Quelles sont les chances d’Ursula von der Leyen de se succéder à elle-même?

Comme symbole de l’UE : 9/10

“Qui dois-je appeler si je veux parler à l’Europe?” C’est ainsi que plaisantait, dans un passé lointain, Ursula von der Leyen a annoncé lundi qu’elle était candidate à sa propre succession à la présidence de la Commission européenne. Comment s’est-elle comportée au cours de son quinquennat? Et quelles sont ses chances de décrocher un nouveau mandat à la tête de l’exécutif européen? Voici son bulletin de notes au Berlaymont.

 le secrétaire d’État américain Henry Kissinger, récemment décédé. Aujourd’hui, la réponse à cette question est claire et nette: c’est à Ursula von der Leyen qu’il faut passer un coup de fil. Ces dernières années, c’est elle qui a incarné l’UE. Bien plus que les chefs d’État et de gouvernement, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell ou le président du Conseil européen Charles Michel. Les relations entre l’Allemande et ces derniers sont précisément glaciales pour cette raison. L’ancien Premier ministre belge a souvent accusé sa collègue d’empiéter sur son terrain ainsi que celui de l’Espagnol. Avec un certain succès, d’ailleurs.

Pourtant, il était loin d’être évident qu’Ursula von der Leyen réussisse à devenir un symbole de l’UE. En Allemagne, elle fut une ministre de la Défense plutôt médiocre et elle n’a jamais réussi à se faire une place au sein de son parti, la CDU, malgré le soutien inconditionnel de l’ancienne chancelière Angela Merkel. Ses débuts à la Commission furent tout aussi hésitants.

Leadership et communication: 5/10

Arrivée dans cet environnement quelque peu hostile – elle a obtenu la confiance du Parlement européen de justesse (à neuf voix près) – von der Leyen s’est retirée au 13e étage du Berlaymont, à Bruxelles. La native d’Ixelles a alors opté pour un exercice solitaire et vertical du pouvoir, s’entourant presque exclusivement d’Allemands. D’ailleurs, sa communication se faisait – surtout au début, mais encore aujourd’hui – essentiellement par l’intermédiaire des médias allemands, ce qui lui a valu de nombreuses critiques. Tout comme son utilisation fréquente du “je” au lieu du “nous”.

Gestion de crise : 6/10

Mme Von der Leyen et ses partisans aiment à présenter son bilan en tant que “gestionnaire de crise”. De fait, elle a dû faire face successivement au covid, à la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui s’en est suivie. “Fournir des masques et des vaccins, et assurer l’unité européenne en pleine pandémie, voilà la grande réussite d’Ursula von der Leyen et de la Commission”, a félicité lundi le président de la CDU, Friedrich Merz.

L’Allemand a manifestement la mémoire courte (ou sélective, c’est selon). Début février 2021, Ursula von der Leyen a dû se rendre au Parlement européen pour rendre des comptes sur la politique vaccinale défaillante de l’UE. Face à une gestion catastrophique des commandes, les dirigeants européens ont décidé de confier le dossier à une task force dirigée par le commissaire européen français Thierry Breton. Ce dernier a travaillé en étroite collaboration avec le secteur industriel pour éliminer les goulets d’étranglement dans la chaîne de production et d’approvisionnement et augmenter la capacité de production. Rappelons également l’épisode du méga-contrat de vaccins négocié par SMS avec le patron de Pfizer, ce qui lui a valu une plainte au pénal pour “usurpation de fonctions et de titre”, de “destruction de documents publics” et de “prise illégale d’intérêts et corruption”.

Néanmoins, le pouvoir d’Ursula von der Leyen s’est clairement renforcé suite à ces différentes crises.

Mise en œuvre de son programme: 6/10

Dans son dernier discours sur l’état de l’Union, la présidente de la Commission a révélé qu’elle avait tenu 92 % de ses engagements annoncés en 2019: le Green Deal, la régulation des grands acteurs du numérique, la sécurité économique. Depuis, elle a également travaillé sur la réforme du marché de l’électricité, le pacte migratoire et les règles fiscales.

Le Green Deal – qui vise la neutralité carbone d’ici 2050 avec un objectif intermédiaire de réduction des gaz à effet de serre de 55 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2030 – était de loin son projet le plus important. Après la pandémie de coronavirus et la perte du gaz russe, ce pacte vert avait encore un nombre raisonnable de partisans. C’est nettement moins le cas aujourd’hui. Si les partis eurosceptiques se sont toujours battus contre le Green Deal, il se heurte désormais à une opposition de plus en plus forte. En mai dernier, Emmanuel Macron avait ainsi appelé à une “pause réglementaire.” En septembre, Ursula von der Leyen a traduit ce souhait du président français par “une nouvelle phase”. Début février, elle a toutefois présenté un nouvel objectif intermédiaire sur la route de 2050. Une manière de remettre le Green Deal au centre de la bataille électorale européenne et de sa propre campagne pour un second mandat. Et pour cause, elle ne peut tout bonnement pas renoncer à son principal fait d’armes politique.

Mais elle devra mettre de l’eau dans son vin. Son pays, l’Allemagne, est en récession, l’industrie allemande délocalise en raison des prix élevés de l’énergie et l’industrie automobile est à bout de souffle. Manfred Weber, président du Parti populaire européen (centre-droit) auquel appartient la CDU, veut annuler l’interdiction progressive des moteurs thermiques prévue pour 2035.

Chances de décrocher un nouveau manda: 90%

Elles sont énormes. En réalité, il n’y a pas vraiment de suspense. Faute de concurrence, Ursula von der Leyen sera officiellement désignée comme “Spitzenkandidat” lors du congrès du PPE début mars à Bucarest. De plus, le PPE a besoin de von der Leyen pour conserver la présidence de la Commission. Et elle a besoin de l’étiquette du parti pour conserver son poste: si le PPE sort vainqueur des élections comme le prévoient les sondages, elle se succédera à elle-même.

Il s’agira au mieux d’un mariage de raison. Ursula von der Leyen est trop progressiste et trop “verte” pour la droite européenne. Elle-même semble l’avoir compris. Ou du moins, elle fait semblant de l’avoir compris. Le Green Deal n’occupe plus la même place dans son esprit. Au lieu de cela, c’est la sécurité de l’UE qui sera désormais au centre des préoccupations. À la fin de la semaine dernière, à Munich, elle a notamment demandé la création d’un poste de commissaire à la Défense, qui serait responsable de l’industrie de la défense européenne. Un gros clin d’œil à Paris.

Dans sa quête d’un nouveau mandat, Ursula von der Leyen sera largement soutenue par la France, l’Allemagne ou encore l’Espagne. La voie est donc royale. Toutefois, les 27 États membres devront se mettre d’accord sur plusieurs postes à responsabilités (topjobs) après les élections européennes (dont celui de Charles Michel, qui partira en novembre), et des tensions peuvent toujours apparaître lors de telles négociations.

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