Dans le silence assourdissant du «Diola»: Un hommage d’impuissance a ces milliers de morts et de victimes

Dans quelques jours, le 26 septembre sera encore là pour rappeler au monde, une des séquences les douloureuses de la vie de notre nation voire de toute l’histoire de notre humanité, l’anniversaire du naufrage du bateau LE DIOLA. Les Sénégalais devront encore une fois baisser la tête et pleurer leurs morts? dont plus de 2000 sont restés au fond de l’océan dans la coque déchirée que recouvre peu à peu la vase marine d’une houle pudique, caressante et compatissante.

Ici et là, dans quelques cimetières, des restes d’indignés ou de familles de victimes iront prier sur des tombes anonymes ou sur celles dont les corps ont été identifiés? mais toujours en pensant à ces milliers d’autres dont on ne sait rien, sinon qu’elles ont disparu dans le bleu océan ou échu quelque part sur des rivages inconnus de l’Atlantique.

Non ! Non ! je ne dirais rien de l’histoire de ce bateau qui a fait naufrage, une nuit de jeudi à vendredi. Non ! Je ne rappellerais pas cette nuit d’orage et de ténèbres, de souffrance et d’agonie, de vents et de vagues, cette nuit longue qui s’est inscrite pour l’éternité dans les pages honteuses de l’histoire de notre pays. Je ne saurais également reprendre la complainte encore actuelle des familles, des pères, mères, épouses, frères, sœurs et enfants orphelins. Je ne veux surtout pas rappeler tout ce qui devait être dit et qui n’a pas été dit, tout ce qui devait être fait et qui n’a pas été fait.

Mais comme chaque année, en ce jour anniversaire, les Sénégalais d’honneur, de dignité et d’humanité, sont debout, les yeux fermés, les bras ballants d’impuissance, le cœur battant d’amertume et les oreilles agressées du silence assourdissant qui recouvre les milliers de cris mouillés de femmes, d’enfants et d’hommes gisant au fond de la mer. Des Sénégalais qui se souviennent encore parmi d’autres Sénégalais, qui perdent peu à peu leur devoir de mémoire à travers l’indifférence montante et la démobilisation progressive à l’endroit de cette catastrophe, dont nous portons tous la responsabilité et dont plus sensiblement, nous perpétuons les causes par nos manières d’être et de nous comporter… et d’abord, contre nous-mêmes.

Et que puis-je dire à ces familles qui saignent d’une plaie qui ne guérira jamais, à ces enfants qui se rappellent ou qui ne connaissent pas le père ou la mère disparus dans ce naufrage, à cette épouse seule dans son lit et étouffant ses sanglots nocturnes avec l’oreiller vieilli mais conservé tel que pour la dernière fois, il avait porté la tête du mari et du père des enfants qui chuchotent dans la chambre d’à côté ?

Rien. Aucune réponse n’est plus en effet possible aujourd’hui, qu’ils sont et resterons pour toujours une présence interpellative et douloureuse dans le siège meurtri de notre conscience collective et dans une séquence honteuse inscrite à jamais dans l’histoire de notre pays, le Sénégal. Sauf peut être à accepter avec humilité et respect, que seul Allah Souhanahou Waa talaa, juge suprême, reste le refuge et le recours pour tous ceux qui comme moi, ne savent plus quoi dire ou faire pour ces milliers de victimes de la bêtise et de l’absurdité, de l’insolence et de l’arrogance, érigées en mode de gouvernance publique dans notre pays. Demain, il fera jour.

Par Pape Massène Seck

LERAL

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