Présidentielle au Sénégal: à Richard Toll, le monde agricole face au changement climatique
(Source: Rfi)- Les Sénégalais vont aux urnes le 25 février prochain pour choisir un nouveau président de la République. D’ici là, nos correspondants sillonnent le pays pour aller à la rencontre des populations et saisir leurs préoccupations. La vallée du fleuve Sénégal, au Nord, est une terre fertile et très agricole qui doit faire face aux défis posés par le dérèglement climatique. La région vote en faveur de la majorité présidentielle, mais entend faire valoir ses griefs en matière agricole.
Calée contre le fleuve Sénégal et les canaux d’irrigation où prospère la canne à sucre, Richard Toll est une ville d’eau et d’agriculture. La région est connue pour l’activité sa grande entreprise sucrière, la CSS, implantée dans les années 70 et qui emploie jusqu’à 8 000 personnes en période de campagne. Beaucoup de jeunes se projettent dans les emplois manuels qu’elle propose, comme la coupe de la canne à sucre.
Il y a aussi le secteur du riz, central pour l’objectif de l’autosuffisance alimentaire, dans un pays où la plus grosse partie de cette céréale est encore importée. Mais on n’y est pas encore malgré les promesses du président.
La riziculture aussi fonctionne avec les bienfaits attendus de l’irrigation du fleuve. Sauf que ces dernières années, le changement climatique a apporté beaucoup trop d’eau pendant les hivernages et a causé des pertes pour les producteurs… « Il y a des pluies précoces qui entraînent une germination des graines matures, regrette Ousseynou Ndiaye, président du comité interprofessionnel du riz. Ces pluies entraînent aussi des difficultés sur le travail des sols. Les hausses de températures par ailleurs entraînent des pertes de germination qui baissent la productivité. » Ce spécialiste de la riziculture évalue les pertes sur la dernière campagne à 9 milliards de FCFA soit 13 millions d’euros.
Certains cultivateurs ont eu accès à des financements publics pour acheter des moissonneuses batteuses, mais celles-ci ne sont plus assez performantes. Les riziculteurs ont désormais besoin de moissonneuses à chenilles pour travailler sur les terres humides.
Une région fidèle à la majorité présidentielle
Dans le département, on produit aussi de la tomate, de l’oignon, ou encore de l’igname et de la patate douce au bord du lac de Guiers. Les cultivateurs concernés sentent eux aussi l’impact du changement climatique : « Les saisons ont beaucoup changé, explique Moustapha Gueye, cultivateur de 5 ha de tomates et membre d’un comité de concertation. Nous avons du mal à planifier la culture. Maintenant on voit la chaleur qui passe dans des moments inattendus. Il y a les maladies qui sévissent à tout moment. »
Tous les producteurs rencontrent par ailleurs cette année un problème d’accès aux fertilisants. « Jusqu’à présent, il y a des gens qui n’ont pas eu d’engrais. Seuls les bénéficiaires de la banque agricole ont eu un peu d’engrais. » Explication des fournisseurs d’engrais aux agriculteurs : des dettes impayées de l’État. Les cultivateurs se plaignent aussi des problèmes d’accès aux crédits.
Sur le plan politique, la coalition du président Macky Sall, Benno Bok Yakaar, est aux commandes des deux grandes villes du département. Le maire de Richard Toll, c’est Amadou Mame Diop, qui est avec Macky Sall depuis la création de l’APR en 2008 et qui est président de l’Assemblée nationale depuis octobre dernier. Il avait accueilli le Premier ministre Amadou Ba, candidat de la majorité, lors d’une visite, en le rassurant et en lui disant : « on a toujours gagné dans ce département ». Dagana est tenue par Oumar Sarr, également ministre des Mines. Il a son propre parti, mais a aussi rejoint la coalition Benno Bokk Yakar. Les difficultés et les défis auxquels fait face le monde agricole de la région n’ont pour l’instant pas modifié les équilibres politiques locaux.