L’Union africaine sur le point d’obtenir sa place à la table du G20
Selon Bloomberg, le G20 qui se réunit ce week-end en Inde a décidé d’accorder le statut de membre permanent à l’Union africaine, équivalent à celui de l’Union européenne. Attendue de longue date, cette intégration devrait permettre au continent d’être mieux représenté dans les instances internationales et de peser sur l’évolution du système financier mondial.
C’est un jalon historique dans la refonte de la gouvernance mondiale. Le G20 a décidé d’accorder le statut de membre permanent à l’Union africaine (UA), a rapporté jeudi 7 septembre l’agence de presse Bloomberg, citant des sources proches du dossier.
Cette décision offrirait à l’Union africaine le même statut que l’Union européenne (UE), actuellement considérée comme une « organisation internationale invitée ».
Aujourd’hui, seul un pays africain, l’Afrique du Sud, est membre du G20, forum intergouvernemental rassemblant 19 des plus importantes économies de la planète, plus l’Union européenne, soit 85 % du PIB mondial, les deux tiers de la population du globe et 75 % du commerce à l’échelle de la planète.
Interrogé par Reuters, le porte-parole de la présidence sud-africaine, qui soutient l’intégration de l’UA, s’est toutefois refusé à confirmer l’information. « Nous ne ferons aucun commentaire avant l’annonce officielle ou après le sommet », a déclaré Vincent Magwenya.
Si l’intégration africaine se confirme, Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine depuis janvier 2017, devrait représenter le continent dans le club des pays les plus riches de la planète.
« Une clé des rapports de force internationaux »
Cette arrivée des pays du continent au sein du G20 est loin d’être une surprise et semblait faire consensus ces derniers mois. Plusieurs membres influents, dont l’Inde ou encore les États-Unis, s’y sont dits favorables.
« Nous sommes impatients d’accueillir chaleureusement l’Union africaine en tant que membre permanent du G20 », a déclaré mardi le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, ajoutant : « Nous pensons que la voix de l’Union africaine rendra le G20 plus fort. »
Lors du dernier sommet du forum qui s’est tenu à Bali en novembre dernier, le président en exercice de l’UA Macky Sall avait rappelé la « juste ambition » de l’Afrique dans sa quête d’une meilleure représentation dans les instances internationales.
« L’Afrique […] est la huitième puissance économique par son PIB, possède plus de 60 % des terres arables avec une population estimée à près de 2,5 milliards d’ici 2050 », avait fait valoir le président sénégalais.
Basée à Addis-Abeba, capitale de l’Éthiopie, l’UA, qui compte 55 pays membres, totalise 3 000 milliards de dollars de PIB. Mais au-delà de son poids démographique et financier, l’Afrique représente également un enjeu géopolitique majeur qu’il n’était plus possible d’ignorer, estime Jean-Joseph Boillot, conseiller à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste des économies émergentes.
« Avec ce qu’il se passe au Niger et ailleurs, il y a ce sentiment que l’Afrique est aussi devenue une clé des rapports de force internationaux et qu’il faut éviter qu’elle ne bascule à 100 % du côté des pays du Sud, en particulier de la Chine et de la Russie », juge l’expert, selon qui les coups d’État successifs au Niger et au Gabon ont accéléré la décision du G20.
Lutter contre le piège de la dette
Grâce à ce nouveau statut, l’Afrique aura désormais voix au chapitre pour peser sur l’agenda du groupe et faire valoir les intérêts économiques du Sud.
« Cela va mettre l’accent sur la question du développement économique et social et de la justice climatique par rapport à celle de la stabilité financière mondiale, prédit Jean-Joseph Boillot, qui évoque un « rééquilibrage ».
L’arrivée des pays africains devrait notamment permettre de revitaliser les Sustainable Development Goals (SDG) ou Objectifs de développement durables, définis lors de la Conférence des Nations unies Rio+20 en 2012, mais qui accusent de sérieux retards.
Par ailleurs, la présence de l’UA à la table du G20 devrait aussi faciliter la captation des flux financiers mondiaux, notamment à travers la Banque africaine pour le développement, alors que de nombreux pays du continent, fragilisés par la hausse des taux d’intérêts, croulent sous une dette abyssale.
Cela permettra à l’Afrique de se repositionner sur les flux de financements multilatéraux et de l’aide au développement et d’échapper à la trappe de la dette qui est clairement aujourd’hui une menace pour un bon tiers des pays africains », analyse Jean-Joseph Boillot.
L’antichambre du Conseil de sécurité ?
Cette nouvelle place accordée à l’Afrique au sein des instances internationales pourrait également apporter de l’eau au moulin aux partisans de l’entrée du continent parmi les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU.
En mars 2023, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait déclaré lors d’un sommet de l’UA à Addis-Abbeba que « la plus grande injustice au Conseil de sécurité est l’absence d’un État africain en tant que membre permanent ».
En juillet 2005, les dirigeants africains ont soumis à l’Assemblée générale une proposition commune africaine pour la réforme des Nations unies intitulée « Le Consensus d’Ezulwin. Un texte dans lequel l’UA réclame pour l’Afrique deux nouveaux sièges permanents avec droit de veto et cinq sièges non permanents.
Mais ce processus complexe et incertain n’a presque pas avancé en deux décennies. Pour être validée, cette réforme devrait être proposée lors d’un vote de l’Assemblée générale de l’ONU et ratifiée par tous les membres permanents du Conseil de sécurité.
Autre difficulté : la concurrence du Brésil, de l’Inde ou encore du Japon. Se pose enfin la question du pays qui aura la charge de représenter l’Afrique : entre le Nigeria, l’Égypte et l’Afrique du Sud, aucun ne fait consensus pour le moment.
« Cependant, l’intégration de l’UA au sein du G20 fait partie de ces petites gouttes qui contribuent à redessiner l’architecture mondiale dans son ensemble », fait valoir Jean-Joseph Boilllot. « On a actuellement une fabrique de nouvelles normes internationales qui visent à éviter que le monde ne se ‘démondialise’ ou ne se désintègre. La question de l’élargissement du Conseil permanent sera donc de nouveau posée. »
France 24