La Russie est pourtant prudente en Afrique de l’Ouest.

La Russie cherche à échapper à l’isolement international consécutif à son invasion de l’Ukraine et se tourne vers une Afrique de plus en plus encline aux alternatives de coopération. Ça tombe bien, chacune des parties semble avoir à offrir ce que l’autre cherche. Mais encore à quel prix et quelles conditions, pour ne pas reprendre le modèle que le continent a développé avec ses partenaires historiques en 60 ans et jugé jusqu’ici « déséquilibré »? Et comment appréhender une Russie calculatrice et assez prudente et qui ne répond pas aveuglément aux « appels » des juntes militaires au pouvoir dans au moins quatre pays de la CEDEAO ?

Partenariat économique dans les secteurs de matières premières comme l’agriculture et les hydrocarbures les transports et la numérisation, fourniture d’armes et coopération militaire… En voilà quelques axes qui font de la Russie un partenaire stratégique et séduisant pour les pays africains. De la coopération étroite et de plus en plus inconfortable entre les États africains et leurs anciennes colonies (européennes pour la majorité), la Russie, tout comme la Chine, le Brésil ou la Turquie, offrent de nouvelles alternatives bilatérales.

Vers la réinvention des relations internationales entre l’Afrique et le reste du monde.

Dans une Afrique toujours à la traine qui cherche à s’affranchir des chaînons des derniers vestiges du colonialisme, la Russie se pose en alternative. Elle offre aux pays africains – de plus en plus exigeants et enclins à un rééquilibrage des rapports – la possibilité de remettre en question les contenus et modes de coopération avec leurs partenaires historiques. Le simple fait de « brandir » la Russie ou de laisser supposer la possibilité d’une réorientation des relations extérieures fait monter les enchères et ou donne en perspective une alternative face aux partenaires historiques, alertés sur le fait qu’ils doivent se remettre en question ou de réinventer le modèle jusqu’ici utilisé. 

A ce jour, la Russie développe une coopération en majorité commerciale avec une quarantaine de pays africains pour un volume d’échanges estimé 14 milliards de dollars. À titre de comparaison, la valeur du commerce africain avec l’UE, la Chine et les États-Unis est respectivement de 295 milliards, 254 milliards et 65 milliards de dollars. Pourtant, plus de 70 % de l’ensemble du commerce russe avec l’Afrique se concentre principalement dans quatre pays : l’Égypte, l’Algérie, le Maroc et l’Afrique du Sud. Les exportations russes vers l’Afrique sont 7 fois supérieures aux exportations africaines vers la Russie, ce qui les différencie des portefeuilles commerciaux plus équilibrés des principaux partenaires commerciaux de l’Afrique. Les exportations africaines vers la Russie ne représentent que 0,4 % du total de l’Afrique et se composent principalement de produits frais.

Le capital-sympathie de la Russie ne cesse de se développer dans l’essentiel des pays du continent, de surcroît en proie à des coups d’État et autres troubles terroristes, géostratégiques et politiques. Cet aura russe est dû aussi au ras-le-bol notés dans les relations Afrique-Europe occidentale, jugées saugrenues et émanent des vestiges de la …francafrique.

Une Russie stratége et très prudente.

La Russie est très calculatrice et ne donne  pas aveuglément de retour (officiel) aux appels du pied des juntes ouest-africaines. Elle ne veut pas heurter la sensibilité d’ « alliés stratégiques », ciblés pour leur stabilité, leur puissance économique et militaire (Nigéria, Ghana, Côté d’Ivoire, Sénégal qui sont les premières économies et quatre premières puissances militaires de la CEDEAO).

La diplomatie est stratégique. Par exemple comme premiers alliés, lesquels de ces pays la Russie choisirait en premier : Sénégal, Niger, Côté d’Ivoire, Nigéria, Ghana, Burkina Faso, Guinée ?

Sûrement pas le Niger, le Mali ou encore le Burkina Faso!

En Diplomatie, seuls les intérêts comptent. La Russie veille à ne pas heurter la sensibilité du Nigéria, du Ghana, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, pour les caractéristiques précitées. Qu’ils soient démocratiques ou pas, peu importe pour le Kremlin. La démocratie n’est pas un critère primordial pour la Russie qui est loin d’être – il faut le dire – un « pays moralisateur » comme la France ou encore les Etats Unis. Et puis, la stratégie Russe est d’ « amadouer » ces quatre puissances pour « troubler » leurs relations avec les partenaires historiques. (À suivre)

Cheikh Mbacké Séne
Expert en intelligence économique et communication sensible
Analyste économique 

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