Le Festival de Cannes 2023 sous le charme du duo choc des acteurs Maïwenn et Johny Depp dans «Jeanne du Barry»

Malgré les polémiques, Maïwenn et Johnny Depp ont réussi à enthousiasmer la Croisette. Jeanne du Barry, projeté mardi soir en ouverture du Festival de Cannes, a accueilli un standing ovation. L’acteur américain y incarne aux côtés de la réalisatrice et actrice magistralement le roi Louis XV. Un biopic aussi personnel que réussi sur le destin extraordinaire d’une femme née dans la misère qui investit son pouvoir de séduction dans son ascension sociale, jusqu’à devenir la courtisane préférée du roi.

« C’est grotesque ! » « Non, c’est Versailles ! » est une des punchlines géniales du biopic néo-historique autour de Jeanne du Barry. Ce mardi soir, la Croisette a déroulé le tapis rouge pour Johnny Depp qui a pris tranquillement un bain de foule et de selfies avec ses fans avant de marcher main dans la main avec Maïwenn dans le Grand Théâtre Lumière pour y accueillir un émouvant standing ovation de sept minutes de la part du très prestigieux monde cinématographique cannois.

L’incroyable histoire de la dernière courtisane du roi Louis XV

Jeanne du Barry, programmé hors compétition, raconte l’histoire de la dernière courtisane du roi Louis XV, alter ego de l’actrice et réalisatrice Maïwenn, lui rappelant l’époque où elle avait marié, à l’âge de 16 ans, Luc Besson, l’ancien roi du cinéma français. Johnny Depp, qui incarne avec subtilité, délicatesse et une mélancolie romantique impressionnante le roi Louis XV, vient de sortir d’une bataille juridique après des accusations d’agressions sur sa dernière femme. Depuis, il est boycotté par les studios américains. Et Maïwenn vient d’avouer d’avoir agressé physiquement un journaliste. Acte injustifiable dans une démocratie sérieuse, mais qui semble, dans le cas de Maïwenn, être toléré par le milieu du cinéma et du Festival de Cannes.

Précédée d’une semaine de polémiques naissantes, la cérémonie d’ouverture du Festival s’est déroulée dans une ambiance festive et insouciante, avec des dizaines de stars dans la salle. Catherine Deneuve a récité un poème pour soutenir l’Ukraine, mais concernant les questions encombrantes à l’intérieur du monde cinématographique, aucune prise de parole et aucune pancarte dans la salle ou devant le Palais des festivals gâchait la fête. Pourtant, Jeanne du Barry avait tous les ingrédients pour déclencher un petit scandale dont la Croisette a le secret.

Beaucoup d’applaudissements, pas de polémique

Est-ce que le mouvement #MeToo a observé pour Cannes un moment d’arrêt par rapport à ses exigences souvent si intransigeantes ? Est-ce pour respecter au-delà de tout soupçon le film d’une femme dressant le portrait d’une femme forte sur le chemin de sa libération ? Jusqu’à aujourd’hui, tout laisse penser que cela serait une mauvaise excuse.

Malgré tous ces débats, le délégué général du Festival de Cannes a persisté et signé pour que Jeanne du Barry ouvre la 76e édition du plus grand rendez-vous cinématographique au monde. Et une fois le résultat vu sur grand écran, on sait pourquoi. C’est du grand cinéma, exigeant, inventif et populaire à la fois. Le biopic de la dernière courtisane du roi Louis XV éclaire une page inconnue de l’histoire de France et s’avère être d’une actualité bluffante.

L’école française du regard

Pratiquement toutes les scènes du roi et de la cour dans la galerie des Glaces et au Château de Versailles renvoient à des imaginaires dont les structures continuent à exister de façon profonde dans la manière de penser et exercer le pouvoir en France, mais aussi dans le vivre ensemble en société. La caméra ne regarde pas cette histoire d’amour entre Louis XV et Jeanne du Barry avec les yeux du XVIIIe siècle, mais avec un point de vue contemporain et féminin. Maïwenn se fait plaisir de tourner en pellicule des plans-séquences à la fois vibrants et majestueux pour comparer la vie d’une courtisane à la cour de Louis XV avec ses propres expériences quand elle a, toute jeune, commencé à pénétrer le milieu du film à Paris. La troublante beauté de Versailles, qui cache la cruauté de la cour, se transforme en parabole. La caméra danse souvent entre une vision proche et une vision lointaine comme pour brouiller notre notion du temps et de l’espace.

Dans le film, tout commence toujours avec un regard. Selon la situation, il est observant, obéissant, séduisant, jugeant ou menaçant… Cette école du regard nous permet à détecter de plus en plus l’omniprésence d’un système hiérarchique, vertical, en sens unique. Une société classée en caste où chacun doit rester là où il est né. Pour contrôler le mouvement social comme les petits pas des subordonnés du roi, des menottes sociales de toutes sortes ont été inventées. Pour s’en libérer, pour élargir son territoire, Jeanne commence à changer la posture de ses yeux, de sa tête, de son corps, mais aussi sa diction, son accent, sa façon de s’habiller, se coiffer, de faire l’amour.

« Les filles de rien sont prêtes à tout »

Grâce à son énergie folle, son charme irrésistible et sa conscience précoce de pouvoir manipuler les hommes avec ses atouts féminins, elle change petit à petit sa situation sociale. La petite Jeanne, fille illégitime d’une couturière et d’un moine, va être « vendue » et change souvent la maison et le maître, jusqu’à arriver au comte du Barry qui l’utilise comme amante et prostituée pour renflouer ses caisses. Lorsque se présente l’occasion d’« offrir » cette excitante jeune femme au roi, le destin de Jeanne est scellé. Elle sera une de ces « filles de rien qui sont prêtes à tout » pour éviter à être maltraitée et humiliée par tout le monde.

Et Jeanne ne se limite pas à simplement occuper sa nouvelle position. Elle impose sa pensée et ses valeurs auprès du roi et de la cour. Là où chaque mot et chaque geste sont contrôlés, voire réprimés, elle exprime ses désirs profonds auprès du roi, faisant exploser l’étiquette : elle porte des pantalons, abandonne la perruque, lâche ses cheveux, sans parler des caresses publiquement échangées avec le roi. Consciente de ses propres injustices subies et de sa propre ascension sociale, la favorite du roi exige aussi que Zamor, son page noir offert par Sa Majesté, soit considéré comme égal aux autres, instruit, baptisé, respecté. Le conte de fées d’une émancipation avant l’heure s’arrête quand le roi meurt. Ironie du sort, née pauvre, l’insolente révolutionnaire qui a traversé toutes les classes et fait exploser l’étiquette à la cour, sera guillotinée en 1793 par les révolutionnaires pour avoir trahi sa classe d’origine.

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