Séisme: l’aide humanitaire commence à peine à arriver dans le nord de la Syrie
Cinq jours après le séisme, Washington vient d’annoncer qu’elle débloque 85 millions de dollars à des partenaires locaux en Syrie, car le gouvernement américain refuse tout contact avec le régime de Bachar el-Assad. Pourtant, à l’ONU, on réclame de ne pas politiser l’aide humanitaire.
Le patron de l’ONU, Antonio Guterres, a été très clair : vue l’ampleur du désastre et des besoins, aucune sanction ne peut interférer avec l’aide à la population. Le département du Trésor américain a toutefois annoncé la levée temporaire de certaines sanctions en lien avec la Syrie, en espérant que l’aide puisse être acheminée aussi vite que possible aux populations touchées. Cette mesure « autorise pour 180 jours toutes les transactions liées à l’aide aux victimes du tremblement de terre qui seraient autrement interdites » par les sanctions envers la Syrie.
De leur côté, les autorités françaises ont tenu à confirmer qu’elles apportaient également leur soutien aux Syriens, même si aucun dialogue avec Damas n’a été établi. « Nous mettons en place une aide d’urgence à la population syrienne qui s’élève à hauteur de 12 millions d’euros, en lien avec les organisations non-gouvernementales œuvrant directement au bénéfice de la population et avec les Nations unies, dans l’ensemble des régions touchées par le séisme », a déclaré François Delmas, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Martin Griffiths, bras droit à l’humanitaire d’Antonio Guterres, a été envoyé directement sur zone ; celui-ci est arrivé ce vendredi matin et devrait se rendre à Alep et à Damas notamment. Et s’il ne peut confier ses objectifs, il devrait certainement plaider pour l’ouverture de points de passages supplémentaires pour l’aide auprès du gouvernement syrien… Ce que réclame Ankara aussi.
Car depuis la mise en place de l’aide transfrontalière aux Syriens depuis 2014, trois des quatre points de passages ont été fermés sur pression de la Russie au Conseil de sécurité et dans la région d’Idleb, au nord-ouest de la Syrie, 4 millions de personnes subsistent uniquement grâce à cette aide humanitaire.
Un premier convoi passe la frontière
Un premier convoi de six camions, prévus dans cette distribution régulière de l’ONU, a d’ailleurs franchi la frontière de Bab al-Hawa jeudi, faisant des couvertures, lampes solaires et des kits d’hygiène pour 5 000 personnes, les premières fournitures reçues depuis le séisme. Mais ils ne transportaient aucune eau ni aucune nourriture.
Alep, ville dévastée par les années de guerre, a été touchée de plein fouet par le séisme. « La ville est totalement sinistrée. Des centaines de maisons ont été détruites. Sans parler des sites archéologiques, de la citadelle et du minaret de Saladin, raconte Elia Kajamini, habitant de la ville, à RFI. Ma maison a été un peu endommagée, mais avec ma femme et notre fille, nous allons bien […] Nos hôpitaux sont pleins à craquer. »
« C’est un pays qui est en guerre depuis douze ans pratiquement, avec déjà des infrastructures extrêmement limitées et une réponse qui déjà en temps normal est très limitée : pas d’électricité, très peu d’eau courante, des moyens très limités, rappelle Myriam Abord-Hugon, directrice de Handicap International en Syrie, coordonnant les opérations de l’ONG depuis la Jordanie voisine. Donc forcément, la réponse au nord-ouest de la Syrie est pour nous plus importante d’une certaine façon que celle qui va se faire pour la Turquie, qui peut déjà être gérée par le pays. »
Des besoins importants
Sur place dans l’un des secteurs contrôlés par le régime, depuis mardi 7 février, Vincent Gelot, responsable du bureau Liban/Syrie de l’Œuvre d’Orient, décrit la situation : « Il faut savoir qu’à Alep, avec la guerre et les bombardements, tous les immeubles ont été fragilisés. Donc là, avec le séisme, on a de plus en plus d’immeubles qui sont évacués par les autorités, donc on se retrouve avec des milliers de personnes dans les Églises, les salles paroissiales, les mosquées, les écoles, dans des conditions très dures. »
Pour lui, le plus grave est le manque d’aide humanitaire, même s’il loue la résilience des habitants d’Alep : « Les Alépins pendant la guerre, ils sont très réactifs, ils ont été habitués à gérer. Les associations locales se sont très vite mobilisées. Ils sont admirables à ce niveau-là. Mais bon, on est quand même dépassés par l’étendue des besoins : des couvertures, des matelas, du lait pour les enfants, des médicaments et puis des repas chauds, des sandwichs, des trucs comme ça. »
RFI