Motion de censure à l’Assemblée, l’émergence d’une culture démocratique

C’est avec un intérêt très attentif que nous avons suivi les débats relatifs au dépôt de la motion de censure de Yewwi contre le gouvernement. En effet, au-delà du renforcement du processus démocratique auquel a contribué cette motion, elle a soulevé de notre part trois observations :
La première a trait à la portée de cette motion de censure.
A ce niveau, il nous semble que la plupart des députés n’ont pas bien saisi l’essence de cette motion. De ce point de vue, il y a lieu d’avoir à l’esprit que les moyens de contrôle dont dispose le Parlement à l’égard du gouvernement sont très divers et varient d’un pays à un autre. A ce niveau, on peut distinguer à la lumière de la Constitution de la cinquième République française de 1958 reproduite au Sénégal, excepté quelques aménagements internes, les modes de contrôle suivants :
Les questions Interpellations Les commissions d’enquête La motion de censure…
Parmi tous ces moyens, la motion de censure reste le moyen le plus solennel pour le Parlement d’exprimer sa défiance vis-à-vis du gouvernement. Cependant, tout le monde sait qu’en Afrique, où les régimes sont présidentialistes, la motion de censure a rarement renversé un gouvernement. A partir de cette constatation, il est nécessaire de replacer la motion de Yewwi dans son contexte réel.

En effet, le groupe Yewwi savait très bien à l’avance qu’en utilisant son moyen de contrôle, il ne pouvait renverser le gouvernement, ce qui était d’ailleurs impossible puisque celui-ci dispose d’une majorité, fût-elle vacillante, mais pour attirer l’attention et l’opinion sur l’accumulation abyssale des fautes de gestion du pouvoir. C’est là où réside à notre avis, la signification de cette motion de censure.

La deuxième observation est relative à la sècheresse des débats, tant du point de vue forme et fond en ce sens qu’ils ont été trop personnalisés. Ce qui nous intéressait, c’était moins les comportements saugrenus que la production intellectuelle d’arguments convaincants, positifs et porteurs d’espoir pour les sénégalais sur la politique du gouvernement.

Enfin, la troisième observation porte sur l’adaptation des hommes à la culture démocratique devenue irréversible. Sur ce point, il faut que les Sénégalais comprennent, notamment ceux qui nous gouvernent, que le Sénégal s’est engagé dans la voie du pluralisme politique devant déboucher nécessairement sur la participation et la contestation, c’est-à-dire, en définitive, la démocratie. Pour cela, il devient impératif d’accepter, à tous les niveaux, la critique et l’autocritique. Ceci contribuerait à l’animation du jeu et du débat politiques. C’est la raison pour laquelle nous invitons les hommes politiques, les intellectuels, la Société civile, les leaders d’opinion, les religieux à méditer sur cette citation de Roger Gérard Schwartzenberg :

«A partir d’un minimum de développement socio-économique, un régime accumule fatalement les erreurs et les fautes de gestion, s’il n’accepte pas d’être éclairé par une critique libre et créatrice. Une société qui ne possède pas de canaux permettant de mesurer ses contradictions, d’en informer les gouvernants, d’en débattre librement, s’achemine sûrement vers le blocage et la sclérose.»


Kossoro CISSOKHO
Docteur en Droit
Expert juriste consultant

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *