L’accord gazier entre l’Europe et l’Azerbaïdjan à l’épreuve de la crise du Haut-Karabakh

Après une attaque éclair contre l’enclave arménienne, l’Azerbaïdjan cherche à reprendre la main sur le territoire du Haut-Karabakh. L’Union européenne a condamné l’opération militaire déclenchée par la république gazière. Malgré un gros caillou dans la chaussure diplomatique de l’UE : les 27 ont passé un accord énergétique avec Bakou.

Cet accord controversé dès sa signature a été négocié par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. C’est une conséquence directe de la guerre russe en Ukraine. L’Azerbaïdjan fait partie des pays qui ont rempli le vide laissé par la fin des exportations de Gazprom. Entre 2021 et 2022 les livraisons de gaz de la république caucasienne vers l’Europe ont bondi de 30%. Via le gazoduc reliant les rives de la mer Caspienne à l’Italie en passant par la Turquie. Les 27 sont aujourd’hui ses premiers clients. Pour sécuriser, pérenniser cette source d’approvisionnement, Ursula von der Leyen est allée à Bakou signer un protocole d’accord en juillet 2022. L’Azerbaïdjan promet alors de doubler ses livraisons d’ici 2027. En clair de fournir 20 milliards de mètres cubes de gaz, cela représente 5% de la consommation actuelle de l’UE.

Une promesse qui parait intenable selon les experts

C’est l’avis en tout cas défendu par le magazine britannique The Economist comme par les universitaires de l’Institut d’Oxford pour les Études énergétiques qui ont fait un rapport sur le sujet. Cette promesse parait hors d’atteinte, d’abord parce que la demande locale va continuer à augmenter dans les prochaines années tandis que la production gazière de l’Azerbaïdjan sera à la traîne. Le Français TotalEnergies vient d’inaugurer la mise en production du champ d’Absheron. Il produira 5 milliards de mètres cube de gaz en 2027, soit la moitié des 10 milliards supplémentaires promis à l’UE. On ne voit pas à ce jour d’où vont venir les 5 autres milliards manquants, étant donné les incertitudes sur l’évolution des gisements en exploitation. À moins que des investissements rapides ne soient effectués pour doper la production, ce qui n’est pas d’actualité.

Autre obstacle : le gazoduc qui dessert actuellement l’Europe est insuffisant

Le TAP, Trans Adriatic Pipeline, qui dessert la Grèce puis l’Italie tourne déjà à pleine capacité. Pour doubler ses livraisons, l’Azerbaïdjan doit donc doubler son débit. Cela passe par un investissement colossal, qui doit être décidé au plus tard cette année afin que l’ouvrage soit opérationnel d’ici quatre ans. Enfin ce gaz azerbaïdjanais n’est pas donné. Il coûte trois fois plus cher que le gaz algérien. À toutes ces réserves sur le modèle économique de cet accord, s’ajoute une réserve liée aux objectifs climat. Si l’UE diminue sa consommation de gaz pour réduire ses émissions de carbone, les investissements nécessaires pour garantir l’acheminement depuis l’Azerbaïdjan sont-ils vraiment opportuns ?

Un accord donc discutable sur le plan économique, et très critiqué sur le plan politique

Notamment parmi la classe politique française. De droite comme de gauche, tous ceux qui soutiennent la cause arménienne avaient signé une tribune en 2022 pour mettre en garde contre les risques géopolitiques qu’il comporte. Les évènements de ces derniers jours leur donnent raison. C’est avec les revenus gaziers que le régime de Ilham Aliev achète les armes employées contre les Arméniens. En dopant ses importations de gaz azeri, les 27 ont donc indirectement financé cette guerre. Ensuite les Européens s’exposent à consommer in fine du gaz russe. Etant donné que la production actuelle des puits de la mer Caspienne est incapable de couvrir et la demande domestique et la demande externe, Bakou a passé un contrat avec Gazprom pour assurer tous ses engagements. Au Parlement européen certains élus ont protesté mardi, demandant des sanctions contre Bakou. Une menace qui n’effraie pas vraiment le président Aliev : il peut compter sur l’appui de ses clients et alliés, comme la Hongrie et de l’Italie.

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