Une conférence spéciale de l’ONU pour faire face à la «crise de l’eau douce» qui s’annonce

Alors que s’ouvre, ce mercredi 22 mars, une conférence spéciale sur l’eau à New York, l’ONU signale qu’il faut se préparer à une crise de « l’eau douce » en raison du changement climatique et de la pollution. Les Nations unies estiment que 2,3 milliards d’habitants vivent dans des pays en situation de stress hydrique et que cela créera inexorablement des tensions.

De notre correspondante à New York, SOURCE RFI

C’est la première réunion du genre depuis 46 ans ! Pourtant, l’enjeu est de taille. L’ONU a déjà donné le ton mardi en prévenant que le monde devait se préparer à une « crise de l’eau douce » à cause du réchauffement climatique et de la pollution. Les Nations unies estiment que 2,3 milliards d’habitants vivent dans des pays en situation de stress hydrique et deux milliards n’ont pas d’accès à l’eau potable. Or ces pénuries créeront invariablement des tensions. Sans compter qu’il est clair que les pays ne parviendront pas à valider l’agenda 2030, qui devait garantir l’accès à tous à une alimentation en eau et aux services d’assainissement. 

Plus de 6 500 participants sont donc attendus pour plus de 500 événements ces mercredi et jeudi 22 et 23 mars à New York. Et l’on peut s’attendre à des engagements concrets. Car même si aucun accord politique général n’est prévu, l’ONU va demander aux pays de s’engager durant ces deux jours sur plusieurs fronts : l’assainissement, la résilience aux inondations et aux sécheresses, le développement durable. S’engager aussi sur des budgets de recherche à propos de l’eau.

C’est aussi l’occasion pour les ONG environnementales de mettre la pression sur les pays : World Wide Fund for Nature (WWF) va leur demander plus d’investissements dans des écosystèmes d’eau douce par exemple. Le World Resources Institute prône une nouvelle gestion de l’eau, adaptée au changement climatique et affirme que sécuriser l’eau pour nos sociétés d’ici 2030 coûterait juste un peu plus de 1% du PIB mondial, avec un retour sur investissement immense : plus de croissance, une augmentation de la production agricole, et l’amélioration de la vie des communautés pauvres.

En Afrique, 90% de la ressource en eau est transfrontalière

Pour limiter les tensions liées aux pénuries d’eau, l’un des axes sur lesquels l’ONU travaille, c’est de pousser à une plus grande coopération transfrontalière en partage de l’eau. Pour cela, elle s’appuie sur un outil : la Convention de l’eau de 1992. À la base, c’était une convention entre pays européens pour préconiser les obligations des pays qui partagent des ressources en eau – partagent un fleuve, une rivière ou dépendent du même bassin aquifère. Mais depuis 2016, tous les pays du monde peuvent désormais la signer, c’est devenu comme une convention cadre, qui permet à des pays voisins de poser des principes de mise en commun des ressources ou d’infrastructures comme des barrages. Quelque 153 États dans le monde partagent les mêmes bassins aquifères, les besoins sont donc immenses.

On note un fort intérêt des pays africains pour cette convention : le Nigeria doit annoncer ce mercredi qu’il la rejoint. Ce sera le septième État africain signataire. Et il sera vite suivi par la Gambie, la Côte d’Ivoire, la Namibie ces mois prochains. La RDC, la Sierra Leone, la Tanzanie et l’Ouganda sont également intéressés.

Car entre le réchauffement climatique et la pression démographique, il y a un vrai besoin à réguler ces eaux partagées, d’autant que 90% des ressources en eau en Afrique sont transfrontalières. Comment gérer par exemple que le Nigéria passe de 200 à 400 millions d’habitants d’ici 2050, alors que plus de 60% de la population vit dans le bassin aquifère du Niger, qui est partagé par neuf pays ? Le pays va pouvoir ouvrir la réflexion avec ses voisins. Et puis, les pays africains sont habitués à la coopération dans ce domaine : ils ont été pionniers en la matière, en ayant mis dès les années 1970 des mécanismes de gestion des fleuves partagés, comme celui du fleuve Sénégal, entre le Sénégal, la Mauritanie, la Guinée et le Mali. Là, avec ce traité, ce sont non seulement les eaux de surface qui sont encadrées, mais aussi les eaux souterraines qui jusque là, n’étaient absolument pas régulées.

L’eau, une ressource vitale au cœur des enjeux

Agriculteurs, particuliers, entreprises… L’Europe n’échappe plus aux conflits entre utilisateurs d’eau alors que la sècheresse est désormais aussi hivernale.

Ces tensions, les pays du Sud les connaissent depuis des décennies, notamment sur le continent africain. Mais elles vont s’exacerber en raison du réchauffement de la planète, prévient Jean Lapègue, d’Action contre la faim au micro de Lucile Gimberg. Il représente aussi une coalition d’ONG françaises : « Il y a déjà des tensions inhérentes à la gestion, par exemple, transfrontalière de l’eau de fleuve, je pense au Nil. Et ces tensions vont s’exacerber dans un monde où la ressource en eau va être plus chère, va être moins abondante. »

Plus de sècheresses ou au contraire plus d’inondations, le changement climatique va aussi intensifier les enjeux sanitaires autour de l’accès à l’eau potable. Avec, en première ligne, les enfants : « Aujourd’hui par exemple, un enfant de moins de 5 ans, a 20 fois plus de risques de décéder d’une diarrhée liée à un problème d’eau potable que d’un bombardement. Les maladies hydriques représentent le premier facteur de mortalité des enfants de moins de 5 ans ».

Objectif donc de cette conférence des Nations unies :  améliorer la gouvernance mondiale de l’eau pour se préparer à l’avenir. Les ONG réclament un envoyé spécial de l’ONU chargé de ces questions et des efforts financiers supplémentaires. 

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