Présidentielle 2024 : Karim Wade, le retour d’exil à l’épreuve de la sauvegarde de l’héritage du Pds ?
À dix mois de la date tant attendue, les annonces de candidature se multiplient. Au moment où certains membres de l’opposition ont déjà annoncé leur candidature en 2024, Karim Wade, lui, semble juste indiquer une piste. En effet, le fils de l’ancien président a reçu le récépissé sollicitant auprès de la commission une demande d’inscription sur la liste électorale de la commune de Point-E, conformément aux dispositions de l’article L36 du code électoral qui stipule que « les citoyens sénégalais établis à l’étranger et immatriculés au consulat du Sénégal peuvent sur leur demande, être inscrits sur les listes électorales de l’une des communes désignées par l’article en question. » Dans une étude plus détaillée que nous aurons à décortiquer et qui précisera les contours d’une éligibilité ou non de Karim Wade, nous pourrons avoir les avis différents de constitutionnalistes sur la pertinence de cet acte posé par Karim Wade en perspective de la prochaine présidentielle. Mais pour l’heure nous tâcherons, dans les lignes qui suivront, de voir comment Karim, une fois parmi les potentiels candidats en 2024, pourrait faire bouger les lignes d’un schéma politique promettant une multitude d’incertitudes ?
L’héritier « contesté », mais tenace…
Après avoir été gracié par le président Macky Sall en 2016, Karim Wade vit au Qatar en exil dans des conditions qu’un bon nombre de sénégalais peinent à connaître. Cependant, les principaux canaux de communication que le candidat du parti démocratique sénégalais aux prochaines élections utilisait sont souvent des communiqués, ou des post via les réseaux sociaux et ce, en général, à l’occasion d’évènements ou dans un contexte assez tendu où il est attendu pour se prononcer.Pour rappel, Karim Wade avait été soutenu par son père, secrétaire général du PDS, Karim Wade, des militants du parti démocratique sénégalais et des proches pour être porté à la tête du parti. D’ailleurs, on se rappelle même qu’en 2019,0Babacar Gaye, le porte-parole du parti avait été démis de ses fonctions. Le mois d’août de la même année, Abdoulaye Wade, remanie la direction du parti en écartant Oumar Sarr, secrétaire général adjoint au profit de Bara Gaye, un proche de Karim Wade. Karim Wade est nommé secrétaire général adjoint « chargé de l’organisation, de la modernisation et de l’élaboration des stratégies politiques. Mais ce contrôle accru de Karim Wade se fait au détriment d’autres hommes politiques libéraux (dont Oumar Sarr, Babacar Gaye et El Hadj Amadou Sall) qui finissent par s’éloigner du PDS et forment le parti Suqqali Sopi en juillet 2020. D’ailleurs, ces derniers ont rejoint le camp présidentiel bénéficiant du poste de ministre des mines et de la géologie dans le gouvernement.Abdoulaye Wade a pu propulser une nouvelle dynamique avec un nouvel organigramme qui sera acquis à la cause de Karim. Quelqu’un comme Abdoulaye Racine Kane, son ancien directeur de cabinet, avait été désigné le trésorier du parti, Toussaint Manga, à l’époque, député et fidèle à Wade, devient secrétaire général adjoint chargé des jeunes. Mayoro Faye, secrétaire national chargé de la communication, sera aussi son adjoint. Certains dans le parti et même, des opérateurs de l’espace politique ont pensé qu’à part son père, « aucun responsable du PDS n’a une telle cote de popularité auprès de la population. » Une notoriété qu’il doit en grande partie à son séjour en prison, de 2013 à 2016, après un procès décrié, dont il ressortira avec l’image d’un opposant brimé. Après avoir œuvré pour redresser le parti après la défaite de 2012, Karim Wade est le leader incontestable du parti qui porte l’héritage de son père qui est le secrétaire général national du parti
2024, le tournant décisif ?
Wade-fils une victime qui a une revanche personnelle face au régime qui l’a vu traverser plusieurs obstacles. Pour la présidentielle de 2024, l’ancien ministre de la terre et du ciel, (comme il était surnommé il y a 10 ans), « tant candidat devra se frotter à une autre génération d’acteurs politiques. On peut par exemple citer le cas d’Ousmane Sonko qui porte un discours auquel une grande partie de la jeunesse sénégalaise adhère. Autant Sonko porte l’espoir de changer le mode de la gouvernance, autant également, Karim Wade a une chance si jamais il remportait la présidentielle de 2024 il ne va pas faire moins que Ousmane Sonko par rapport au régime qu’il aura à remplacer. Karim Wade a une carte à jouer dans cette prochaine présidentielle. Il faudra se poser la question de savoir : Est-ce qu’il va préserver les acquis du parti démocratique sénégalais tout en apportant un plus ? Si tout l’électorat de Wade reste fidèle à Karim, il aura des chances d’espérer faire mal lors de la prochaine présidentielle.Autre caractéristique du parti démocratique sénégalais et en particulier, de son candidat en 2024, c’est que Karim et ses camarades, ne sont pas tellement mêlés dans toutes ces batailles qui existent entre le pouvoir et l’opposition (disons une grande partie de l’opposition qui se radicalise à l’image du Pastef).D’ailleurs, on aura remarqué que le schéma qui se met en place, montre déjà que le parti démocratique sénégalais n’est pas dans le mouvement des forces vives de la nation F24 mise en place récemment pour lutter contre le troisième mandat et qui a vu l’adhésion de plusieurs partis, mouvements citoyens etc. Aussi, cette « radicalisation » au parlement que plusieurs députés de l’opposition expriment, est de loin visible chez les partisans de « Laye Ndiombor » (Abdoulaye Wade surnommé le malin par Senghor). Bref, nous constatons, que malgré ces facteurs montrant une posture du Pds assez différente d’une bonne partie de l’opposition, Karim Wade peut dès lors formuler une offre différente là où les autres membres de l’opposition prônent une option frontale. Le Pds est un peu en retrait par rapport à plusieurs actes posés par l’opposition. Karim Wade ne pourrait-il pas jouer en quelque sorte le rôle de quelqu’un qui incarne une alternance modérée. Il faudra se poser alors la question de savoir s’il disposera de tout l’électorat du parti et pour être plus clair, de tous ceux qui étaient favorables à son père, Abdoulaye Wade ? Envisage-t-il regrouper toutes les forces du Pds d’antan (y compris ceux qui étaient frustrés) autour de la nouvelle dynamique du parti face à l’exigence d’une alternative nouvelle pour remplacer Macky Sall ? Est-ce que Karim Wade sera capable de construire autour du Pds, quelque chose de nouveau ? En tout état de cause, Wade-fils exploite bien son exil, pour le moment dans un contexte politique agité et bourré d’incertitudes.