Environnement : le difficile choix de l’Afrique entre extraction minière et urgence climatique
Le 26 juin 2019, la justice kényane suspendait la construction d’une centrale à charbon, pour laquelle une mine devait être creusée. Une rare victoire pour les militants environnementaux d’Afrique, où le minerai est surtout loué pour ses bienfaits économiques, qu’importe sa contribution au réchauffement climatique.
Omar Elmawi, très engagé contre le projet, était ce jour-là au Tribunal national de l’Environnement. Joint par téléphone par l’AFP ce 8 août, il se souvient « des larmes de joie » d’habitants de Lamu, un site paradisiaque inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, près duquel la centrale devait être érigée.
« C’est un des moments les plus forts de ma vie », sourit-il. Cinq ans de mobilisation et d’action judiciaire avaient finalement porté leurs fruits.
Au tibunal de Nairobi le 26 juin 2019, la ville de Lamu est sauvée. Le juge décide, suite à l’action de nombreuses organisation environnementales, de fermer une centrale thermique à charbon.
© AP Photo/Khalil Senosi
La centrale, d’un coût de deux milliards d’euros, que la Chine devait largement financer et construire, n’a donc pas vu le jour. Pas plus que la mine devant l’approvisionner en charbon, située dans le comté de Kitui, des centaines de kilomètres plus à l’ouest.
La vieille ville de Lamu, Kenya, inscrite au patrimoine mondial par l’Unesco.
© Patricia Alberth/UNESCO
Si les promoteurs du projet, que soutenait le gouvernement kényan, ont fait appel, Omar Elmawi estime infimes leurs chances d’aboutir. En septembre 2021, le président chinois Xi Jinping promettait pourtant devant l’ONU que son pays ne construirait plus de centrales à charbon à l’étranger, rappelle-t-il.
« Nous avons mis la barre haut« , se félicite le militant, dans un Kenya où « 90% de l’énergie est verte » (hydroélectricité, solaire, éolien), alors que le charbon est polluant et source de réchauffement climatique, dont l’Afrique est justement l’une des principales victimes.
Se débarrasser du charbon
À quelques milliers de kilomètres de là, lors d’une conférence sur les mines en Afrique se tenant mi-juillet à Paris, le Niger, pays aride et pauvre, affirme pourtant « ne pas avoir honte de faire la promotion » de ce minerai.
Dans un contexte de fort déficit national en électricité, le charbon « est notre porte de sortie », affirme à l’AFP Ousseini Hadizatou Yacouba, qui était la ministre des Mines du Niger avant le récent coup d’État dans ce pays.
Si les sols nigériens sont riches en uranium, en lithium et en terres rares, et malgré un fort potentiel en énergie solaire, « nous ne sommes pas dans la logique où on va dire: ‘N’exploitons pas le charbon parce que c’est source de pollution’ « , assure la ministre Yacouba.
Et d’ironiser: « Est-ce qu’une usine de charbon au Niger fait plus d’émissions que les nombreux véhicules et autres industries qu’il y a » en Europe ?
Mines d’or en Côte d’Ivoire
Le raisonnement est sensiblement le même en Côte d’Ivoire, où 22 mines, la plupart d’or, sont en exploitation, 180 permis d’exploitation ont été délivrés, et d’importants gisements de gaz et de pétrole ont été découverts offshore.
« Même si aujourd’hui on arrivait à éliminer les émissions africaines, ça ne changerait rien au rythme du réchauffement de la terre », quand l’Afrique « ne contribue qu’à hauteur de 4% aux émissions de gaz à effet de serre » mondiales, estime le ministre ivoirien des Mines, de l’Énergie et du Pétrole.
Également interrogé par l’AFP à Paris, Mamadou Sangafowa Coulibaly vante le bilan « net zéro carbone » des hydrocarbures en Côte d’Ivoire, où « chaque gramme de CO2 émis correspond à un projet qui permet de l’absorber », notamment via la reforestation.
L’oléoduc TotalEnergies en Ouganda
L’argument rappelle ceux employés par le géant français TotalEnergies, qui a récemment entamé l’exploitation de pétrole dans le plus grand parc national d’Ouganda et construit un oléoduc chauffé de 1.443 km pour transporter cette matière jusqu’aux côtes tanzaniennes.