Menaces d’embrasement dans le nord du Mali: des clés pour comprendre

Avec la reprise des hostilités par les groupes séparatistes du nord et après avoir poussé dehors les forces françaises et onusiennes, l’armée malienne se retrouve, avec ses partenaires russes, face à un adversaire de plus sur un vaste territoire dont une grande partie échappe à son contrôle. Des clés pour comprendre.

Que s’est-il passé mardi ?

Des groupes armés à dominante touareg partisans de l’indépendance ou de l’autonomie du nord du Mali ont attaqué des positions de l’armée à Bourem. C’est la première opération d’ampleur revendiquée par ces groupes, signataires d’un accord de paix en 2015, après des mois de tensions. 
L’armée a repris ses positions. Les deux camps livrent des versions diamétralement opposées et difficilement vérifiables quant au bilan et au vainqueur. L’armée dit que 10 de ses soldats sont morts et qu’elle a « neutralisé » 46 « terroristes ». 
Les groupes armés disent eux avoir tué 97 soldats, en avoir capturé 5 et avoir perdu 9 hommes. Cette opération ressemble fort à une reprise ouverte des hostilités et à la fin de l’accord de 2015. 

Qui sont les acteurs ?
Le principal protagoniste du côté de la rébellion est la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), alliance de groupes armés à dominante touareg, population traditionnellement nomade qui s’est soulevée à plusieurs reprises depuis 1962. Ces groupes ont repris les armes en 2012 pour l’indépendance ou l’autonomie. Après un cessez-le-feu en 2014, la CMA a signé en 2015 avec le gouvernement et des groupes loyalistes qui combattaient à ses côtés l’accord de paix dit d’Alger, aujourd’hui moribond.
 L’insurrection de 2012 a ouvert la voie à des groupes armés liés à Al-Qaïda qui ont conquis l’essentiel du nord, déclenchant une intervention militaire de la France et plongeant le Sahel dans la guerre dont les victimes se comptent par milliers. 
Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, opère sur une large partie du territoire, au nord, dans le centre, et jusque dans la périphérie de la capitale. Au nord-est, les groupes affiliés à l’organisation Etat islamique ont étendu leur emprise sur la quasi totalité des cercles administratifs de la région de Ménaka. « Une grande partie du nord du pays est tombée sous la domination de fait de groupes islamistes militants », dit le think-tank américain Centre d’études stratégiques de l’Afrique.
 Après le double putsch de 2020 et 2021, la junte malienne a poussé vers la sortie la force antijihadiste française en 2022 et la force de l’ONU (Minusma) en 2023. Elle est largement considérée s’être adjoint les services de la société paramilitaire russe Wagner, malgré ses démentis.

 Quel effet le retrait de la Minusma a-t-il ? 
Le retrait des Casques bleus doit s’achever d’ici au 31 décembre. La Minusma était communément critiquée pour sa contribution jugée insuffisante à la lutte contre le jihadisme. Elle était cependant seule capable de s’interposer entre les indépendantistes touareg et l’armée malienne. 
Son départ progressif passe pour avoir contribué à l’escalade au nord. La Minusma remet ses camps aux autorités maliennes. Mais dans la lutte territoriale en cours, les séparatistes estiment que les emprises onusiennes devraient revenir sous leur contrôle. Le sujet deviendra encore plus brûlant d’ici à fin 2023 avec le camp de Kidal, ville bastion des Touareg.

 Quelles sont les dynamiques ? 
GSIM et groupes affiliés à l’Etat islamique combattent l’armée. Ils se gardent d’attaquer les agglomérations mais se disputent mutuellement les ressources (points d’eau, mines d’or, taxation des populations) au prix de combats sanglants et de déplacements massifs de populations. Les groupes à dominante touareg se battent contre les jihadistes et, à nouveau semble-t-il, l’armée. 
Dans cet enchevêtrement se tissent des alliances. La question d’une alliance de circonstance entre indépendantistes et GSIM est posée. « Il peut y avoir des alliés circonstanciels, temporaires, qui vont s’affronter demain. Notre véritable ennemi, ce sont les FAMA », forces armées maliennes, assure un cadre d’un groupe armé sous couvert de l’anonymat, tout en réfutant toute collaboration avec les jihadistes. 

 Quelles perspectives ?
La junte au pouvoir à Bamako a fait de la reconquête du territoire son mantra et privilégie l’option militaire. Malgré la maîtrise aérienne, l’ouverture d’un front supplémentaire risque de mettre à l’épreuve une armée déjà étirée en même temps que les assurances de la junte de redressement de la situation sécuritaire. 
 « Le Mali est en passe de subir plus de 1.000 événements violents impliquant des groupes islamistes militants en 2023, ce qui éclipserait les niveaux de violence record de l’année dernière et représenterait une multiplication par presque trois par rapport au moment où la junte a pris le pouvoir en 2020 », dit le Centre d’études stratégiques de l’Afrique.

Source – AFP

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