multiplié les vidéos sur internet qui commençaient toujours pas la même phrase, « Privet, eto Navalny ! » (« Salut, c’est Navalny ») et accusaient de corruption l’élite du Kremlin ainsi que Vladimir Poutine lui-même. Rentré en Russie début 2021, Navalny avait été immédiatement arrêté sur ordre des autorités.

« Une des personnes en prison »

Interrogé en juin 2021 par une chaîne de télé américaine sur la possibilité qu’Alexeï Navalny puisse être libéré de prison en bonne santé, Vladimir Poutine avait déclaré s’attendre à « ce que la personne que vous mentionnez soit soumise aux mêmes traitements (…) que d’autres personnes en prison ». Et quand le journaliste avait mentionné le nom de Navalny, Vladimir Poutine a coupé court : « Vous pouvez l’appeler comme vous le voulez, il est une des personnes en prison ».

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