Riz et céréales : le Mali, prochain grenier à grains du Sénégal
Il a fallu à Poutine moins de vingt ans -à partir de 2000- pour faire de l’ex-empire soviétique, avec ses sovkhoz et kolkhoz démodés, un géant de la production et de l’exportation du blé. Aujourd’hui, la Russie produit en moyenne 80 millions de tonnes de blé tendre, confirmant sa place de quatrième producteur mondial et s’imposant surtout comme le premier exportateur avec les 20 000 000 de tonnes de céréales qui nourrissent l’Egypte, le Maghreb et les pays africains dont le Sénégal, avec Olam.
D’importateur net, la Russie est devenue incontournable, elle assure 20% des flux mondiaux d’exportation de blé, une quantité dont le monde ne peut plus se passer. Comme le gaz, le blé, les engrais, et bien sûr les armes, la superpuissance soviétique en fait les outils de sa volonté de domination géopolitique.
En Afrique de l’Ouest, le Mali, premier allié de la Russie, fait des pas de géant dans la production de céréales et se rapproche décisivement de l’autosuffisance alimentaire et nutritionnelle, plus que son voisin sénégalais.
La production annuelle de riz au Mali est passée de moins de 20 000 t au début des années 1980 à près d’1 million t au début des années 2000 et à plus de 2,5 millions t à partir de 2010. Ces cinq dernières années, le Mali frôle son record de 3 000 000 t de riz selon la pluviométrie et la disponibilité des intrants dont les engrais. Une chaîne de valeur qui occupe plus de 400 000 hectares permet d’ailleurs à ce pays, sous embargo récemment, de ne pas mourir de faim.
Son cheptel abondant et ses cultures céréalières ont sauvé notre voisin sans façade maritime, empêtré souvent dans la crise politique. Pendant ce temps, ici au Sénégal, on superpose politique, plan, programme et projet de sécurité alimentaire, sans aucun résultat probant. Depuis la crise alimentaire de 2008, les initiatives au plus haut niveau se succèdent sans impact réel, même avec le Pse. A-t-on évalué la Goana (2008-2012) et le Pracas (2014-2017), la Saed ?
La Saed peine à maintenir le rythme des aménagements dans la vallée, le financement des producteurs insuffisant et les Ics sans aucune contribution pour les engrais, qui coûtent cher depuis le Covid et sont hors de portée pour nos riziculteurs.
Heureusement que le Sud du pays montre des rendements encourageants, pour le riz en tout cas. La région naturelle de Casamance monte en puissance pour les céréales.
Dans tous les cas, le Sénégal -3ème importateur de riz d’Afrique- ne parvient toujours pas à atteindre le plafond du million de tonnes de paddy, soit moins de 600 000 t de riz -en entier ou brisure- dans un pays qui en consomme presque 1 600 000 tonnes en variations annuelles. Aujourd’hui, avec le cours du dollar Us et le fret, sans compter la rareté du riz en Asie, la facture des importations de riz dépasse le budget du ministère de l’Agriculture. Malgré tous les slogans et effets d’annonce de nos autorités. Le risque est gros pour nos populations dans un contexte de rupture des chaînes d’approvisionnement dans le monde.
Heureusement, sur fond de nos contre-performances agricoles, le riz malien sera bientôt disponible à Dakar. Déjà, nous dépendons de ce pays pour la viande.
Moustapha DIAKHATE
Ex-Conseiller PM
Expert et Consultant en Infrast.