Rapport d’Afrikajom center sur les droits humains : Sénégal, une démocratie en désuétude !

Le Sénégal n’est plus cette démocratie à la grande renommée. Dans un rapport dénommé «Le Sénégal : un modèle démocratique africain», Afrikajom Center de Alioune Tine, peint un tableau sombre de la démocratie et des droits humains dans notre pays.

«Le Sénégal : un modèle démocratique africain» est le titre du rapport d’Afrikajom Center. Le document qui est une première du genre, produit par le think tank, dresse un bilan peu reluisant de la démocratie sénégalaise. Selon le président d’Afrikajom Center, Alioune Tine, «si le pays a toujours été un modèle de démocratie en Afrique, et particulièrement en Afrique de l’Ouest, force est de constater que la gouvernance démocratique du Sénégal a connu un déclin perceptible depuis plus d’une décennie».

Les disfonctionnement sont multiples. Ils touchent à tous les aspects de la gouvernance politique, économique et sociale. Alioune Tine  trouve,  «qu’au plan politique, économique ou administratif, la gouvernance a connu une dégradation dans la gestion transparente des élections : notamment avec les tensions et les violences politiques sur des questions relatives à l’éligibilité des candidats aux élections législatives et à l’élection présidentielle. L’impunité des crimes économiques que les juridictions sénégalaises et les mécanismes de régulation n’arrivent pas à résoudre, quand il s’agit d’actes commis par des membres de la coalition au pouvoir, constituent un véritable défi au Sénégal».

Le mal du Sénégal, selon toujours le rapport d’Afrikajom est,  «qu’en dépit, des luttes politiques et démocratiques et des avancées en matière de libertés fondamentales et de droits humains, nonobstant deux alternances et malgré l’existence des assises nationales, le pays éprouve toutes les peines du monde à réformer ce régime présidentiel qui n’a pas pris une ride».

«LE SENEGAL TRAVERSE, A L’HEURE ACTUELLE, LA CRISE DEMOCRATIQUE LA PLUS GRAVE ET LA PLUS COMPLEXE DE SON HISTOIRE POLITIQUE ET ELECTORALE»

Le président Abdoulaye Wade s’est présenté à une troisième candidature, malgré qu’il ait affirmé avoir verrouillé la Constitution. Macky Sall est dans la même dynamique. Il se met à affirmer, aujourd’hui, que, pour le moment, il «ne dit ni oui, ni non», au troisième mandat. Pire il soutient que la loi le lui permet. Pour Afrikajom Center, «cette situation  crée une véritable incertitude sur la question de l’éligibilité des candidats, facteur de malaise, de tensions, de violences politiques récurrentes». Le problème causé par  la posture du chef de l’Etat, «ce n’est pas le texte ; mais c’est le crédit de la parole présidentielle».

En somme,  Afrikajom Center juge que «le Sénégal traverse, à l’heure actuelle, la crise démocratique la plus grave et la plus complexe, sans doute, de son histoire politique et de son histoire électorale, depuis François Carpot et Blaise Diagne en 1914». Selon toujours le document, «au plan de la démocratie et surtout de l’alternance par des élections transparentes et démocratiques des questions, des doutes et des défiances sont les choses les plus partagées par l’opinion, aujourd’hui».

UNE JUSTICE QUI A PERDU SA CREDIBILITE

Le rapport pointe également le pouvoir judiciaire. «La justice, quand elle est indépendante et équitable, garante de la protection des droits humains et des libertés fondamentales, avec un Etat qui se soumet au droit, elle réalise l’idéal d’un Etat de droit et de la démocratie. C’est à partir de ce moment qu’elle est capable de réguler, avec efficacité, les violences politiques et sociales inhérentes à l’existence de toute société humaine», rappelle la structure d’Alioune Tine.

Cependant, ajoute-telle,  «au Sénégal, on est loin de cet idéal, du fait des liens structurels qui assujettissent l’institution judiciaire et ses principaux acteurs au pouvoir exécutif de moins en moins neutre et de plus en plus politisé ; d’où la nécessité d’émanciper cette institution des fourches caudines de l’exécutif». Pour Afrikajom Center, «la justice sénégalaise a perdu de la crédibilité et des réformes sont nécessaires pour que la majorité des juges, d’une compétence reconnue au-delà de nos frontières, puissent travailler en toute indépendance», note la source qui relève, pourtant, que «Le Sénégal a une vieille tradition de dialogue politique. Une longue tradition de dialogues politiques souvent improductifs».

«LA DECOUVERTE DU PETROLE ET DU GAZ SEMBLE DEVENIR DE PLUS EN PLUS UNE MALEDICTION POUR LE SENEGAL»

Les constats d’Afrikajom Center sont aussi que, «la découverte du pétrole et du gaz semble devenir de plus en plus une malédiction pour le Sénégal, au regard de la crise persistante et récurrente qu’elle exerce sur le pouvoir présidentiel, depuis 2011/2012, et semble constituer la principale cause des régressions politiques et démocratiques de ces dix dernières années».

Dans son rapport, Afrikajom revient également sur les corps de contrôle, pour constater que, «l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) est un géant aux pieds d’argile et que les rapports de la Cour des Comptes perdent beaucoup de temps, du fait qu’ils passent par la Présidence de la République. Il est important de trouver les moyens d’une bonne coordination entre, d’une part, le travail de l’Ige, de la Cour des comptes et de l’Ofnac, qui interviennent pratiquement dans les mêmes dossiers et, d’autre part, le renforcement des liens avec la justice».

LES LIBERTES DE MANIFESTATIONS, DE LA PRESSE BAFOUEES

S’agissant des manifestions, Afrikajom s’inquiète de la répression et les tortures. L’organisation constate ainsi que les droits de l’homme et les libertés fondamentales sont de plus en plus menacés. «La liberté de manifester, qui aurait dû être naturelle voire encouragée à l’approche des élections législatives ou présidentielles, devient une véritable épreuve où parfois il faut l’implication de la société civile pour qu’elle soit effective car, à maintes reprises, elle a été suspendue pour éviter la violence», note le document. Le rapport d’Afrikajom déplore également le fait que, «les manifestations soient souvent interdites voire réprimées par les Forces de défense et de sécurité, à l’approche des élections».

Afrikajom constate et se désole  «de la brutalité et la facilité avec laquelle on coupe les signaux des télévisions critiques par rapport au pouvoir mais aussi par les prétextes qui sont saisis par le gouvernement sénégalais pour arrêter, détenir et emprisonner des journalistes pour avoir écrit ou émis des opinions dissidentes».

De même, lit-on dans le rapport,  «la liberté d’expression au Sénégal est limitée par des dispositions restrictives dans le Code de la presse de 2017 et le Code pénal qui continue de réprimer ces délits et augmente même les peines maximales de prison et les amendes pour ces délits», souligne la même source qui indique qu’il ne saurait y avoir de délits d’offense au chef de l’Etat. «Le délit d’offense au Chef de l’État est archaïque et totalement dépassé dans un régime où le chef de l’État est en même temps chef d’un parti politique, ce qui constitue un conflit d’intérêt».

Fatou NDIAYE

SUDQUOTIDIEN

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