Nouvelle alerte sur l’état de la psychiatrie en France
Au lendemain du meurtre d’une infirmière tuée à coups de couteau au CHU de Reims par une homme souffrant de troubles mentaux, le débat revient en France autour du sous-financement du secteur de la psychiatrie, « parent pauvre » du système de santé français.
Après l’émotion, le temps des questions en France après la mort lundi 22 mai d’une infirmière à Reims, tuée à l’hôpital par un patient souffrant de troubles psychiatriques. Un drame qui remet sur le devant de la scène la situation catastrophique du secteur de la psychiatrie depuis plusieurs décennies.
Le meurtre « repose immédiatement la question de la situation catastrophique de la prise en charge des malades mentaux dans nos établissements psychiatriques », a réagi mardi Force ouvrière Santé, après l’annonce du décès d’une infirmière de 37 ans, poignardée lundi au CHU de Reims.
Selon les premiers éléments de l’enquête, l’agresseur, un homme de 59 ans sous curatelle, souffrait de troubles psychiatriques sévères et s’était déjà montré violent à plusieurs reprises.
Même s’il n’est pas possible à ce stade de déterminer quel rôle précis a joué sa pathologie – dont on ignore d’ailleurs la nature –, des questions se posent déjà sur le suivi psychiatrique dont il faisait l’objet.
« Le patient ne prenait pas son traitement depuis plus d’un an », a rapporté à l’AFP une source syndicale locale ayant requis l’anonymat.
Plusieurs acteurs du monde hospitalier voient donc dans ce drame une nouvelle illustration des difficultés de la psychiatrie française, un secteur plongé dans une profonde crise depuis plusieurs décennies.
« On va vivre des moments tendus en termes de psychiatrie [ces prochaines années] », a reconnu mardi sur RTL Arnaud Robinet, maire de Reims et membre de la majorité présidentielle (Horizons), par ailleurs président de la Fédération hospitalière de France (FHF).
Il a employé un terme omniprésent chez les observateurs du secteur : la psychiatrie est le « parent pauvre » du système de santé français.
Ces derniers mois, les principales organisations de psychiatres à l’hôpital ont plusieurs fois dénoncé le « délabrement avancé » du secteur et le « grand mépris du gouvernement ».
Recherche psychiatres désespérément
La psychiatrie connaît des problèmes communs à tout l’hôpital, mais amplifiés par les spécificités des troubles mentaux : ces derniers nécessitent souvent un suivi de longue haleine et les traitements médicamenteux doivent généralement être accompagnés de psychothérapies, qui supposent de longues consultations.
Pour y répondre, les moyens de l’hôpital public apparaissent inadéquats, ce qui se traduit pour de nombreux patients, en particulier les enfants et adolescents, par l’impossibilité de trouver un rendez-vous pendant de longs mois et de bénéficier ensuite d’un suivi suffisamment régulier.
Un chiffre montre que cette tendance remonte à loin : entre 1997 et 2021, le nombre de lits d’hospitalisation en psychiatrie a diminué d’environ un cinquième, de presque 100 000 à un peu plus de 80 000.
Cette baisse n’est pas évidente à résorber car elle reflète un manque de soignants – psychiatres et infirmiers spécialisés –, faute de revenus et de conditions de travail satisfaisantes dans les hôpitaux.
Ces conditions peuvent avoir des conséquences désastreuses sur les patients hospitalisés. En 2021, plusieurs dizaines de psychiatres dénonçaient, dans le journal Le Parisien, un recours excessif à l’enfermement, y voyant la « honte » de leur discipline à cause d’une pression excessive sur les soignants.
Connue de longue date, la crise de la psychiatrie est donc revenue sur le terrain politique mardi : le chef de file des Républicains, Éric Ciotti, a ainsi appelé à un « grand plan psychiatrie », une préoccupation jusqu’alors rarement exprimée à droite.
Mais « ce n’est pas en claquant des doigts que nous aurons plus de médecins demain, il faudra attendre dix ans », a prévenu le ministre de la Santé, François Braun, à l’Assemblée nationale, défendant aussi le « partage de compétences avec des infirmières spécialisées ».
Comme il l’a rappelé, le gouvernement a pris plusieurs mesures depuis le début de la présidence d’Emmanuel Macron. Mais, parmi les acteurs de la psychiatrie, elles sont jugées encore très insuffisantes.
La plus emblématique consiste à proposer le remboursement de plusieurs consultations chez un psychologue pour des troubles « légers à modérés ».
Mais les montants remboursés sont jugés trop faibles par les psychologues, le nombre de consultations souvent insuffisant pour une thérapie efficace. En outre, de nombreux patients sont laissés de côté, leurs troubles étant jugés trop lourds pour un tel parcours mais pas assez graves pour une hospitalisation.
Avec AFP