Croissance économique: La Banque mondiale montre la voie à suivre pour éviter une «décennie perdue» en Afrique
Les perspectives économiques pour l’Afrique subsaharienne restent moroses alors que la reprise de la croissance se fait attendre. Selon la dernière édition du rapport Africa’s Pulse de la Banque mondiale, l’instabilité grandissante, la croissance anémique des principales économies de la région, associées à l’incertitude persistante qui caractérise l’économie mondiale entraînent les perspectives de croissance régionale à la baisse.
La croissance économique en Afrique subsaharienne devrait ralentir à 2,5 % en 2023, après les 3,6 % de 2022. Le PIB d’Afrique du Sud devrait croître de 0,5 % seulement en 2023 du fait des congestions affectant les secteurs de l’énergie et des transports. Le Nigéria et l’Angola devraient afficher une croissance de respectivement 2,9 % et 1,3 %, du fait de la baisse des cours internationaux et des pressions sur les devises affectant les secteurs pétrolier et non pétrolier. L’augmentation des conflits et de la violence dans la région pèse sur l’activité économique et cette hausse de la fragilité risque d’être encore exacerbée par les chocs climatiques. Au Soudan, l’activité économique devrait se contracter de 12 % en raison du conflit interne qui a entraîné l’arrêt de la production, une destruction de capital humain et l’effritement des capacités de l’État.
La croissance par habitant en Afrique subsaharienne n’a pas connu de progression depuis 2015. En fait, la croissance régionale devrait ralentir à un taux moyen par habitant de 0,1 % pour la période 2015-2025. Un niveau qui pourrait ainsi marquer une décennie perdue en matière de croissance suite à l’effondrement du prix des matières premières de 2014-2015.
« Ce sont les populations les plus pauvres et vulnérables de la région qui continuent à supporter le coût économique de ce ralentissement, la faiblesse de la croissance affectant le rythme de la réduction de la pauvreté et la croissance de l’emploi, » explique Andrew Dabalen, économiste en chef de la région Afrique de la Banque mondiale. « Le nombre de jeunes Africains entrant chaque année sur le marché de l’emploi représentant jusqu’à 12 millions de personnes à travers la région, il est plus urgent que jamais pour les décideurs politiques de transformer leurs économies et d’amener la croissance à leurs populations à travers de meilleurs emplois. »
Malgré des perspectives moroses, quelques points positifs sont à noter. L’inflation devrait baisser pour passer de 9,3 % en 2022 à 7,3 % en 2023 et l’équilibre budgétaire progresse dans les pays d’Afrique appliquant des politiques macroéconomiques prudentes et concertées. En 2023, la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) devrait connaître une croissance de 4,9 % tandis que l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) devrait croître de 5,1 %. Cependant, le surendettement reste répandu avec 21 pays exposés à un risque élevé de surendettement ou surendettés en juin 2023.
Dans l’ensemble, les taux de croissance actuels à travers la région ne sont pas suffisants pour créer assez d’emplois de qualité et répondre à l’augmentation de la population en âge de travailler. Les schémas de croissance actuels ne créent que 3 millions d’emplois formels par an, laissant ainsi de nombreux jeunes sous-employés et dépendant d’emplois occasionnels, partiels et précaires qui ne leur permettent pas de tirer pleinement parti de leurs compétences. La création d’opportunités d’emploi pour la jeunesse entraînera une croissance inclusive et transformera l’essor démographique du continent en un dividende économique.
« L’opportunité considérable que représentent les transitions démographiques observées dans d’autres régions souligne l’urgence du défi de l’emploi en Afrique subsaharienne, » explique Nicholas Wooley, économiste à la Banque mondiale, qui a contribué au rapport. « Pour relever ce défi, il est nécessaire de développer un écosystème facilitant le développement du secteur privé et la croissance des entreprises, ainsi que le développement de compétences qui répondent à la demande des entreprises. »
Le développement d’une industrie manufacturière à forte intensité de main d’œuvre semble manquer en Afrique, ce qui limite davantage les effets en matière de création d’emploi indirect dans les services de soutien et le commerce international, fait constater le document, qui rappelle que ceci s’expliquerait notamment par le manque de capital, qui continue à entraver la transformation structurelle nécessaire à la création d’emplois de qualité. Alors que la région représente 12 % de la population active mondiale, l’Afrique subsaharienne ne possède que 2 % du stock de capital mondial. Cela implique que les habitants d’Afrique subsaharienne ne disposent pas d’autant d’actifs leur permettant d’être aussi productifs que dans d’autres régions.
Le rapport identifie une série de politiques visant à dépasser les obstacles et stimuler la création d’emplois en Afrique subsaharienne, notamment « Des réformes efficientes du secteur privé orientées vers une concurrence accrue, l’application uniforme de politiques, quelle que soit la taille des entreprises, et l’alignement des réglementations entre partenaires commerciaux régionaux. La réglementation de la concurrence en est encore à ses débuts sur le continent, cependant les gouvernements peuvent également contribuer à identifier et soutenir la croissance d’entreprises en phase de démarrage, grâce à des pratiques de passation de marchés plus inclusives et à la promotion d’entreprises locales à l’étranger; l’investissement dans l’éducation est nécessaire pour stimuler les métiers semi-spécialisés dans la région. Les interventions améliorant l’apprentissage scolaire se révèlent plus efficientes que celles se concentrant seulement sur l’assiduité scolaire, tandis que l’enseignement professionnel peut-être utile pour s’attaquer au sous-emploi et répondre aux besoins des personnes n’ayant pas bénéficié d’éducation lorsqu’ils étaient enfants et l’éducation des filles et l’accès des femmes à l’emploi peut réduire les pertes potentielles de productivité associées à la mauvaise affectation de la main d’œuvre féminine. Les transferts monétaires se sont révélés efficaces pour accroître les inscriptions et l’assiduité des filles à l’école, ainsi que pour réduire les grossesses chez les jeunes filles d’âge scolaire ».