Les médias en Outremer, reflets de la diversité des territoires
Médiamétrie réalise les mesures d’audience de la télévision et de la radio dans la quasi-totalité des territoires d’Outremer (départements, régions ou collectivités) depuis 1991. Ces mesures apportent un éclairage sur les particularités de chacun des territoires dans leurs pratiques médias. En termes de programmes, l’information, qu’elle soit locale, nationale ou internationale, reste un vecteur clef de l’audience. Dans le cadre de son bilan annuel « l’Année Outremer » Médiamétrie présente régulièrement un panorama complet des tendances TV et Radio sur les zones Caraïbes, Océan Indien et Pacifique, ainsi que sur les pratiques digitales aux Antilles et en Guyane.
Guy Détrousselle, Directeur commercial développement à Médiamétrie, indique : « si l’on parle de l’Outremer, ce terme recouvre en réalité de grandes disparités et chaque territoire présente ses particularités propres, que ce soit en termes d’offres de chaînes de télévision, ou stations de radios, de consommation des médias, et de programmes regardés ».
Une grande diversité de l’offre de chaînes de télévision selon les territoires
Dans les territoires ultra-marins, plus de 9 personnes sur 10 possèdent au moins un téléviseur. C’est à La Réunion que le taux d’équipement est le plus élevé avec 94,3% des personnes de 13 ans et plus équipées d’un téléviseur, sachant que sur l’ensemble des territoires étudiés il dépasse 90%.
Si 8 personnes sur 10 sont abonnées à une offre payante aux Antilles et à La Réunion, en revanche on peut souligner que 7 individus sur 10 sont exclusifs TNT en Polynésie française. Une différence qui s’explique notamment par des opérateurs Fournisseurs d’Accès à Internet différents et l’absence des bouquets Canal sur ce territoire.
Cela se traduit en termes de part d’audience : les chaînes de la TNT gratuite réalisent 88% de part d’audience en Polynésie et entre 43% et 57% dans les autres territoires où la part d’audience des chaînes accessibles via l’offre élargie – réception satellite, câble, ADSL ou fibre – est plus élevée.
Sylvie Gengoul, Directrice exécutive du Pôle Outremer chez France Télévisions, relève ces différences entre les territoires : « Le pôle Outre-mer de France Télévisions est constitué de neuf chaînes de TV, neuf stations de radio, neuf sites Internet et un portail des Outre-mer. Les populations auxquelles nous nous adressons sont parfois très différentes en termes de structure d’âge, d’activité, d’origines culturelles et géographiques. Il y a peu de points communs entre la Guyane et la Polynésie, entre les Antilles et Mayotte, ou encore Saint-Pierre et Miquelon et Wallis-et-Futuna. Notre offre tente de s’adapter à chacun de ces territoires ».
Les plus grands consommateurs de télévision sont les Martiniquais, Guadeloupéens et Mahorais : chaque jour de semaine, ils sont 8 sur 10 à la regarder. La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et la Guyane sont à des niveaux proches, avec plus ou moins 3 personnes sur 4. Les moins consommateurs de télévision sont les Polynésiens avec toutefois les 2/3 de la population qui sont des téléspectateurs quotidiens. Ils y consacrent chaque jour 3h09 quand Guadeloupéens et Martiniquais dédient quant à eux plus de 4h30 par jour à la télévision. Ces résultats restent toutefois remarquables avec une audience largement concentrée sur deux chaînes de proximité.
Signe de l’importance de l’information en Outremer, le pic d’audience se situe systématiquement sur les tranches info, avec les JT du soir qui peuvent être à la fois sur les chaînes du service public ou des acteurs privés. Cette particularité constitue une véritable différence avec la métropole où le pic d’audience est atteint sur les programmes de première partie de soirée. En moyenne, sur l’ensemble des territoires, les téléspectateurs regardent chaque jour entre 2 et 3 chaînes.
Guy Détrousselle analyse : « Si l’audience TV a longtemps été portée par les tranches info et également des télénovelas, ces dernières étant toutefois moins largement reprises sur les antennes, aujourd’hui la part des programmes locaux de divertissement ainsi que des évènements sportifs ou festifs semblent apporter un nouvel élan sur les grilles ».
Des événements locaux majeurs selon les territoires – Carnaval, compétitions sportives comme le Grand Raid et le Tour des Yoles ou événements culturels comme le Va’a – rythment les grilles de programmes ».
Sylvie Gengoul confirme le poids de l’information sur le service public : « L’information est le genre le plus emblématique de notre offre, mais aussi le plus puissant. Nous sommes fiers de capter plus de 75 % de parts d’audience avec certains de nos JT du soir comme en Guadeloupe, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie ».
Thierry Michaut, Directeur général de l’agence Unit Media souligne : « les programmes qui font événement en France ou en Europe le font ici aussi, et les publics jeunes se tournent de plus en plus vers des créateurs de contenus – notamment locaux – sur les réseaux sociaux. Ici aussi, les musiques urbaines sont très populaires chez les jeunes, avec une scène locale riche et structurée via notamment la station de radio Exo Fm qui fédère cette scène à l’image de Skyrock dans l’hexagone et est à la fois très connectée et présente sur Antenne Réunion qui appartient au même groupe média local. »
Pour Nassima Omarjee, Directrice Déléguée à la coordination des Antennes à Antenne Réunion : « les éditions d’information, à 12h30 et 19h00, sont les deux pics d’audiences incontournables de la chaine. La série indienne KumKum Bhagya ainsi que Les Feux de l’amour connaissent eux aussi des succès continus, autour du JT de midi. Globalement, la structure d’audience de la chaine est stable. Nous travaillons en permanence avec les équipes à des programmes locaux innovants et de proximité. Nous avons par exemple lancé cette année une matinale, le 6/8 Ansanm, avec deux heures de direct du lundi au vendredi ».
La radio, compagnon quotidien des ultra-marins
En radio, les plus gros auditeurs sont à La Réunion, en Martinique, en Guadeloupe mais aussi en Nouvelle-Calédonie. Dans ces territoires ils sont plus de 7 sur 10 chaque jour à l’écoute de la radio.
En Guadeloupe et Martinique, les auditeurs écoutent plus de 4 heures de radio quotidiennes (respectivement 4h28 et 4h06). Dans les autres territoires, la durée d’écoute se situe autour de 3 heures. Les auditeurs écoutent en moyenne entre 1 et 2 stations par jour. Le pic d’audience du média se produit systématiquement à 7 heures le matin – que ce soit sur des matinales d’information ou musicales – quand il est à 8 heures dans l’hexagone.
« L’offre de programmes est très large avec un univers musical riche incluant les artistes locaux, ou des formats de talk ouvrant les antennes aux populations sur des thématiques sociétales quotidiennes», relève Guy Détrousselle.
Pour Jean-François Ollivier, directeur délégué de Radio Régie « à La Réunion, les habitants passent beaucoup de temps dans leur voiture, ce qui favorise l’écoute de la radio. Les radios privées réalisent de très bons scores. Spécificité de La Réunion, la station Freedom propose une offre intégralement axée sur la libre antenne relayant entre autres informations pratiques ou avis de décès et laissant s’exprimer les états d’âme des habitants ; elle participe à ce titre très fortement au lien entre les Réunionnais et constitue le thermomètre de la population. »
Les radios associatives sont également largement représentées.
Des pratiques Internet similaires à celles de l’hexagone
D’après l’Observatoire des Usages Digitaux Antilles/Guyane et Réunion, 3 habitants sur 4 des Antilles et de la Guyane se connectent tous les jours à internet. Plus de 83% disposent d’une connexion à leur domicile, en premier lieu par le téléphone mobile, puis l’ordinateur, le téléviseur, la tablette et la console de jeux.
Plus de 8 personnes sur 10 âgées de 13 ans et plus possèdent un smartphone dans l’ensemble de ces territoires. Pour ce qui est des foyers, plus de 7 sur 10 possèdent au moins un ordinateur, 4 sur 10 une tablette, 36% une enceinte connectée aux Antilles-Guyane et 28% à la Réunion, 27% une console de jeux aux Antilles-Guyane et 35% à La Réunion.
Plus de 38% des internautes qui se connectent tous les jours à internet y passent plus de 3h par jour en moyenne.
Les trois quarts des internautes s’étant connectés à internet au cours du dernier mois ont déjà acheté au moins une fois un produit ou un service en ligne.
Plus de 8 internautes sur 10 sont inscrits sur 2 réseaux sociaux ou plus. WhatsApp est le plus consulté aux Antilles et à la Guyane, alors que c’est Facebook à La Réunion. Environ 60% se connectent au moins une heure par jour en moyenne sur les réseaux sociaux.
Des mesures d’audience riches et précises
L’étude Métridom de Médiamétrie permet de connaître l’audience de la télévision et de la radio en Outremer. Guy Détrousselle détaille : « la mesure d’audience est extrêmement complète et riche en enseignements, et produit de nombreux indicateurs avec de l’audience au quart d’heure. Elle permet aux acteurs médias de ces territoires de disposer d’informations et d’analyses précises. La mesure d’audience est essentielle pour le pilotage éditorial, la commercialisation des espaces publicitaires via les outils de media-planning ».
Pour les chaînes de télévision et stations de Radio, elle fournit l’audience par quart d’heure, cibles socio-démographiques ainsi que des données d’habitudes permettant notamment des suivre les évolutions de comportements et les couvertures hebdomadaires.
Sylvie Gengoul explique : « La mesure d’audience fournie par Médiamétrie nous permet avant tout de mesurer notre utilité sociale, de nous assurer que nous touchons bien les différents segments de la population, des plus jeunes aux plus anciens, des plus aisés aux plus démunis. L’analyse fine des résultats permet de vérifier que nos contenus sont correctement programmés en fonction des publics disponibles et l’observation des séries chronologiques nous permet d’apprécier l’attachement du public dans le temps ou l’usure de certains programmes ».
Nassima Omarjee complète : « Nous analysons les données d’audience de Médiamétrie sur plusieurs vagues. Nous regardons l’évolution du média et des chaines concurrentes. L’outil nous permet également une analyse par cible et par région. Ces indicateurs nous permettent d’ajuster nos choix tant en achats de programmes qu’en production ».
Isabelle Razaire, Directrice d’agence Havas Outremer, analyse les marchés publicitaires ultramarins : « ces marchés sont de petits territoires sur lesquels l’offre média locale est large et prépondérante en termes de consommation Média. Ce sont des marchés sur lesquels les campagnes développées au niveau national sont soit invisibles (l’affichage par exemple) soit arrivent de façon extrêmement atténuée aux oreilles des populations ultra-marines. Cela est lié au décalage horaire sur certains territoires, ou du peu d’attention portée localement à des écrans publicitaires comportant de nombreux messages qui ne leur sont pas adressés (par exemple l’opération portes ouvertes d’une marque automobile – la plupart des offres promotionnelles). D’où l’intérêt, pour des annonceurs ayant des ambitions de développement sur les marchés ultramarins, de communiquer sur l’offre média locale. Sur l’essentiel des territoires sur lesquels nous intervenons, la communication publicitaire n’est pas vécue comme une intrusion, comme une gêne, mais plus comme une information, voire un divertissement. Sur nos territoires de surfaces limitées et souvent isolés géographiquement, les populations locales sont demandeuses d’événements, d’occasions de divertissement, de sorties en tous genres. Aussi, les médias locaux, pour créer toujours plus de liens avec leurs audiences (existantes ou potentielles) deviennent de plus en plus créateurs d’événements ».
Laure Osmanian Molinero