Sixième rapport du Giec: 3,5 milliards d’humains menacés, les efforts encore insuffisants

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a publié, ce lundi 20 mars, son sixième rapport. Un résumé des 10 000 pages des travaux intermédiaires publiés depuis huit ans sur l’état de la science, sur le réchauffement climatique et ses conséquences, les moyens de l’atténuer et de s’y adapter. Et il y a encore beaucoup de travail à faire.

« Ce rapport souligne l’urgence de mettre en place des actions plus ambitieuses et montre que, si l’on agit maintenant, il est encore possible d’assurer un futur vivable et durable pour tous », annonce Hoasung Lee, qui a dirigé ce travail. « Un futur durable et vivable pour tous », c’est en effet ce qui est en jeu pour l’humanité.

Le travail colossal effectué par les scientifiques du Giec précise et affine notre connaissance du réchauffement climatique. Il est « sans équivoque  » la conséquence des émissions par l’humanité de gaz à effet de serre, avec au premier rang le dioxyde carbone (CO2).

Plus d’un siècle d’utilisation de carburants fossiles (pétrole, gaz et charbon), nous ont déjà mené à une planète plus chaude de 1,1°C par rapport aux températures de l’époque pré-industrielle. Cela entraîne en conséquence des événements météorologiques extrêmes plus fréquents et violents. Ces catastrophes touchent toute la planète, et « près de la moitié de l’humanité au réchauffement climatique ».

Sans réduction rapide et intense des émissions de gaz à effet de serre, la situation ne va faire qu’empirer. « Ce qui est très important dans ce rapport, en comparaison avec les précédents, c’est la compréhension des risques si on dépasse un réchauffement de 1,5°C », explique Matthias Garschagen, l’un des 93 auteurs de ce rapport. « C’est une hypothèse probable vers laquelle nous amènent les politiques actuelles. Nous perdrons alors des écosystèmes, les glaciers, les récifs coralliens, et plus encore. Certaines de ces pertes seront irréversibles. Dépasser la limite peut parfois être tentant mais ça ne doit pas l’être vu les risques », poursuit l’expert.

L’humanité n’a jamais produit autant de CO2 qu’en 2022

En effet, les engagements actuels pris par les États conduisent, selon le Giec, à un réchauffement de 2,8°C en 2100. Mais voilà, ces engagements ne sont pas forcément suivis d’actions pour les mettre en œuvre. Ainsi, sans renforcement des politiques actuelles, le Giec estime que le réchauffement attendra vraisemblablement 3,2°C à cette même échéance. Il est donc urgent de changer de braquet : l’humanité n’a jamais émis autant de CO2 que l’an dernier, et à ce rythme-là, la barrière d’1,5°C sera franchie dans « un futur proche ».

Face à cela, il y a deux outils à utiliser conjointement : l’atténuation du réchauffement climatique en cessant d’émettre des gaz à effet de serre, et l’adaptation aux changements, parfois inéluctables, qui apparaissent déjà. « On entend souvent que le temps manque pour atténuer. C’est vrai, nous devons urgemment réduire nos émissions. Mais le temps manque également pour s’adapter », explique Matthias Garschagen : « Pensez à ce qu’il faut mettre en œuvre pour les villes côtières ou pour les semences agricoles. Il faut du temps, il faut s’organiser. On doit accélérer. »

En effet, cette contrainte temporelle est de plus en plus prégnante. Ce rapport met ainsi en évidence, plus que les précédents, l’extrême sensibilité des systèmes au changement climatique. En clair : pour un même réchauffement, les risques s’avèrent en réalité plus élevés que ce que l’on pensait auparavant.

« Nous avons des solutions »

Heureusement, « le message le plus important est que nous avons des solutions », insiste Friederike Otto, de l’université d’Oxford : « Nous savons comment s’adapter. Nous savons comment inciter à la réduction des émissions. Ce n’est pas comme si nous n’avions pas les technologies ou le savoir requis. Nous manquons en réalité du sentiment d’urgence. Nous essayons de le rappeler dans ce rapport. Nous avons la solution et nous devons la mettre en place rapidement pour rendre le monde meilleur pour tous. »

Ce rapport et ses messages sont accompagnés d’un « résumé pour décideurs ». Une condensation de milliers de pages en 36 à destination des chefs d’États et de gouvernements. Comme les précédents travaux du Giec, cette somme de connaissances, l’état de la science sur le sujet en 2023, servira de base de travail et de socle de connaissances pour les futures négociations climatiques, avec en premier lieu la prochaine COP28, qui se tiendra à Dubaï aux Émirats arabes unis en fin d’année.

Ce rendez-vous sera crucial, car il servira à dresser un premier bilan des engagements pris par les pays à la suite de l’accord de Paris de 2015, et d’éventuellement les renforcer. Ce sixième rapport de synthèse du Giec montre clairement qu’on ne pourra pas en faire l’économie.

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