Softcare-Produits périmés, corruption et pressions : l’audio qui fait trembler l’ARP, quand l’inspecteur Moussa Diallo accuse et défie le système…
À Dakar, l’affaire Softcare connaît un spectaculaire rebondissement. Un enregistrement audio de six minutes, attribué à Moussa Diallo, Directeur de l’Inspection, de la Surveillance du marché et des Vigilances à l’Agence de régulation pharmaceutique (ARP), circule massivement et met à nu des accusations d’une extrême gravité. Selon les révélations rapportées par L’Observateur, l’inspecteur y dénonce à la fois des manquements sanitaires majeurs, des tentatives de corruption et des pressions internes visant à étouffer le dossier.
Contacté par L’Observateur, Moussa Diallo a confirmé sans détour l’authenticité de l’enregistrement. « Je confirme, c’est moi », a-t-il déclaré, assumant pleinement des propos qui pourraient lui valoir des sanctions, mais qu’il dit motivés par un impératif supérieur : la protection de la santé publique.
1 300 kg de produits périmés découverts
Dans cet audio, l’inspecteur retrace l’historique de ses interventions au sein de l’entreprise Softcare, spécialisée dans la fabrication de couches et de serviettes hygiéniques. Il affirme avoir conduit plusieurs inspections, notamment en janvier 2024, puis en octobre et décembre 2025.
Lors de la dernière visite, en décembre, il dit avoir découvert 1 300 kg de produits périmés utilisés dans le processus de fabrication. Une situation qu’il juge alarmante. « J’ai recommandé le retrait immédiat des produits du marché, car il y allait de la santé publique », explique-t-il dans l’enregistrement, précisant que ses constats ont été consignés dans des rapports officiels transmis à sa hiérarchie, y compris au Directeur général de l’ARP, Alioune Ibnou Abou Talib Diouf, qui les aurait d’abord validés.
Mais, selon Moussa Diallo, le dossier aurait soudainement changé de cap. « Six jours après, on m’a dit que tout était en règle. Pour moi, c’était impossible en si peu de temps », s’indigne-t-il, évoquant des locaux inadaptés et un personnel insuffisamment qualifié.
Un communiqué jugé « mensonger »
Le point de rupture survient le 16 décembre, avec la publication d’un communiqué de l’ARP déclarant Softcare conforme. L’inspecteur dit avoir été stupéfait d’apprendre que ce document était prêt avant même son retour au bureau et avant la finalisation de son rapport, daté du 17 décembre.
« En tant que Directeur de l’Inspection, c’est à moi de dire ce qui est conforme ou non. On ne peut pas déclarer une entreprise conforme avant même que le rapport d’inspection ne soit rédigé », martèle-t-il, qualifiant le communiqué de « mensonger » et déconnecté de la réalité du terrain. Face à ce qu’il considère comme une falsification des faits, Moussa Diallo affirme avoir publié, avec son équipe, un communiqué rectificatif.
« Des valises d’argent et de cadeaux »
L’un des passages les plus explosifs de l’audio concerne les accusations de corruption. Selon Moussa Diallo, les propriétaires chinois de Softcare se seraient présentés à son bureau à quatre reprises, avec « des valises remplies d’argent et de cadeaux », dans le but de le pousser à fermer les yeux sur les manquements constatés.
« Ils m’ont même proposé de nous rencontrer discrètement dans un restaurant », révèle-t-il, assurant avoir systématiquement refusé. Pour se prémunir, il dit avoir exigé la présence de son assistante lors de ces rencontres et rappelle que les caméras de surveillance de l’ARP pourraient corroborer ses déclarations. « Mon intégrité n’est pas à vendre. Il s’agit de la santé de nos femmes et de nos enfants », insiste-t-il.
Pressions internes et menaces
Au-delà des tentatives de corruption externes, l’inspecteur pointe également des pressions internes au sein même de l’ARP. « On m’a demandé de retirer mes rapports. Mais je travaille pour la population, pas pour couvrir des irrégularités », affirme-t-il, évoquant des menaces émanant de sa hiérarchie. Malgré cela, il se dit prêt à assumer toutes les conséquences de ses déclarations.
Selon L’Observateur, le dossier Softcare a été saisi par l’Inspection du ministère de la Santé, qui a auditionné les différentes parties. L’affaire serait désormais en attente d’une décision au plus haut sommet de l’État, impliquant notamment la présidence de la République et le ministère de la Santé.

