Immigration: réunion aigüe et tendue
Elisabeth Borne, qui a repris le choses en main depuis le vote de la motion de rejet en forme de camouflet pour Gérald Darmanin, y met de la bonne volonté mais rien n’est gagné. La Première ministre a donné des signes de son désir de conciliation avec les Républicains qui gardent le rôle de faiseurs de loi puisqu’ils pèseront numériquement dans la commission mixte paritaire.
Elle a enchaîné les réunions avec les représentants la majorité et du parti de droite et cela va continuer jusqu’à dimanche soir où un ultime rendez-vous est prévu : après avoir reçu à deux reprises les dirigeants de la droite, la Première ministre a exposé jeudi à ses ministres puis à sa majorité les « grands équilibres » du texte susceptible d’être discuté lundi par les sept sénateurs et sept députés de la Commission mixte paritaire (CMP), ont rapporté plusieurs ministres. Les trois groupes de la majorité (Horizons, présidé par Edouard Philippe, Renaissance et MoDem) se sont réunis jeudi soir en sa présence, sans beaucoup avancer. « Beaucoup ont dit à la Première ministre qu’ils réservaient leur vote », en attendant de savoir sur quoi ils devront se prononcer, selon une participante.
Changement de ton à l’égard des Républicains
Du côté des Républicains, après des mots très durs sur l’attitude des LR en début de semaine, la parole du gouvernement s’est adoucie pour essayer de les amener à la conciliation, rapporte Valérie Gas, du service politique de RFI.
En mission communication ce matin sur France info, le ministre des Relations avec le Parlement, Franck Riester, a ainsi affirmé qu’on pouvait leur faire « confiance ». « Ils ne nous mentent pas », a-t-il ajouté. Un autre membre du gouvernement est d’ailleurs convaincu qu’il faut plus « d’humilité » et explique que le président « a demandé à la majorité de faire des efforts », autrement dit des concessions pour qu’un accord soit possible…
L’enjeu, c’est que la CMP – qui doit de réunir lundi à 17h – aboutisse à un compromis acceptable aussi par la majorité et ainsi éviter le crash total. En cas de compromis sur un nouveau texte, le vote des deux chambres du Parlement aurait lieu dès mardi. En cas de rejet, le projet de loi serait abandonné, Emmanuel Macron ne souhaitant pas passer en force par un 49.3.
(et avec agences)
La CMP comment ça marche ?
Rouage parlementaire peu connu, la Commission mixte paritaire, composée de représentants des députés et des sénateurs, peut être convoquée en cas de désaccords entre les deux chambres sur un projet de loi. La CMP a alors pour mission de bâtir, à huis-clos et sans représentant du gouvernement, un texte de compromis.
Ses membres sont désignés par les groupes politiques. En plus des présidents des commissions des Lois – en l’occurrence le député Sacha Houlié (Renaissance) et le sénateur François-Noël Buffet (LR) -, l’usage veut que les rapporteurs principaux du texte soient membres des CMP, où ils jouent un rôle clé. En l’occurrence, le député Renaissance Florent Boudié et les deux corapporteurs du Sénat Muriel Jourda (LR) et Philippe Bonnecarrère (centriste).
La composition de la CMP tient compte de l’équilibre politique des chambres. Cela donne à l’Assemblée, trois députés Renaissance et un MoDem pour le camp présidentiel, un Rassemblement national (RN), un Insoumis et un LR titulaires parmi les oppositions. Sachant qu’un groupe peut céder sa place de titulaire à un suppléant d’une formation alliée. Au Sénat, dominé par la droite, les LR sont en position de force, avec trois titulaires et un sénateur de leur groupe allié, l’union centriste. Un Macroniste et deux socialistes complètent le tableau.
Sur le texte immigration, l’Assemblée n’ayant adopté aucun texte en séance, la base de travail sera forcément le texte adopté en première lecture au Sénat, qui avait largement durci la copie initiale du gouvernement. Si la CMP parvient à un texte commun, le gouvernement peut alors décider, ou pas, de le soumettre à des votes finaux successifs dans les deux chambres. En cas de feux verts des deux côtés, la loi peut être promulguée. Mais si l’une ou l’autre chambre vote contre le compromis, le gouvernement peut laisser la « navette parlementaire » reprendre son cours. En cas d’échec, c’est la Chambre basse qui aura le dernier mot. Si les députés ne pourront y ajouter de nouveaux articles, ils auront ne large marge de manoeuvre pour en supprimer ou en réécrire.
(avec AFP)