Comment la Russie manipule les pages Wikipédia sur la guerre en Ukraine
L’une des pages de la version anglophone de Wikipédia les plus visitées de l’année au Royaume-Uni est celle dédiée au conflit entre l’Ukraine et la Russie. Mais selon une étude conduite par deux groupes de réflexion britanniques, cette page a été vandalisée à de nombreuses reprises afin de mettre en avant un discours pro-russe.
Depuis plusieurs années, les « wikipédiens » bénévoles chargés de rédiger et de contrôler la véracité des informations dans les articles en ligne sont confrontés aux velléités des gouvernements, des entreprises et même des personnalités désirant modifier à leur avantage le contenu des pages de Wikipédia. Ces pratiques pourtant formellement prohibées par la charte d’utilisation de l’encyclopédie, sont dénommées « caviardages », en référence à un terme hérité de la presse papier, quand la censure d’État, autrefois, recouvrait d’encre noire certains articles.
La Russie, depuis le début de son invasion en Ukraine semble user et abuser de cette méthode de désinformation en se concentrant actuellement sur la version anglophone de Wikipédia. Comme le prouvent les chercheurs de l’Institut pour le dialogue stratégique et le Centre d’analyse des médias sociaux qui viennent de publier le résultat de leurs investigations démontrant que la page consacrée au conflit ukrainien a bien été victime de manipulation.
De multiples modifications, des éditeurs bannis
Ces trolls à la solde de Moscou sont responsables de 681 modifications de l’article consacré à la guerre en Ukraine, précise l’étude. Un caviardage qui a obligé, par ailleurs, les administrateurs de l’encyclopédie à bannir 89 éditeurs de la page, puis à annuler leurs modifications. Ils ont été exclus pour avoir « violé les règles de Wikipédia en s’adonnant à du vandalisme, des abus et des attaques personnelles, pour violation de la propriété intellectuelle, et pour corruption », révèle l’étude des deux groupes de réflexion britanniques.
Ces influenceurs pro-Kremlin publiaient et corrigeaient l’article de la page en introduisant systématiquement des liens vers des médias en ligne de la Russie. Ils ont aussi supprimé des passages entiers de texte pour décrédibiliser les sources « pro-occidentales », tout en faisant paraître les discours émanant de Moscou comme plus honnêtes. Une désinformation caractérisée qui mettait également en avant la vision historique erronée de la grande Russie telle que se plaît à l’imaginer Vladimir Poutine.
Ces caviardeurs ont modifié d’autres pages du Wikipédia britannique. Les autres articles remaniés concernaient l’Irak, la Libye, l’organisation terroriste de l’État islamique ou encore les pages des compagnies aériennes interdites de survol de la Russie. Ce n’est pas la première fois que cette propagande russe s’abat en ligne. Les influenceurs pro-Poutine ont déjà investi les sites web de jeux vidéo permettant aux « gamers » de communiquer entre eux lors d’une partie. Leurs nombreux commentaires rédigés à la gloire de Vladimir Poutine tentent de présenter le président russe comme un « chad », c’est-à-dire comme un homme fort, viril et qui en impose, traitant, au passage, les Ukrainiens et leur chef d’État de « nazis ».
SOURCE RFI